Les responsables israéliens craignent une catastrophe imminente : l’effondrement de l’Autorité palestinienne
Corrompus, immobilistes, les dirigeants de l'Autorité palestinienne suscitent bien des critiques. Qu'adviendrait-il si cette instance politique "provisoire" depuis 1993, s'effondrait ?
La journaliste et chercheuse Jennifer Williams a publié le 4 janvier un article très intéressant au sujet d'un éventuel effondrement de l'Autorité palestinienne, dont je traduis ici la première partie.
http://www.vox.com/2016/1/4/10690270/collapse-palestinian-authority
Les responsables de la sécurité israélienne et les dirigeants politiques craignent de plus en plus que l'Autorité palestinienne - qui, avec les forces de sécurité israéliennes, est responsable de la gouvernance et de la sécurité en Cisjordanie – ne soit au bord de l'effondrement. Ils redoutent, quand elle s'effondrera, que la loi et l'ordre ne s’érodent en Cisjordanie, ce qui constituerait une catastrophe pour les Palestiniens et qui pourrait ouvrir la territoire à une prise de contrôle par le Hamas ou autres extrémistes.
Ces craintes, longtemps exprimées par certains responsables palestiniens et américains ainsi que par des analystes indépendants, semblent s’être également emparées de l'establishment israélien.
L'Autorité palestinienne (AP) est le gouvernement intérimaire palestinien créé par les Accords d'Oslo de 1993 pour administrer Gaza et certaines parties de la Cisjordanie. Il était censé être un gouvernement temporaire et limité, donnant aux Palestiniens une autonomie partielle jusqu'à ce que Palestiniens et Israéliens parviennent à un accord de paix final. Les accords étaient censés « expirer » après une période intérimaire de cinq ans au cours de laquelle les parties devaient conclure un accord final. Mais plus de vingt ans après, aucun accord de paix n’a été trouvé, et l'Autorité palestinienne est toujours là.
De nombreux Israéliens, Palestiniens, et observateurs extérieurs craignent de plus en plus que les jours de l'AP ne soient comptés. Son leadership est faible et de plus en plus considéré comme corrompu et inefficace par les Palestiniens. Son chef, le président Mahmoud Abbas, est âgé de 80 ans et n'a pas de successeur évident. Mais ce qui est le plus dommageable est la crise de légitimité de l'Autorité palestinienne qui découle de plusieurs facteurs : l'échec de l'Autorité palestinienne à proposer un accord de paix, l'autoritarisme croissant de Abbas (y compris le fait que les élections ont pas été tenues depuis près d’une décennie), les scandales de corruption impliquant les fils d'Abbas et le copinage qui sévit dans l'Autorité palestinienne, la collaboration en matière de sécurité de l'Autorité Palestinienne avec Israël et les actions de plus en plus oppressives à l’endroit des manifestants.
En clair, les Palestiniens pensaient que l’AP les aiderait à obtenir un Etat. Au lieu de cela, l'AP leur a apporté la corruption, l'autoritarisme et l'occupation continue. Plus le mécontentement palestinien sur le statu quo se développe, plus leur frustration se concentre sur l’AP.
Ainsi que me l’a rapporté Neri Zilber, journaliste et chercheur au Washington Institute sur la politique au Proche-Orient : « La raison d’être de l’AP a toujours été en tant qu’entité intermédiaire, qui devait conduire à la constitution d’un Etat. Si vous enlevez la recherche de l'objectif final, les Palestiniens commencent à se demander : « Pourquoi maintenir une telle structure ? » »
Si l’AP s’effondre, beaucoup redoutent que la Cisjordanie ne sombre dans le chaos et la violence. Ils craignent que l'organisation terroriste du Hamas, qui gouverne actuellement la bande de Gaza, n’arrive au pouvoir en Cisjordanie par la suite.
Qui est inquiet de l'effondrement de l'Autorité palestinienne ?
En bref, tout le monde. Lors d’un récent voyage en Israël, j’ai fait une série de conversations off avec des universitaires israéliens et palestiniens, des avocats, des journalistes, des professionnels de la sécurité, et d'autres encore pour discuter du conflit israélo-palestinien. Une chose que j’ai entendu exprimer à plusieurs reprises par des personnes de tous bords était que l'Autorité palestinienne se trouvait au bord de l'effondrement, et que quand cela adviendrait, le résultat en serait le chaos et la violence en Cisjordanie avec une probable arrivée au pouvoir du Hamas.
Les responsables israéliens - et pas seulement les politiciens, mais des responsables de l’armée, de la sécurité et du renseignement, graves et sobres - sont inquiets à ce sujet. A la fin du mois de novembre, ainsi que l’a rapporté Haaretz, les Forces de défense d'Israël et les agents des services de sécurité du Shin Bet ont confié que des ministres israéliens se disaient « très inquiets par la possibilité d’un effondrement de l’AP » et « mis en garde les ministres des conséquences à la fois pour la sécurité et les affaires civiles. » Zilber a confirmé quand je lui ai parlé récemment :
« Les gens qui sont les plus concernés sont les professionnels, l’establishment de la sécurité israélienne, qui traitent au quotidien avec les Palestiniens, qui connaissent cela mieux que tout politicien israélien, tout analyste extérieur, parce que c’est ce qu'ils font pour gagner leur vie. Ce sont eux, probablement plus que quiconque, qui sont les plus préoccupés par l'instabilité de l'Autorité palestinienne, jusqu'à et y compris l'effondrement. »
Les États-Unis sont également préoccupés par la situation. En décembre, le secrétaire d'État John Kerry a reconnu qu’« il y a des questions légitimes quant à la problématique de savoir combien de temps l'AP survivra si la situation actuelle perdure. »
Qu'adviendra-t-il si l'Autorité Palestinienne s'effondre ?
Il y a trois scénarios d’explosion de l'AP, selon une étude menée en 2013 par une organisation respectée de recherche palestinienne. L'étude conclut que, comme le rapporte Haaretz :
« Un, le scénario le moins probable, est une décision volontaire par le leadership palestinien de la dissoudre. Le deuxième est l'effondrement provoqué par des sanctions israéliennes de nature économique, militaire et politique, et une pression politique et économique, principalement américaine, en réponse aux mesures palestiniennes qui violeraient le statu quo, comme une saisie de la Cour pénale internationale ou l’organisation d’un soulèvement non-militarisé. La troisième possibilité est une rupture qui résulterait de l'agitation interne palestinienne et de la rébellion. »
Les conséquences d'un tel effondrement seraient graves et immédiates. Comme l'a souligné Kerry, « Il y a quelque 30 000 forces de sécurité de l'Autorité palestinienne en Cisjordanie, et les responsables de la sécurité d'Israël reconnaissent leur rôle-clef pour empêcher que la situation n’échappe à tout contrôle, y compris d’ailleurs pendant la tourmente des trois guerres avec Gaza. »
En d'autres termes, sans l’AP, une grande partie de la Cisjordanie serait soudainement sans gouvernement, y compris sans forces de sécurité. Ce serait un désastre pour les Palestiniens à bien des égards, mais une préoccupation que j’ai entendue répétée maintes et maintes fois par les Israéliens est qu'il n'y aurait personne pour garder une soupape de sécurité sur les troubles ou la violence.
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