Le train qui survole les montagnes
Culminant à 5072 mètres d’altitude, la ligne Golmut-Lhassa ouvrira aux voyageurs le premier juillet. Derrière cet exploit, on peut s’interroger sur le déferlement de touristes et de colons dans un Tibet démuni craignant de perdre son identité. On observe surtout l’ambition chinoise de s’affranchir des contraintes géographiques pour se relier au reste du continent eurasien.
Ce premier juillet, la Chine ouvrira aux voyageurs la ligne ferroviaire la plus haute du monde. Longue de 1142 kilomètres, elle relie Golmut dans la province du Qinghai à Lhassa, capitale du Tibet, prolongeant la section Xining -Golmud ouverte en 1984. Elle longera les monts Tanggula en suivant le large sillon d’un col culminant 5072 mètres, battant ainsi le record mondial que détenait une antenne minière du Ferrocarril Central Andeo au Pérou (4 830 m). Installée à 5068 mètres une gare emporte le record de la plus haute gare du monde et ne manquera pas d’intérêt pour les tours opérators en mal de circuits insolites. Le voyage se poursuivra à 120 km/h à travers le haut plateau tibétain et parviendra à Lhassa, à 3650 mètres d’altitude, au terme d’une dizaine d’heures de trajet depuis Golmut. Pékin sera alors à 50 heures de train.
Confortablement installés dans leurs luxueuses cabines avec lit, salle de bain et fenêtres panoramiques les touristes seront protégés contre les ultraviolets par un traitement approprié des vitres, de l’altitude par la pressurisation des wagons, et du froid par une climatisation perfectionnée. Les passagers ne pouvant s’offrir des wagons-lits pourront se contenter d’aménagements plus classiques.
Un exploit technologique
Les ingénieurs chinois ont montré l’ampleur de leur savoir-faire dans la construction de cette ligne dont l’altitude moyenne dépasse 4000 m - altitude de croisière des vols régionaux ! Un procédé d’isolation évite la fonte du pergélisol, salé, gelé en permanence, présent sur 550 km. Sur 200 kilomètres il a fallu concevoir des ouvrages résistant aux secousses telluriques. Une centaine de ponts et plus de 30 kilomètres de tunnels ont été réalisés. Commencée en juin 2001, la construction proprement dite n’a demandé que quatre ans, la dernière année ayant été consacrée à l’installation et à la mise au point de la signalisation relayée par satellite ainsi qu’aux essais.
Sur 45 gares réparties sur le trajet, 38 fonctionnent en mode automatique.
Le groupe canadien Bombardier a remporté l’appel d’offre du matériel roulant (361 voitures dont 53 voitures-lits) qui a nécessité des adaptations de technologies aéronautiques.
Un projet chargé de soupçons
Beaucoup ont vu dans cette réalisation une voie stratégique destinée à arrimer le Tibet au pouvoir de Pékin. Les Tibétains craignent surtout qu’une arrivée massive de colons ne délite leur culture. Cette ligne permettra d’exploiter les ressources naturelles du Tibet et d’acheminer des troupes en cas d’insurrection. Des manifestations ont eu lieu au Canada contre le groupe Bombardier, pour dénoncer sa participation à ce projet auquel certains administrateurs de la compagnie n’étaient pas favorables. Elle ouvrira cependant au monde une économie tibétaine embryonnaire et le Dalaï-Lama s’est prononcé pour sa réalisation.
La stabilité du pergélisol sous la voie fait également l’objet de controverses. D’ores et déjà, il est acquis que l’entretien de la ligne sera très coûteux.
Un tronçon d’un projet plus grandiose
La ligne Golmut-Lhassa ne devrait pas en rester là. Il est prévu qu’elle se prolonge jusqu’à Zhangmu, aux portes du Népal, par la vallée du Brahmapoutre et vers Dali, dans la province du Yunnan, traçant ainsi un arc ferroviaire au nord de l’Himalaya.
Construisant plus de mille kilomètres de lignes nouvelles par an, la Chine lance également ses voies ferrées vers l’Ouest avec l’intention affichée de créer une route ferrée de la soie qui permettrait à ses marchandises de pénétrer en Europe en une dizaine de jours seulement, au lieu d’un mois par bateau.
Pendant que l’Europe peine à financer la ligne Lyon-Turin, l’extrême-Orient met la vapeur et entend bien s’affranchir de la géographie pour affûter ses capacités concurrentielles.
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