Poutine ou le retour du « Petit Père des Peuples »
Alors que la Russie s’apprête à vivre le 2 décembre ses prochaines élections législatives, Vladimir Poutine maintient un faux suspense quant à son avenir politique. Président de la Russie depuis 2000, date à laquelle il a succédé à Boris Eltsine, l’ex-membre du KGB semble grandement s’attacher au pouvoir. Les dernières manifestations de soutien à son égard le confirment, à tel point qu’il est légitime de s’interroger sur ce qui reste de démocratique au régime de Moscou.
Vladimir Poutine est un personnage ambitieux. Membre du KGB, président du conseil de la ville de Saint-Pétersbourg, vice-président, Premier ministre et enfin président de la Fédération de Russie, c’est à un rythme effréné qu’il a gravi les échelons du pouvoir ; ce pouvoir qu’il aime et qu’il ne veut à présent plus quitter. Seulement, un obstacle vient à présent s’immiscer sur sa route, il s’agit de la constitution russe. Selon cette dernière, un président ne peut être réélu qu’une seule fois. Elu pour 4 ans le président ne peut dépasser les 8 années de pouvoir. Président depuis 2000, c’est en mars 2008 que le successeur de Boris Eltsine arrive au terme de ses deux mandats.
Va-t-il se laisser abattre pour autant ? La réponse est évidente : Vladimir Poutine ne quittera pas le pouvoir l’année prochaine. Il l’a laissé entendre plusieurs fois aux cours des derniers mois. Croire le garçon docile serait une grave erreur...
Démonstrations de force
Tout semble orchestré d’une main de maître afin de maintenir Poutine sur la haute plus haute marche du pouvoir. Dès septembre dernier, celui que l’on surnomme le « nouveau tsar » nomme Victor Zoubkov au poste de Premier ministre. Le concerné est un proche du président, qu’il côtoyait déjà à la municipalité de Saint-Pétersbourg au début des années 1990.
La stratégie est implacable : Zoubkov se présente aux élections de mars 2008 en tant que candidat « officiel », soutenu par Poutine. Cela lui assure quasiment un poste de président, tant l’opposition semble pauvre. N’osons par contre pas émettre l’hypothèse de l’existence de quelconques fraudes électorales...
Son acolyte au pouvoir, Vladimir Poutine pourra occuper le devant de la scène en acceptant le poste de Premier ministre, cette dernière fonction agglomérera alors vraisemblablement les principales fonctions du pouvoir, si ce n’est toutes.
Cette hypothèse ne fonctionnera bien entendu qu’en cas d’obtention d’une majorité à l’assemblée pour le parti pro-Poutine « Russie Unie », lors des prochaines élections législatives. Cela ne devrait pas poser de problèmes réels, Russie Unie étant pour l’instant crédité de 65 % des voix, contre 10 % pour le principal parti d’opposition qui s’avère être... le Parti communiste.
Mais l’actuel président ne s’endort pas sur de telles prévisions. C’est ainsi toute une activité de propagande qui est réalisée chaque jour. Son point d’orgue a été atteint le 21 novembre avec l’organisation d’une grande messe à la gloire du bienheureux Vladimir. 5 000 militants se sont rassemblés au stade Loujniki de Moscou afin de supplier Poutine de rester au pouvoir. C’est un comble de populisme que l’on a pu observer, démagogie mêlée à un inquiétant culte de la personnalité. Ses adversaires sont traités de « chacals » par le président lui-même, celui-ci est qualifié de « père de la nation », alors qu’un idéologue du parti Russie Unie propose de prêter serment au « nouveau guide ».
La comparaison avec les totalitarismes qui ont souillés le XXe siècle de leur empreinte vient malheureusement très vite à l’esprit...
L’historien russe, Alexandre Skobov, confirme cette rapide impression : "Le modèle où le président prête serment au peuple est en train d’être écarté. Nous revenons au modèle où c’est le peuple qui prête serment à son dirigeant, au modèle totalitaire".
Démocratique ?
Cette acceptation très floue de la démocratie ne se résume pas qu’aux élections et aux campagnes électorales. Le pouvoir inscrit ses actions dans une logique de souveraineté nationale, confondue parfois avec un nationalisme exacerbé, et d’élimination de l’opposition. Celle-ci est très souvent muselée, notamment lorsque les manifestations anti-Poutine initiées par l’ancien champion d’échec et leader politique Kasparov sont sévèrement réprimandées par la police. Parallèlement à cette police, se sont développées sous Poutine d’importantes milices, formées essentiellement de jeunes, prêtes à réaliser des actions de grandes ampleurs, comme empêcher des réunions de l’opposition et s’en prendre aux ennemis de Russie Unie. Ces « brigades du Kremlin » sont également considérées comme des outils de propagande très efficaces, les jeunes volontaires étant munis d’un patriotisme exacerbé.
Enfin, ce musellement du système politique russe par Vladimir Poutine s’effectue sur fond de scandales mêlant diverses personnalités du Kremlin. Ainsi début octobre est arrêté le général du FSB (ex-KGB), Alexandre Boulbov, et, le 15 novembre dernier, le vice-ministre des Finances, Sergueï Stortchak. L’opacité la plus totale règne autour de ces deux affaires, liées à des détournements de fonds publics. Elles sont le résultat de nombreuses luttes internes qui semblent faire rage dans l’ombre de Poutine, comme ce fut le cas à une certaine époque du soviétisme, les apparatchiks se livrant alors une guerre sans pitié sous l’influence de Staline, le « Petit Père des Peuples ».
Au fil des mois, la crainte de voir la Russie se muer en Etat (semi-) totalitaire, est ainsi grandissante. Vladimir Poutine s’inscrit parfaitement dans la lignée des grands dirigeants ayant jalonné l’histoire de la Russie, des Tsars aux dirigeants soviétiques. Ne se refusant rien, il ne quittera pas le pouvoir de sitôt, et continuera à dominer la politique intérieure russe pour plusieurs années. Ses nouveaux défis sont à présent extérieurs à la terre russe. Poutine a un véritable rôle à jouer aussi bien en Europe de l’Est, avec les luttes d’influence secouant l’Ukraine, qu’en Iran où il s’avère être un partenaire privilégié du dialogue avec les dirigeants.
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