Ratko Mladic et Srebrenica : entretien exclusif de 1995 avec CNN jamais paru dans les médias (2/3)
En 1995, un mois seulement après le massacre de Srebrenica et trois semaines après que le tribunal de La Haye a porté plainte contre Ratko Mladic, une équipe de télévision de CNN a réussi à rencontrer et interroger le général serbe. Seulement, malgré le degré d'importance extrême de cet entretien, ces enregistrements ne furent jamais révélés. Les cassettes sont restées pendant plus de 16 ans dans des archives privées en Bosnie-Herzégovine et n'ont été rendues publiques qu'en août 2011. En septembre 2011, le tribunal de La Haye a fait savoir qu'il n'avait jamais eu connaissance de l'existence de ces cassettes malgré le fait que l'entretien ait été conduit par des médias occidentaux.
Disclamer : Cette traduction n'est donnée qu'à titre indicatif et son auteur ne saurait être tenu pour responsable de l'inexactitude de certains propos. Le texte original en anglais est disponible ici.
Lien vers la partie 1/3 de l'entretien.
Reprise de la fin de la partie 1/3 :
CNN : Avec tout le respect que je vous dois, pourquoi ne pouvez-vous pas répondre à ma question à propos de Srebrenica ? Le monde veut savoir si ces fosses communes existent, si ces photos de surveillance sont réelles et ce qui est arrivé aux adultes et adolescents musulmans.
[...]
RM : En même temps que se déroulait le plus important et le plus difficile combat près de Sarajevo, les Musulmans de Srebrenica et de Zepa ont lancé des attaques terroristes à grande échelle depuis ces deux villes les 26 et 27 juin, à la veille de la fête nationale serbe du Vidovdan. Ils ont incendié le village de Visnjica.
[...]
Début de la partie 2/3.
RM : Ils ont massacré tous ceux qu'ils avaient capturés vivants et tué plusieurs de nos soldats dans les villages de Visnjica et Banja Luchica. Nous avons répliqué avec une contre-offensive dans cette région. Nous avons pris un maximum de précautions pour éviter les victimes parmi les civils et les représentants de la FORPRONU, alors que l'aviation de l'OTAN menait des raids aériens contre nous ou contre des cibles civiles aux abords de Srebrenica et Zepa. Nous avons mené avec succès cette opération près de Srebrenica et de Zepa.
Avec l'aide de soldats du bataillon hollandais, les représentants de la communauté internationale qui étaient présents à Srebrenica, et les représentants des forces de la FORPRONU qui étaient présents à Zepa, et grâce à l'engagement personnel du général Smith, du général Nikolai et de moi-même, nous avons créé une opportunité pour la population civile d'arriver à Srebrenica-Potocar et au poste de contrôle numéro 2 à Vocanica de Zepa, sans recourir à la force, comme stipulé par l'accord. A leur demande, les civils ont pu être évacués aux endroits de leur choix. Nous les avons évacués de la région de Kladnja. Nous avons recensé les personnes en état de combattre qui s'étaient rassemblés à cet endroit, la population civile et ceux qui s'étaient rendus.
Nous avons immédiatement demandé à la Croix Rouge Internationale et à la FORPRONU de faire office de médiateurs pour l'échange avec les civils serbes que les Musulmans retenaient en otages depuis 1992, avant même que la guerre n'éclate, et un nombre important de civils des territoires contrôlés par les Musulmans près de Tuzla, Zenica, Mostar et Zagreb qu'ils avaient regroupés pendant la guerre, ainsi que des soldats et des officiers serbes qui avaient été fait prisonniers pendant la guerre. Malheureusement, ils n'ont pas donné de réponse positive à ce geste de bonne volonté, et nous attendons de la communauté internationale qu'elle fasse pression sur eux et qu'elle les oblige à pratiquer cet échange selon le principe “tous en l'échange de tous” en accord avec ce qui a été convenu par les commissions d'état.
Une partie de la population masculine de Srebrenica qui avait commis des atrocités à l'encontre de Serbes ont battu en retraite ce jour-là vers Tuzla, Kladnja et même vers la Serbie, évidemment par peur de représailles pour les atrocités qu'ils avaient commises. Ils étaient apparemment convaincus que les forces musulmanes de Tuzla qui avaient lancé une contre-attaque depuis la direction opposée allaient les sauver : ils ont dû penser qu'ils étaient assez forts pour se frayer un chemin vers Tuzla. De féroces batailles furent engagées à cet endroit et les deux camps ont souffert de sévères pertes. Une partie des forces musulmanes se replia vers Tuzla comme l'a précisé leur télévision. Leur commandant, Rasim Delic, affirma qu'il reformerait très bientôt la 28ème ou la 38ème division de Srebrenica. Pensez-y simplement : une division entière formée dans une zone de sécurité.
Je comprends que, en tant que journaliste, vous montriez de l'intérêt pour ce sujet au nom des États-Unis et du public américain. Mais je ne peux pas comprendre pourquoi ni les États-Unis ni les journalistes américains ne se posent la question de savoir comment il a été possible qu'une division fondamentaliste islamiste avec des armes venant d'Iran a pu être formée dans une zone de sécurité que la communauté internationale a protégé avec ses forces pour garantir l'absence de présence militaire à cet endroit. J'ai récemment demandé à l'un de vos collègues, Peter de CNN, ce que l'Amérique ferait si elle découvrait un seul terroriste sur son sol. Il m'a répondu qu'ils essaieraient de l'arrêter. A ma question, qu'en est-il s'il oppose de la résistance … Au fait, qu'avez-vous fait de la personne qui a tiré sur la Maison Blanche ? L'avez-vous jugée ? Qu'est-il arrivé à cette personne, Monsieur ?
CNN : Nous l'avons fait emprisonner et j'imagine qu'il restera en prison pour très longtemps.
RM : Non, ce n'est pas vrai. Il a été tué dans la rue face aux caméras de télévision. Vous m'interrogez sur une division terroriste de Srebrenica alors que je m'intéresse à un seul terroriste qui a organisé cette stupide action et a tiré des coups de feu dans le voisinage de la Maison Blanche. Votre pays est vaste, et vous êtes une importante chaîne de télévision. Le monde entier vous écoute. Vous soulevez de sérieuses questions, et je vous encourage vivement à dire la vérité au peuple. Que feriez-vous si une division de dix ou douze mille personnes, armées depuis l'Iran, était formée à Los Angeles ou n'importe quelle ville des Etats-Unis ? Viendriez-vous m'interroger ou resteriez-vous à Los Angeles ?
CNN : Le monde veut savoir ce qui s'est passe à Srebrenica. Pouvez-vous simplement nous dire cela ? Affirmez-vous que les Musulmans qui ont disparu sont morts au combat ? Sont-ils retenus prisonniers ou ont-ils été libérés lors d'un échange quelconque ?
RM : Je pense que la plupart d'entre eux se sont retranchés au sein de territoires contrôlés par les Musulmans, c'est ce que Rasim Delic a finalement dit au Parlement et il a affirmé qu'il reformerait une division à Srebrenica dans très peu de temps. Une petite partie d'entre eux se sont rendus. Ceux-là ont été ou seront délivrés à la Croix Rouge Internationale sous notre contrôle. Certains d'entre eux sont morts. Des deux côtés, il y a eu des morts. Vous pouvez demander aux représentants des organisations internationales qui étaient présents à Zepa. Nous avons enterré leurs morts dans des tombes musulmanes au sein de ce territoire. Nous...
CNN : Voulez-vous dire qu'il n'y a pas eu d'exécutions, pas plus que de fosses communes ?
RM : Seuls ceux qui sont morts au combat furent enterrés. Pour des raisons sanitaires, leurs corps devaient être collectés et enterrés dans des endroits appropriés jusqu'à ce que les belligérants acceptent d'échanger les restes de leurs morts respectifs.
CNN : Donc, c'est possiblement ce que les avions de surveillance ont vu ?
RM : Vos histoires d'avions et d'Américains selon lesquelles vous savez tout ce qui se passe dans l'Univers, dans l'air, dans la tête d'un humain, dans le sol et sur Terre ne sont pas nécessairement vraies. Je ne désire pas répondre à une question provocante qui ne ferait qu'exciter l'intérêt du public mondial à propos de tristes problèmes parce que, en ce moment, il y a de nombreuses questions plus importantes liées à Srebrenica et Zepa ou le destin des terroristes musulmans.
CNN : Quels sont vos plans pour Gorazde et Sarajevo ?
RM : Je crois que vous êtes journaliste, pas officier. Si vous êtes journaliste, alors vous devez poser cette question juste pour l'art de poser des questions. Si vous êtes officier, alors vous la posez par manque d'expérience. Peut-être n'attendez-vous pas de moi que j'expose mes plans en face des caméras de CNN. Ce sont des problèmes secondaires, probablement d'une nature plus globale. J'attends de vous que vous posiez des questions à propos de la paix et des moyens de mettre fin à la guerre. Et je ne souhaite pas vous donner de réponse à propos de Gorazde ou Sarajevo.
Le statut de Gorazde est clairement défini : un cercle de trois kilomètres de diamètre y est démilitarisé. Malheureusement, les Musulmans n'ont pas respecté cela et ont déployé une autre division de moudjahidines en dehors de ce cercle. Ils ne pouvaient pas profiter de la protection de la force de maintien de la paix internationale parce que celle-ci n'était pas censée protéger les divisions fondamentalistes islamistes armées, elles étaient censées maintenir la paix. Ceux qui ont promis de garantir la sécurité au niveau du Conseil de Sécurité des Nations Unies devraient s'assurer que ces forces soient désarmées et que la paix soit établie à cet endroit, pour les peuples serbe et musulman. Aussi, une communication normale devrait être garantie dans la vallée de la rivière de Drina car elle a une importance stratégique pour les Serbes. C'est aussi vrai de Sarajevo. Je pense que ces problèmes et tant d'autres pour cette région devraient être résolus à la table des négociations, grâce au dialogue politique et diplomatique, et par des cerveaux raisonnables qui savent ce qu'ils veulent faire et ce qu'il serait logique de faire, qui savent ce qu'il est équitable d'entreprendre sur la base d'une approche commune en accord avec le droit international et la charte des Nations Unies au lieu de résoudre ces problèmes par les armes et leur stockage dans la région.
Vous pensez peut-être que le stockage d'armes ici et l'entraînement de vos hommes à piloter des avions F-16 et F-18 assurent la sécurité des États-Unis. Mais je suis plus enclin à penser que les armes sont un produit horrible du cerveau humain et que la guerre a été un phénomène terrible au cours des siècles de l'histoire humaine. Si vous me le demandiez, j'interdirais à tous les peuples du monde d'utiliser et de prononcer ces deux mots. Je ne serais pas non plus d'accord pour fabriquer des armes en plastique pour les enfants. Cela peut vous paraître étrange mais je rejoindrais ces généraux du passé et du présent qui, malheureusement, ont ressenti au plus profond d'eux, comme cela a été mon cas, que personne sur Terre ne veut la paix plus que les généraux et les soldats. Je ne vous dis pas cela car j'ai pu constater l'effet des armes de haute technologie de nombreux pays sur nous. Je ne vous dis pas cela par peur. Cela fait maintenant cinq ans que je fais la guerre et, pour utiliser le jargon sportif, je suis en grande forme pour mener une guerre. Nous n'avons pas d'autre choix que de défendre notre peuple. Mais mon message à l'humanité, si elle n'a pas encore retenu les leçons des guerres au Vietnam, au Moyen-Orient, dans le golfe Persique ou en Tchétchénie, est qu'elle devrait apprendre de cette terrible guerre civile, régionale et religieuse dans laquelle de grandes puissances sont également impliquées et elle devrait y mettre un terme. Ils devraient s'asseoir à la table des négociations et résoudre tous leurs problèmes par des moyens pacifiques.
CNN : Parlons de paix. Quand la guerre peut-elle se terminer ?
RM : Je ne suis pas un diseur de bonne aventure et je ne fais aucune prévision. C'est pourquoi je ne donnerai pas de date spécifique. Cette question devrait être posée au Conseil de Sécurité des Nations Unies et aux grands centres de puissance mondiaux. Malheureusement, certains d'entre eux ont provoqué et orchestré cette guerre. Cela continue avec plus ou moins d'intensité et cela devient de plus en plus compliqué. En ce qui me concerne, je pense que cette guerre peut être stoppée très rapidement si la communauté internationale demande, de façon neutre et honnête, que tous les belligérants, sur la base de la science, de la conscience humaine et de la raison, reconnaissent que les Serbes, dont l'état est sur ce territoire depuis des siècles, ont le droit de récupérer ce qui leur a été pris par des décisions et des résolutions déraisonnables. Notre état, que nous avons possédé pendant des millénaires, nous a été volé et a été donné à d'autres peuples qui ne l'ont jamais occupé au cours de l'histoire. Disons que les Slovènes et les Croates, et maintenant quelques forces aux États-Unis, voudraient créer un pays musulman dans les Balkans avec l'aide d'Alija Izetbegovic. Je ne peux pas croire, ni en tant qu'être humain ni en tant que général, que les États-Unis ont décidé de créer un Iran miniature en Europe.
Qu'ils se débarrassent de la honte dont ils se sont couvert pour nous avoir imposé ce blocus. Sur un arrière-plan d'embargo sur les imports d'armes officiellement proclamé, les Croates et les Musulmans se sont armés d'avions, d'hélicoptères, de tanks, de navires et ont plus de munitions que les forces de réaction rapides interventionnistes. Peut-être que certaines d'entre elles sont maintenant venus à leur secours, parce qu'il y a vingt jours ils n'avaient plus rien. Pouvez-vous imaginer que nous ne pouvons pas obtenir de carburant pour transporter trois mille sinistrés de la République serbe de Bosnie dans des endroits plus sûrs en Serbie, ou que nous ne pouvons pas obtenir de médicaments pour les personnes âgées ou handicapées, de soins pour les nourrissons qui meurent en route ? Quel droit ont-ils ? Si j'étais journaliste, je leur aurais demandé quel droit ils avaient pour imposer un blocus aux Serbes, et si cela est vraiment juste d'un point de vue légal que les Serbes, qui ont eu un état pendant des siècles, ne disposent aujourd'hui d'aucun état reconnu par la communauté internationale.
J'ai récemment vu un reportage sur CNN à propos de certaines tribus sur les rives de l'Amazone et du Kalahari, à propos de ces Pygmées qui vivent toujours dans des sociétés tribales, mais les seules choses qu'ils trouvent à dire à propos des Serbes sont des stupidités comme les viols de masse. Ils diabolisent les Serbes et cela n'a rien à voir avec la réalité. Laissez-moi vous dire qu'en 1993, vos médias rapportèrent et enregistrèrent – vous pouvez retrouver ces séquences dans vos archives – comment, durant une guerre entre les Musulmans et les Croates, nous avons rendu possible pour les Croates la protection de leur population et de leurs forces armées au sein de notre territoire. Nous avons abrité leurs femmes et leurs enfants, leurs soldats et leurs officiers, et nous les avons transportés des régions de Zepa et Usor jusqu'en Bosnie-Herzégovine. Ils étaient environ 30 000. En un jour seulement, nous avons transporté 904 soldats et officiers armés.
CNN : Je pense que votre désir de paix est sincère. Comment ressentez-vous le fait d'être désigné comme un criminel de guerre ?
RM : Je vais répondre à cette question. Je l'attendais parce que vous tous, qui venez des pays occidentaux, avaient une pensée formatée par des clichés et posez des questions identiques.
CNN : Vous êtes un militaire. Je vous crois.
RM : Je vais répondre à votre question. Laissez-moi continuer. Vous essayez de m'influencer d'une façon très cultivée et intelligente. Je veux dire, vous et d'autres de vos collègues masculins ou féminins qui m'ont posé de telles questions. Elles étaient cadrées comme des tableaux sur un mur pour s'accorder à certaines visions politiques ou répondre à des souhaits éditoriaux.
Alors que nous combattions près de Vares, nous avons abrité 25 000 femmes et enfants croates et nous avons permis aux Croates d'emmener leurs unités armées depuis les régions de Kiseljak et Vitez pour secourir leurs citoyens à Vares. Nous avons autorisé leurs soldats et leurs officiers, après que les Musulmans les avaient battus près de Vares, à quitter le territoire et à se rendre sûrement, armes en main, jusque dans la région de Stoca où nous les avons remis au camp croate, bien qu'ils aient commis des crimes contre les Serbes. Dans la région de Butojna et du Mont Komar, nous avons reçu plus de dix mille de leurs soldats et officiers que nous avons plus tard délivrés près de Kupres de sorte que la Croatie puisse attaquer cette même Kupres plusieurs mois après – tout comme Grahovo, Glamoc et la République serbe de Bosnie où nous leur avons remis leurs citoyens. Puis, en 1993, durant la bataille dans le voisinage de Srebrenica et de Zepa – nous avons sûrement été la seule armée du monde à faire une telle chose – nous avons laissé les Musulmans évacuer en un jour 495 soldats et officiers blessés de Srebrenica et 202 de Zepa par des hélicoptères fournis par la FORPRONU. Ce nombre n'a d'ailleurs cessé d'augmenter car l'évacuation a duré plusieurs jours. En avril 1994, environ 750 soldats et officiers musulmans furent évacués par les hélicoptères des Nations Unies alors que l'aviation de l'OTAN nous bombardait près de Gorazde et tuait notre personnel médical dans un village : le médecin et les infirmières du village de Gack. Vous pouvez aller là-bas et filmer pour vous convaincre que je dis la vérité. Maintenant, passons à votre seconde question.
Fin de la partie 2/3.
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