Le Liban dans la tourmente syrienne. Et après !
Le 27/12/2013 à 8h40 heure locale, explosion d’une voiture piégée d’une charge de 60 kg d’explosifs au centre de Beyrouth, estime-t-on au Liban, a provoqué la mort de 6 personnes dont l’ancien ministre des finances Mohammad Chatah, proche de Saad Hariri et du 14 mars.
Ce nouvel attentat vient allonger la liste des attentats terroristes visant des personnalités politiques et non politiques depuis 2004.
Quelques dates clés, rien qu’en 2013 (L’Orient le jour du 27/12/2013 Le Liban dans l’engrenage du conflit syrien) :
- 18 mars : L'aviation syrienne bombarde pour la 1ère fois le territoire libanais (responsables libanais et américains). Les frappes touchent Aarsal, localité sunnite de l'Est. La Syrie dément.
- 30 avr : Le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah reconnaît l'engagement de ses troupes au côté du régime de Damas.
- 19-26 mai : Combats sunnites/alaouites à Tripoli : plus de 30 morts.
- 5 juin : Le régime syrien et les combattants du Hezbollah reprennent la ville clé de Qousseir, longtemps place forte rebelle près de la frontière libanaise.
- 23-24 juin : Affrontements entre l'armée et les partisans du cheikh radical sunnite Ahmad al-Assir à Saïda (sud) : 18 militaires tués.
- 9 juillet : Attentat à la voiture piégée dans la banlieue sud, fief du Hezbollah : une cinquantaine de blessés.
- 15 août : 27 morts dans un attentat à la voiture piégée dans la banlieue sud de Beyrouth. Nasrallah se dit prêt à aller combattre personnellement en Syrie les "extrémistes" musulmans qu'il accuse d'être derrière les attentats contre ses fiefs.
- 23 août : Double attentat à la voiture piégée contre deux mosquées sunnites à Tripoli : 45 morts. Il s'agit de l'attaque la plus sanglante depuis la fin de la guerre civile au Liban (1975-1990).
- 19 nov : L'ambassade d'Iran à Beyrouth est visée par un double attentat suiciderevendiqué par un groupe lié à el-Qaëda : 25 morts dont le conseiller culturel. Il s'agit de la première attaque visant les intérêts iraniens depuis le début du conflit syrien.
- 2 déc : Tripoli placée sous contrôle de l'armée pour six mois après de nouvelles violences ayant fait onze morts en trois jours.
- 4 déc : Le Hezbollah annonce l'assassinat de l'un de ses leaders près de Beyrouth, accusant Israël, qui dément.
- 17 déc : Attentat à la voiture piégée contre une position du Hezbollah dans un village de l'est du Liban dominé par le mouvement chiite (nombre indéterminé de victimes).
- 27 déc : Mohammad Chatah, proche conseiller de l'ex-Premier ministre Saad Hariri, est tué dans un attentat à la voiture piégée à Beyrouth. Au moins quatre autres personnes ont été tuées et plus de 50 blessées dans l'attentat.
- S’agit-il d’un attentat politique ? Ou l’œuvre du Hezbollah et des autorités syriennes dans les suites d’un cycle ayant débuté en octobre 2004 comme l’affirment les représentants du 14 mars ? Il est à noter que ce parti, et ses alliés du 8 mars, a condamné cet ignoble attentat comme tous les autres attentats.
- S’agit-il de l’œuvre d’El Qaïda, des services secrets israéliens ou d’autres commanditaires comme l’affirment les représentants du Hezbollah ? Un nouvel attentat qui vise à semer la mort et la discorde entre libanais pour miner la stabilité et la sécurité dans le pays ?
Le précédent non convaincant, de la mise en place du Tribunal international qui enquête depuis 7 ans sur l’attentat lâche qui avait tué, entre autre le 14/02/2005 Rafiq Hariri, ne désigne toujours pas de coupable, exécutant ou commanditaire.
Il est prévu, semble-t-il, que le Tribunal rende un verdict dans moins d’un mois. Bien qu’il soit passé par des accusations visant le régime syrien puis le Hezbollah avant de retirer ces accusations par manque de preuves et qui fait suspecter, au minimum, ce tribunal d’amateurisme dans une affaire aussi grave. Bref, les libanais sont pris ni plus ni moins pour des cons.
Le Liban depuis 2004 continue d’être le théâtre de secousses comme à Tripoli, capitale du Liban nord, base arrière d’une frange de l’opposition syrienne.
Les uns accusant l’ingérence du Hezbollah en Syrie qui entraine le Liban dans la tourmente, les autres accusant l’ingérence des sunnites, bien avant celle du parti de Dieu, dans les combats qui se déroulent en Syrie.
Cette façon de voir les choses n’est-elle pas réductrice aux seuls acteurs libanais, occultant les véritables enjeux et les véritables raisons de la déstabilisation et de la destruction de la Syrie et du Liban en préparation ?
Le Liban est dans une situation de blocage institutionnel à côté d’une Syrie à feu et à sang qui a dépassé, depuis longtemps, le stade de l’insurrection à l’image d’un « printemps arabe ».
- Les élections législatives de juin 2013 n’ont pas eu lieu, les députés se sont prorogés leur mandat pour 2 ans, sans que le conseil constitutionnel ne puisse s’exprimer, paralysé par un quorum communautaire non atteint.
- Le gouvernement Mikati est démissionnaire depuis 8 mois, mais continue à expédier les affaires courantes, au point de ne prendre aucune initiative, comme la signature de décrets permettant une augmentation des salaires des fonctionnaires.
- Un nouveau Premier ministre Tamam Salam désigné depuis 8 mois déjà, dans l’incapacité de former un gouvernement.
- Le Président de la république Sleiman en place encore pour moins de 6 mois sans que nous pussions dire si les élections présidentielles auront lieu ou pas.
- Un autre attentat barbare qui touche une personnalité du 14 mars, après ceux ayant visé dans les mois qui ont précédé, qui de l’armée libanaise (Saïda), qui d’une région sunnite (Tripoli) qui d’une région chiite (la banlieue sud de Beyrouth, l’ambassade d’Iran) et qui d’une personnalité militaire du Hezbollah (Lakkis)
Des décisions primordiales et vitales pour le Liban doivent être prises, - pour son économie, pour sa sécurité, pour son existence -, mais ne le sont pas.
Nous avons l’impression qu’un blocage intentionnel a été décidé de l’extérieur sur le compte du Liban avec des complices libanais très hauts placés. Nous avons l’impression que le Liban se paralyse tous les jours un peu plus jusqu’à, peut-être, paralyser l’armée. L’armée demeure la seule institution, le seul pilier encore debout qui représente véritablement le Liban.
Qui détruit l’armée détruira le Liban.
Nous sommes habitués au comportement des responsables libanais dès lors qu’ils détiennent le pouvoir. D’abord ne jamais le lâcher puis, œuvrer pour leurs propres intérêts. La vie économique publique au Liban en pâtit en faveur des intérêts privés et personnels. On dit alors que ce qui caractérise le libanais c’est la « débrouillardise ».
Le libanais lambda cherche à se débrouiller dans cette jungle de non droit. Il s’adapte, du mieux qu’il peut, à un défaut des différents services publics auxquels il peut prétendre.
La mauvaise gestion, du sécuritaire, de l’économie, des finances, du social, des infrastructures (assainissement et entretien des routes) est due aux responsables politiques qui ne font pas le travail pour lequel ils ont été élus mais s’enrichissent sur le dos du contribuable qui essaie de se débrouiller comme il le peut, en effet.
Les conséquences sont visibles, l’attentat d’aujourd’hui mais aussi le spectacle très récemment lors des mauvaises conditions météorologiques : inondations des routes, défaut persistant d’approvisionnement en eau potable et non potables et l’électricité n’est toujours pas à disposition.
La découverte de grands gisements de gaz en méditerranée non exploités par manque de décision politique, sous couvert d’un gouvernement démissionnaire n’en ayant, soi disant, pas les prérogatives nécessaires, la non filtration de la frontière avec la Syrie pouvant réduire le flux constant de déplacés syriens qui finissent par asphyxier, involontairement mais surement, la population libanaise, en portant atteinte à l’économie et à la sécurité du pays qui les accueille.
Ceci nous rappelle la présence massive des réfugiés palestiniens de la fin des années 40 et 60 dans des camps provisoires qui se pérennisent.
La Syrie à feu et à sang depuis 2 ans, a déjà provoqué 7 millions de déplacés à l’intérieur de la Syrie et 1,5 à 2 millions de déplacés au Liban. Le Liban est parfaitement incapable de les gérer. Mais lequel des pays dans le monde le pourrait ?
La guerre en Syrie dépasse les seuls objectifs clairement spécifiés en occident de faire tomber le régime en place et l’avènement de la démocratie.
Pour comprendre pourquoi ce blocage, il faut s’intéresser, comme toujours, à ce qui se passe chez les voisins immédiats du Liban, au Proche Orient, en occident et en Russie.
Ceci parce que le Liban se comporte, encore, comme caisse de résonnance aux mouvements politiques et aux guerres qui se déroulent ici et là.
Il faut également s’intéresser aux alliances qui se font ou se défont entre grandes puissances, USA/ Iran au sujet du nucléaire, Russie / USA sur le chimique en Syrie, USA / Arabie Saoudite sur le pétrole…
Sans cela, rien de ce que nous pourrons avancer comme argument ne pourra être compris.
En attendant, Israël continue, à tirer son épingle du jeu, sans qu’il ne soit menacé. Et ceci est douteux.
Tous les belligérants politiques au Liban devraient se poser cette question de la tranquillité d’Israël au milieu de ce chaos ambiant. N’est-il pas bizarre ?
Ne croyez-vous pas que, ce que Israël n’a pas réussi à faire en 2000 et 2006 concernant le Hezbollah, il essaie de le faire faire par les libanais eux-mêmes et à moindre frais pour lui ?
Ne croyez-vous pas que les attentats au Liban servent la Fitna entre d’un côté, les sunnites du 14 mars et de l’autre, les chiites du 8 mars ? Et que s’accuser mutuellement ne fait qu’accentuer la séparation des 2 camps par le sang, prélude à une guerre interne au Liban qui s’annonce ? Auquel cas, croyez-vous qu’il y aura un gagnant et un perdant, et pour gagner quoi au juste ?
Ne croyez-vous pas que les exécutants des différents attentats sont le fait de mercenaires islamistes qui ciblent tous les camps au Liban dans le seul but de monter les uns aux autres. De surcroit, aucune n’enquête n’aboutit, et pour cause. Ce n’est certainement pas le Tribunal international qui va nous livrer exécutants et commanditaires.
Le communautarisme libanais, base politique du Liban multiconfessionnel depuis sa création, est le moyen utilisé par tous les influents extérieurs, pour dicter leurs politiques aux exécutants libanais. Ceux-là ne tiennent pas compte de l’intérêt national. C’est malheureux mais c’est ainsi.
Les influents extérieurs sont connus et reconnus, il faut donc en tenir compte dans la grille de lecture que nous aurons de la situation.
Il s’agit de la Syrie, Israël, l’Arabie Saoudite et le Qatar, l’Iran, la Russie, la France et l’Union Européenne, les USA.
Là dedans il y a les financiers et ceux qui financent indirectement, il y a aussi ceux qui influent politiquement, diplomatiquement et à travers les média pour l’interprétation quant au déroulé des évènements.
Nous sommes en présence d’une mise en scène dramatique à grande échelle dont les objectifs dépassent le renversement d’un régime ou l’avènement de la démocratie en Syrie ou ailleurs.
Les véritables objectifs sont civilisationnel, historique et humanitaire. L’on vise, à la fois, la destruction systématique des entités nationales existantes au Moyen Orient, réduisant à néant l’Histoire et la civilisation des populations locales en effaçant leurs ancestraux particularismes religieux et croyances, ne lésinant sur aucun moyen pour arriver à ses fins (pillage et destruction de musées, d’églises, de mosquées).
Il s’agit d’instaurer le chaos (madame Condoleeza Rice l’avait prédit en 2006, et pour cause) avant de reconstruire autre chose.
Comment doit-on réagir au Liban pour ne pas être entrainé dans ce plan diabolique (complot) ?
- L’union sacrée entre sunnites, chiites, druzes et chrétiens sans attendre. Il en va de notre survie à tous. La dichotomie 8 et 14 mars est à bannir.
- Cesser de prendre des ordres de l’extérieur
- Donner toutes les prérogatives à l’armée pour faire régner l’ordre aux frontières et à l’intérieur du Liban.
- Ne pas demander d’aide à l’étranger, à aucun étranger, mais défendre ses droits et exploiter les gisements de gaz sous les eaux libanaises.
- Ne rien attendre du Tribunal sur le Liban et arrêter son financement sur le champ. Il participe à cette atmosphère délétère, il fait parti du plan.
- Les députés doivent être élus d’une manière démocratique le plus rapidement possible. Hier çà aurait été mieux qu’aujourd’hui et demain ce sera pire qu’aujourd’hui
- Un gouvernement d’union nationale doit être formé immédiatement, sans attendre.
- Un Président devra élu en temps et en heure. Même si des voix demandent autre chose.
- Le Hezbollah de doit pas être désarmé, ce n’est pas le moment. Il le sera quand la situation le permettra.
Ce n’est qu’à ce prix que le Liban sortira du piège qui lui est tendu, prendra son destin en main, s’ouvrira au dialogue interne. Les libanais en sont parfaitement capables.
Dr Riad JREIGE
Montpellier – France
28/12/2013
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