Nouvelle stratégie de Bush, l’impuissance de la force
Le Georges W. Bush qui s’apprête, dans quelques heures, à annoncer sa nouvelle stratégie en Irak, est un homme qui précipite sa propre chute. Il est exactement dans la situation d’un Johnson annonçant l’envoi de troupes supplémentaires au Vietnam, pour « assurer la victoire » et « faire rentrer dignement les boys au pays ». On connaît la suite...
Expédier davantage de troupes pour garantir le retour de tout le corps peut s’expliquer si l’on se fixe des objectifs clairs, c’est-à-dire un calendrier de retrait échelonné. A ce moment-là, on peut comprendre que les besoins de la logistique exigent la présence d’un grand nombre d’actifs. Retirer 150 000 hommes et un matériel jamais déployé au cours des précédentes guerres , cela demande une planification spéciale. Mais rien n’est moins sûr !
Georges Bush ne semble pas du tout décidé à se retirer d’Irak. Tout au plus, il se fixe des horizons lointains, arguant du fait que l’armée locale n’est pas encore en mesure de garantir la sécurité du pays. Ces horizons reculeront au fur et à mesure que la guerre fratricide s’installera partout. Tout a été fait pour réveiller les vieux démons confessionnels. Si l’on analyse bien les menées de la politique américaine en Irak, on relèvera que l’un de ses axes fondamentaux a été de détruire l’unité de la nation et du peuple, d’accentuer les clivages communautaires et religieux, d’allumer les feux de la déflagration générale. Tout récemment, et l’exemple a fini par persuader les plus sceptiques, la livraison de Saddam Hussein à des bourreaux haineux et revanchards en a été la meilleure preuve. On ne pouvait pas faire mieux pour attiser la guerre civile dont les prémices déchirent déjà l’Irak.
Gagner du temps
Le président Bush semble vouloir, encore une fois, gagner du temps. Bénéficiant d’un système d’information qui joue le jeu, il passe son temps à récréer le suspense, tablant sur l’effet d’annonce de ses « nouvelles » politiques, de ses « stratégies » dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles ressemblent à des épisodes sans relief d’un feuilleton fade et monotone. Ce feuilleton ne présente aucun intérêt parce que tout le monde en connaît la fin. Le suspense, comme élément dramatique boostant les audiences, n’est d’aucune utilité dans ce cas-là. Seules les chaînes TV nationalistes vont matraquer les Américains, en faisant de la nouvelle « stratégie » qu’annoncera le locataire de
Justement, et Bush a beau feindre qu’il n’a rien à voir avec la barbare exécution de Saddam, il nous semble que cet acte constitue l’un des moments forts de sa nouvelle stratégie, peut-être même son point de départ. Tout n’a pas été dit sur cet épisode et les semaines à venir pourraient nous en apprendre plus, mais, d’ores et déjà, il semble certain qu’un marchandage ait eu lieu. Saddam a été sacrifié sur l’autel d’un double pacte : avec les Iraniens d’abord, pour qu’ils calment leurs troupes en Irak, et avec le pouvoir local et ses excités, dont la tâche première sera de mater la rébellion sunnite. La mater avec tous les moyens ! Hier, des chefs de tribu de la région de Bagdad faisaient état de la présence de milices armées jusqu’aux dents, prêtes à envahir des quartiers sunnites. Nous allons certainement assister à des massacres collectifs d’une rare violence, œuvres des extrémistes chiites.
L’empire perse règle ses comptes
Impuissants face à la résistance des élites révolutionnaires du peuple irakien, Bush et ses troupes passent la main aux milices. Un véritable génocide risque d’avoir lieu, sous les yeux complices du monde civilisé et des Nations unies dont le comportement est tout simplement une honte ! Nous redoutons cette nouvelle « stratégie » de la terreur. On parle de centaine de morts par jour, liquidés sommairement par des inconnus. On parle de jeunes drogués qui se livrent à de actes inqualifiables sur les cadavres de leurs victimes. Deux cibles privilégiées : les sunnites, et les scientifiques. On a pendu Saddam Hussein, mais cela ne suffit pas. Il faut liquider toutes les traces qu’il a laissées ! Les infrastructures, les centres de recherches, les statures glorifiant la grande civilisation arabe, les savants formés par ses universités ! Qui a intérêt à faire cela ? Outre les Américains qui font le boulot à la place de leurs protégés israéliens, l’Iran règle également de vieux contentieux. Pas seulement avec Saddam qui lui a mené la guerre, au nom de l’Occident, d’ailleurs, mais aussi avec cette civilisation qui faisait de l’ombre à l’Empire perse. Et là, les ambitions des uns et des autres font une jonction inattendue : voilà qui éclaire l’alignement de Téhéran sur les positions de Tel-Aviv à propos de la pendaison de Saddam.
La « somalisation » de l’Irak
La nouvelle stratégie de Bush tient compte de tous ces facteurs. Mais son objectif principal est la division de l’Irak. Carrément : sa « somalisation ». Cette partition ne s’est pas réalisée d’une manière institutionnelle, comme le souhaitaient les néoconservateurs. Elle a été battue en brèche par les nationalistes irakiens que l’on aurait tort de sous-estimer. Aujourd’hui, il s’agit de la faire aboutir à travers une autre politique : celle de la guerre civile. La rendre, en quelque sorte, inéluctable. Les stratèges américains y travaillent. Il s’agit de concrétiser le déjà « vieux » plan du nouveau Moyen-Orient : remplacer les entités nationales par des petits Etats communautaires, dominés par le gendarme local : Israël. Mais l’on aurait tort de croire que l’affaire s’arrêtera à trois Etats (kurde, sunnite et chiite). On ira plus loin, et tout indique que la prochaine étape sera celle des conflits intracommunautaires. Des chiites se battront contre des chiites et des sunnites contre des Sunnites !
Face à ce plan effrayant, qui bénéficiera de la présence active de troupes supplémentaires qui seront concentrées à Bagdad, la résistance doit s’adapter à la situation. Tâche extrêmement complexe devant les pressions exercées par Washington sur le principal pays à travers lequel transitent armes et résistants :
Paradoxalement, la pendaison de Saddam - et la manière barbare, haineuse et revancharde avec laquelle elle a eu lieu- va jouer en défaveur des Américains. Elle aura pour conséquence immédiate d’unifier les rangs de la résistance autour du noyau baassiste encore en liberté. Tant mieux, dirons-nous. Il vaut mieux, pour cette résistance, qu’elle agisse sous la responsabilité des nationalistes arabes et qu’elle se débarrasse des éléments intégristes affiliés à El Qaïda qui ternissent son image.
Pour un « Front de libération »
En outre, et même si toutes les voitures piégées ne sont pas une spécialité de la seule organisation de Ben Laden (l’histoire récente regorge de cas de manipulations), le courant baasiste peut imposer l’interdiction de s’attaquer à des civils. On rentrerait alors dans la phase d’une véritable guerre de libération, menée par un front, auquel viennent d’appeler certaines franges de la résistance. Toutes les organisations clandestines auront pour première tâche de se fondre dans ce front, afin d’unifier la lutte contre l’agresseur. Par ailleurs, certains recommandent la formation d’un gouvernement libre et provisoire à l’étranger, afin de donner au combat politique sa véritable dimension et de proposer une alternative au cabinet fantoche de Nouri El Maliki.
Quelle que soit la nouvelle stratégie de M. Bush, il est trop tard pour refaire l’histoire. Les plus sages de l’Establishment américain ont recommandé à
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