Le Zimbabwe ou l’avenir de la démocratie
Ce qui se passe au Zimbabwe est une projection éclairée du fonctionnement réel de la démocratie : le suffrage universel n’est pas une condition suffisante à son application.
Qu’importent le nombre de votants, le mode de scrutin utilisé ou les contrôles de bonne tenue des scrutins, l’essentiel est le positionnement des médias (ou de l’armée quand ils ne suffisent pas) par rapport au gouvernement en place. J’ai la vague impression que l’opposition au « président » Mugabe était suffisante pour l’emporter dès le premier tour, et je pense n’être pas le seul dans mon cas. Pourtant - et ce malgré une longue et douteuse période d’attente des résultats - on apprenait hier qu’un deuxième tour sera organisé. Le chef de l’opposition se retrouve ainsi dans une situation délicate car pour lui s’offre un choix cornélien : ou bien participer à ce deuxième tour et ainsi valider les résultats officiels truqués par le gouvernement (et bien sûr s’exposer à un scrutin sans doute bien ficelé), ou bien refuser ces résultats et ne pas participer au second tour. Mugabe serait alors vainqueur par forfait.
Un beau tour de passe-passe effectué par le gouvernement zimbabwéen, et une preuve de plus que la démocratie ne peut être qu’apparente.
Bien sûr les Etats-Unis ont critiqué cette annonce, et quelques radios françaises ont encore évoqué la contestation réelle des chiffres donnés par le gouvernement. Mais il faut être certain qu’après la victoire tout aussi certaine de Mugabe au second tour, les médias internationaux se détourneront vite de la contestation massive des résultats par l’opposition. Les organismes de défense des droits de l’Homme passeront eux aussi à un autre problème, et on comprend qu’ils soient si volatiles, noyés qu’ils sont dans l’ambiance saturée des attaques portées contre ces droits. Mais on n’en parlera plus, à moins que le sang coule là-bas, ce même sang qui n’attire les médias que très ponctuellement…
Enfin ici on fera comme on fait d’habitude : la conscience tranquille d’en avoir touché un mot, la compassion vite éteinte par une autre rallumée, et sûrs de la force de notre démocratie. Sûrs aussi que les médias français sont libres, et que nos scrutins sont aussi transparents que les chaussettes de certains élus. Sûrs toujours que nos chiffres et nos sondages sont réels et incontestables : lorsqu’un scrutin détermine un 52% contre un 48%, on assure que le scrutin était serré. Et qu’il y ait une abstention de 30% ne remet pas en cause le scrutin car on n’en tient pas compte. Sans parler du quatrième pouvoir, la presse, si indépendant du gouvernement qu’il ne peut être qu’impartial.
Enfin on continuera de donner des leçons aux Chinois afin qu’ils autorisent les manifestants à se faire entendre, et on jurera qu’en France il en est ainsi.
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