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Le Brésil, nouvelle grande puissance

Nul ne peut plus remettre en cause l’idée qu’il existe aujourd’hui des puissances économiques consistantes autres que les Etats-Unis ou le bloc de l’Europe. Il est communément accepté que certains pays en développement, maintenant appelés pays émergents, ont de plus en plus de poids dans les échanges commerciaux mondiaux. Les pays visés sont généralement ceux inclus dans le groupe « BRIC », pour Brésil, Russie, Inde et Chine. Malheureusement, l’acronyme BRIC n’est souvent entendu que comme une liste de pays dont les économies sont sans conteste florissantes, mais indépendantes les unes des autres, tournées exclusivement vers les pays dits « du Nord ».

Cette vision de l’évolution de l’environnement international est extrêmement réductrice, et surtout pernicieuse, dès lors que l’on se situe du coté des pays dits développés. En effet, on peut constater que non seulement les échanges commerciaux entre les pays dit « du Sud » ont connu un grand essor ces dix dernières années, mais aussi que les relations politiques entre ces pays se sont considérablement développées. Un des leaders de ce rapprochement entre pays du Sud est incontestablement le Brésil, en quête d’un jeu paritaire avec les puissances occidentales et dont le graal est un siège permanent au Conseil de Sécurité des Nation Unies. Le Brésil affirme aujourd’hui sa volonté de puissance en adoptant une attitude proactive en terme économique, politique et militaire, et cherche à donner une consistance à l’idée d’un monde multipolaire.

A l’instar du mouvement des pays non-alignés (NAM) né dans le contexte de la guerre froide opposant Etats-Unis et URSS, et qui présente une vision idéologique de « lutte contre l’impérialisme, le colonialisme, le néocolonialisme, la ségrégation, le racisme, le sionisme, et toute forme d’agression étrangère », comme indiqué dans la « Déclaration de la Havane » de 1979, le Brésil joue le jeu des institutions internationales en place, appuyé par de nouvelles alliances Sud-Sud dont il est à l’initiative.

1- Le Brésil nouvel acteur majeur à l’OMC

Il aura fallu moins de dix ans au Brésil, depuis son entrée à l’OMC en 1995, pour en devenir un acteur majeur. Son principal fait d’arme est d’y avoir changé la dynamique des négociations dans le domaine de l’agro-alimentaire. En effet, le Brésil a participé activement au basculement du modèle « Blair House » (ce que les Etats-Unis et l’Europe décident seuls, ou avec l’Australie, est appliqué à tous) vers un modèle multilatéral de négociation en poussant les Etats-Unis et l’Europe à négocier au sein du NG-5 (le non-groupe des 5, composé du Brésil et de l’Inde, et de fait des Etats-Unis, de l’Europe et de l’Australie).

Pour ce faire, le Brésil, en tête, avec l’appui de l’Inde et de l’Afrique du Sud, a su mobiliser une vingtaine de pays en développement, représentant plus de 60% de la population mondiale, à la veille du sommet de Cancun en 2003 pour la 5ème conférence ministérielle de l’OMC. Leader dans ce groupe du G20, le Brésil a fait du dossier agricole sa priorité et a réussi tout au long des négociations à maintenir l’unité de ce groupe. Cette action mènera les négociations à leur échec et obligera les « décideurs » à élargir leur cercle de commandement.

Le bénéfice que tire le Brésil de cette manœuvre, mis à part le bénéfice commercial, est double. D’une part, il acquiert une place d’interlocuteur privilégié auprès des décideurs originels et augmente son pouvoir de négociation relatif. D’autre part, il se place en référent vis-à-vis des pays en développement moins importants.

Preuve en est la défense du dossier du coton en faveur de pays Africains -mais aussi du Brésil- à l’encontre des Etats-Unis concernant les subventions accordées par Washington à ses producteurs de coton, ou encore le dossier du sucre initié par le Brésil, la Thaïlande et l’Australie contre l’Europe. Le Brésil est sorti vainqueur par deux fois de ces confrontations.

Ainsi on voit comment le Brésil une fois intégré dans un système, réussi très rapidement à en comprendre la mécanique et à en tirer profit.

2- Le Brésil à l’initiative des nouvelles alliances Sud-Sud

Le Brésil sait cependant qu’il ne peut pas faire cavalier seul, ainsi il multiplie les alliances, tant au niveau régional qu’au niveau intercontinental. Au nombre de ces alliances, on peut citer l’UNASUR (Union des nations sud-américaines) qui est une transposition de ce qu’est l’Union Européenne à l’Amérique du Sud à laquelle vient s’ajouter la récente création de la Banque du Sud qui concurrence le FMI et la Banque Mondiale ; l’IBAS (Inde-Brésil-Afrique du Sud) qui est l’association de trois puissances régionales sur trois continents dont on peut dire qu’elle est à l’origine du succès du G20 ; et l’ASA (Afrique-Amérique du Sud) créée sous l’impulsion commune du Nigéria et du Brésil. Un rapprochement significatif s’opère également entre le Brésil et les pays de la Ligue Arabe.

Ainsi, on peut voir que le Brésil, fort de ces 1100 diplomates (contre 6000 pour la France) développe de manière exponentielle ses relations extérieures depuis l’investiture du président Lula en 2003. Pour illustrer ce fait, en plus de la création des alliances Sud-Sud précitées, on peut aussi faire état de l’ouverture de 17 ambassades en Afrique entre 2003 et 2006.

En étant à l’initiative du renforcement des relations politiques et économique entre Etats du Sud, le Brésil parvient à marquer le tempo des débats avec les pays du Nord et se place en chef de file des négociations.

3- Le Brésil force de maintien de la paix

Pour compléter ses velléités d’accession à un statut de grande puissance internationale, et comme on a pu le remarquer dans son hyperactivité diplomatique, le Brésil a également intégré que pour parvenir à ce stade il lui faut aussi se présenter comme une force de maintien de la paix.

Le Brésil a déjà à son actif deux réussites majeures qui jouent en sa faveur sur ce terrain. Il s’agit de son succès au sein de la MINUSTAH (Mission des Nation Unies pour la stabilisation en Haïti) qui est en cours mais dont les résultats sont déjà positifs. Le Brésil s’est aussi illustré en qualité de médiateur dans le différend opposant le Venezuela à la Colombie à propos des bases américaines implantées en Colombie. De la sorte, le Brésil se présente également sur le terrain des problématiques militaires comme adoptant une politique d’intégration et non de confrontation.

Cependant, le Brésil, fort de ces revenus générés par son exploitation pétrolière et ces exportations agricoles -qui lui ont entre autre permis de rembourser l’intégralité de sa dette extérieure- a lancé un programme de modernisation de son armée. En effet, le pays a besoin en premier lieu de protéger les ressources fossiles découvertes récemment au large de ses côtes et en second lieu de se doter d’une armée consistante avec une force de projection à l’international. C’est ainsi que la France a signé en décembre 2008 un contrat de près de 9 milliards d’euros pour la vente d’hélicoptères et de sous-marins. Lors de la négociation de ce contrat il a aussi été question de l’acquisition par le Brésil d’avions de chasse. Les volumes financiers consacrés au réarmement du Brésil sont significatifs de sa volonté à exprimer sa puissance.

Le Courrier International du 29 Octobre 2009 présente un dossier intitulé « le Brésil : Portrait d’un pays qui gagne ». Ce « dossier » de 5 pages est une sorte d’inventaire à la Prévert -incomplet- d’un certain nombre de réussites du Brésil, comme l’obtention des Jeux Olympiques de 2016, et de ces ressources naturelles ; tout ceci étant assez romantique. On n’y voit à aucun moment l’idée d’une stratégie globale du Brésil pour devenir une force d’influence majeure au niveau mondial. L’issue des négociations intergouvernementales lancée le 29 Février 2009 par l’assemblée générale des Nations Unies, visant la réforme de son Conseil de Sécurité et l’attribution éventuelle de nouveaux sièges permanents sera révélateur de la qualité du travail de l’ensemble des acteurs de la politique extérieure du Brésil.

 

Thomas Pitrat

Equipe Unasur.fr

SOURCES

http://editions-sources-du-nil.over-blog.com/article-36531935.html

http://medelu.org/spip.php?article275

http://lci.tf1.fr/monde/amerique/2008-12/sarkozy-vend-des-contrats-militaires-a-lula-4903969.html

http://static.rnw.nl/migratie/www.bureauafrique.nl/dossiers/afrique/bresil20090427-redirected

http://extranet.senat.fr/rap/r07-482/r07-48213.html

http://fr.shvoong.com/law-and-politics/1694053-afrique-du-sud-br%C3%A9sil-inde/

http://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_des_non-align%C3%A9s

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/omc/cancun.shtml

http://www.rfi.fr/actufr/articles/083/article_47810.asp

http://www.un.org/french/peace/peace/cu_mission/minustah/facts.html

http://www.franceonu.org/spip.php?article3768

http://www.global-pythie.com/article-16348445.html

http://www.interet-general.info/article.php3?id_article=4505

http://www.franceonu.org/spip.php?article3768

http://www.wto.org/english/res_e/booksp_e/casestudies_e/case7_e.htm

http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20090926094159/-diplomatie-Bresil-cooperation-Asa-L-Afrique-laboratoire-de-la-puissance-montante-du-Bresil.html

http://fr.allafrica.com/stories/200910020524.html


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10 réactions à cet article    


  • Jean-paul 17 mars 2010 12:11

    Il y a 30 ans c’etait deja le pays du futur .Si deus quiser .
    Par contre les bidonvilles ont grandi ,la violence est pire a Rio.
    Un conseil eviter de porter une simple montre .


    • Tony Pirard 17 mars 2010 17:39

       Unasur devait montrer la vraie face de L’Amérique du Sud et laisser de mensonges.. !.
       La politique extérieure brésilienne est la pire possible.... ! sinon,allons aux faits.....Lula avec leur exhibitionisme a frappé palme pour dictateurs comme...Castro,Ahmadinejad,kadafi et prototype de dictateurs ,le perroquet Chavez...« Porque Non te Callas... ».
       Pendant les Jeux Olympique de 2008,deux athletes cubaines a demandé « Asile politique » et la diplomatie de Lula,simplement a plaçé eux ,dans un avion Vénézuelien et envoyé à Cuba.

       Mercosur ne fonctione... ! Argentine a taxé les produits brésiliens et la diplomatie brésillienne,qu’est-ce que a fait... ? Rien.. !. Les avions Rafale Françaises sont le plus cher que les « Grinpen » de la Suéde. 
       Je pourrais citer ici,l’autres faits de la grande diplomatie brésilienne,par exemple à Honduras où ils ont mis ...« Le pied dans le plat.. ! ».Des confrontations de commerce avec les Êtats-Unis serai un vrai « tir dans le pied » pour le Brésil,car,le meilleur achetteur des produits brésiliens est les Américains,plus que UE.

       Unasur,au moins ait la courage de dire la vérité dans les articles d’Agoravox...


       


      • rastapopulo rastapopulo 17 mars 2010 18:50

        Comme d’hab, personne ne relève que Lula c’est Santander tout comme Zapatero (qui a empêcher de règlementer les hedges fund aujourd’hui même comme par hasard).

        Bref des baudruches qui se dégonfleront quand la banque coulera (mais les nations avec, c’est ça le problème)

        http://www.solidariteetprogres.org/article6290.html

        Cette victoire (aquisition de Banco Real) ne faisait que couronner l’offensive lancée depuis longtemps par Santander pour, selon l’agence Bloomberg,« construire la République de Santander dans le pays de Lula ». Comme nous l’avons signalé à l’époque, Santander n’a pas hésité à contribuer à la hauteur d’un million de dollars à la campagne présidentielle de Lula da Silva en 2002. Après son élection, alors que les banques étrangères étaient réticentes à prêter de l’argent aux Brésiliens et craignaient que Lula efface une partie de la dette, Banco Santander appuyait le président en gardant ouverte une ligne de crédit pour le commerce avec le Brésil.

        Début 2007, Santander a réussi à placer deux « anciens » managers de la banque, Miguel Jorge et Mario Toros, à de hautes fonctions de l’Etat : respectivement celui de ministre du Commerce et celui de directeur de la politique monétaire à la Banque centrale.

        Quand le 17 septembre, le président Lula da Silva s’est entretenu à Madrid avec le Premier ministre espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, le président de Banco Santander, Emilio Botin, figurait évidemment parmi les invités et a vivement salué les deux « ex » employés de la banque.

        Ce qui n’a rien avoir avec Chavez !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!


        • tvargentine.com lerma 17 mars 2010 19:24

          Il est nécessaire aux Amériques d’avoir un pays qui incarne une puissance face à l’hyper-puissance des USA

          Nicolas Sarkozy l’a bien compris en permettant au Brésil de faire parti du club des grandes puissances par des transferts de technologies et de coopération militaire

          Les pays des Amériques ont fait le choix de la rupture avec le passé,celui de l’intervention des USA dans leurs pays et des dictatures subventionnées par la CIA

          Une réussite de la politique étrangère du Président Sarkozy

          http://www.tvargentine.com


          • Nethan 18 mars 2010 02:07

            C’est peut-être bien un des rares points où il ne s’est pas trop planté, mais ça coûte cher en transfert technologique.


          • Bleu Montréal 18 mars 2010 01:59

            Le Brésil n’a pas été à l’initiative de la Banque du sud (Banco del Sur).

            La Banco del Sur a été lancée par Hugo Chavez en 2006.


            • Marc Blanchard Marc Blanchard 18 mars 2010 02:46

              Heureusement qu’il y a des présidents comme ça sur cette planète. Il est beaucoup plus fin que Chavez vais vont dans le même sens.
              @ Tony Pirard
              « La politique extérieure brésilienne est la pire possible... ».
              "Je pourrais citer ici,l’autres faits de la grande diplomatie brésilienne,par exemple à Honduras où ils ont mis ..."Le pied dans le plat.. !"

              Trouvez vous normal qu’un président élu démocratiquement soit destitué avec le soutien de l’empire ?
              Quand aux pires des gouvernements je pense que c’est ceux que vous soutenez. Peut être par intérêt....


              • rastapopulo rastapopulo 19 mars 2010 21:27

                Les fables post-modernes sans informations concrètes par rapport à ça c’est quoi ? 

                http://www.solidariteetprogres.org/article6456.html
                "
                ...
                D’après le London Sunday Times du 26 octobre 2008, Deripaska et Garnero avaient invité le fils de Jacob Rothschild, Nathaniel, sous-directeur du fonds spéculatif new-yorkais Atticus, à rejoindre la direction de Brasilinvest. « Nat » fut donc convié à la réunion du conseil d’administration de Brasilinvest à Paris en avril 2002 à l’Hôtel Meurice où on trouvait parmi les orateurs, l’ancien président américain George Bush, père. On trouve également à la direction de Brasilinvest : David Tang, un des poids lourds de la bulle immobilière chinoise.
                Conformément à la vieille tradition de la société fabienne anglaise, dont le symbole est un loup en peau d’agneau, l’Empire britannique a su apparaître aux cotés des grandes puissances émergentes d’Asie en se glissant sans la peau d’une « puissance émergente », le Brésil."

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