Procès Sasakawa : quand l’Histoire s’écrit au tribunal
Voilà un jugement qui aura remué les milieux universitaires et politiques, mais qui n’aura, bizarrement, fait que peu de vagues sur Internet et dans la « grande presse ». La semaine dernière, une chercheuse du CERI, le prestigieux Centre d’Etudes des Relations Internationales de Sciences Po, Karoline Postel-Vinay, a fait valoir son droit à la liberté d’expression (excusez du peu !) lors du procès qui l’opposait au plaignant, la Fondation Franco-Japonaise, dite Sasakawa (FFJDS).
Un rapide éclairage historique est nécessaire pour rappeler l’enjeu de ce procès, qui dépasse de beaucoup le cadre d’une plainte pour diffamation, puisqu’elle touche l’histoire même, sa rédaction, et les tentatives négationnistes de réécriture qui existent ici et là. La Fondation Franco-Japonaise, dite Sasakawa (son nom officiel) est la branche française de la Fondation Nippon, qui s’attache à développer les liens culturels entre les deux pays. Jusqu’ici tout va bien. Là où le bât blesse, c’est que le nom de la dite-fondation, Sasakawa, est celui d’un criminel de guerre de classe A, Ryôichi Sasakawa, décédé en 1995. L’un des objectifs de la fondation est bien de blanchir le nom de son fondateur, d’où le procès en diffamation intenté par la fondation contre Karoline Postel-Vinay. Son crime ? Avoir initié une pétition d’universitaires pour s’opposer au Ministère des Affaires Etrangères qui avait choisi la fondation Sasakawa pour célébrer les 150 ans de l’amitié franco-japonaise. Un haut patronage criminel pour la patrie des Droits de l’Homme, c’est tout de même très moyen.
L’Express rappelait justement, peu avant le verdict du procès, rendu public le 22 septembre, le « fantôme » que représente Sasakawa, « faciste le plus riche du monde » auto-proclamé, dont le tableau est ainsi dressé : « Leader d’extrême droite dès les années 1930 et acteur du pillage de la Chine, proche de la pègre, Sasakawa est emprisonné après la Seconde Guerre mondiale sous l’accusation de crimes de guerre de classe A, les plus graves, puis libéré sans jugement en 1948 par les Américains. Ceux-ci occupent alors l’archipel et cherchent à lutter contre l’influence des communistes. »
Gageons qu’il ne s’agit là que d’un premier tour, puisque la Fondation Sasakawa a d’ores et déjà contre-attaqué en faisant modifier la dépêche AFP relative au verdict. La première version de l’AFP, perçue comme trop brute par la Fondation, a pu être amendée pour y rajouter son communiqué, qui maintient que les propos de Karoline Postel-Vinay « étaient diffamatoires » alors que le tribunal a débouté et même condamné la Fondation catégoriquement. Quel but la Fondation poursuit-elle donc ?
Pour en savoir plus : Interview de Karoline Postel-Vinay sur France Culture
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