Le Qatar, phare du néo-libéralisme
L’Organisation Internationale du Travail a donné 12 mois au Qatar pour mettre fin à l'esclavage des travailleurs migrants, sinon, il pourrait « faire l’objet d’une éventuelle commission d’enquête des Nations Unies ». Quelle terrible menace !
Cet « avertissement » est le résultat d’une enquête formelle par l’OIT ce mois-ci sur les allégations de travail forcé dans l’Etat du Golfe (propriétaire du PSG) où se trouvent des travailleurs migrants bloqués pendant des mois sans salaire et dépouillés de leurs passeports. La délégation, conduite par l'ambassadeur du Japon auprès des Nations Unies à Genève, M. Misako Kaji, a rencontré les travailleurs sans papiers qui n’avaient pas accès aux soins de santé gratuits et étaient profondément endettés. Ils ont également contrôlé l'hébergement des travailleurs qui ne "répond pas, et de loin, aux normes minimales, consistant en logements de 10 à 12 travailleurs par petite pièce insalubre, cuisine et des installations sanitaires sommaires".
L'OIT a demandé au Qatar d'agir à propos du traitement des travailleurs les plus vulnérables et d’entreprendre des changements législatifs faute de quoi l’organisme pourrait décider en Mars 2017 de lancer une « commission d'enquête ».
Le Qatar a promis d'introduire une nouvelle loi dans quelques mois pour mettre fin au système de « kafala » (1) en vertu de laquelle les travailleurs migrants ne peuvent travailler que pour leur patron et n’ont pas la liberté de changer d'employeur ou de quitter le pays sans l'approbation de leurs « protecteurs », ce qui revient à des conditions assimilables à l'esclavage moderne pour la plupart des 1,5 millions de travailleurs migrants au Qatar.
Le Premier ministre du Qatar, M. Abdullah bin Nasser bin Khalifa Al Thani, a affirmé que le Qatar fait face « un grand défi sur le front du travail », mais il a affirmé que les principales questions étaient dues aux pratiques de recrutement dans les pays d'envoi de main-d'œuvre.
La délégation de l’OIT a constaté que le Qatar n’agissait pas pour que cesse la pratique de confiscation des passeports ni pour interdire le paiement de frais de recrutement élevés par les travailleurs, ce qui les met dans une situation d’endettement insurmontable.
L'action de l’OIT donnait suite à une plainte d'une douzaine de pays, dont le Royaume-Uni, la France, le Pakistan et le Canada, accusant le le Qatar de ne pas respecter la convention des Nations unies sur le travail forcé en affirmant : « dès le moment où les travailleurs migrants commencent le processus de recherche d'un emploi au Qatar, ils sont entraînés dans un système de forte exploitation qui facilite le recours au travail forcé par leurs employeurs : substitution de contrat, frais de recrutement accompagnés de prêts à intérêt élevé, confiscation de passeports ». En outre, ont déclaré les pays cités, "Le Qatar ne parvient pas à maintenir un cadre juridique suffisant pour protéger les droits des travailleurs migrants, conformément au droit international ni même à faire respecter les protections juridiques qui existent actuellement. En particulier, la loi de parrainage, une des plus restrictives dans la région du Golfe, facilite le travail forcé, entre autres choses, ce qui rend très difficile pour un travailleur migrant de quitter un employeur abusif."
L'OIT a accordé au Qatar le crédit d’avoir pris des mesures concrètes pour le bien-être des travailleurs et constaté l'amélioration de l'hébergement dans « la ville du travail » en cours de construction pour 100.000 travailleurs : "Les chambres mesurant 24 mètres carrés seront partagées par quatre travailleurs. Les bâtiments incluent des cantines, des salles informatiques, une salle de sport et une salle de télévision, et la « Ville du travail » bénéficiera d'installations comme un centre de santé, des magasins, un poste de police et des espaces verts."
La délégation a également apprécié favorablement le nouveau système mis en place pour empêcher le non-paiement des salaires en doublant le nombre de travailleurs payés par virement bancaire, dont bénéficient 90 000 personnes, les travailleurs des grandes entreprises et pas ceux des plus petites.
Madame Sharan Burrow, secrétaire générale de la Confédération Syndicale Internationale, a déclaré : « Le Qatar dispose des moyens financiers pour faire de vraies réformes, assurer un travail décent et des salaires sûrs, et la communauté internationale est prête à aider le gouvernement s’il montre enfin qu'il est déterminé dans ce sens. Ce jour-là est encore à venir, mais la nouvelle décision de l'OIT devrait faire prendre conscience au Qatar que le monde ne sera convaincu que par un changement réel, et non pas par des opérations de relations publiques. "
On aimerait le croire !
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(1) Kafala — Wikipédia
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