RD Congo : il faut encourager la France à intervenir
Les succès militaires au Mali et la perspective d’une nouvelle guerre dans l’Est de la République Démocratique du Congo donnent à espérer que la France, puissance militaire dissuasive, sera encouragée à rester sur le sol africain au-delà de la mission qu’elle mène actuellement dans le Sahel. Ejectée de la région des Grands-Lacs dans la « clameur » autour du génocide rwandais, la France devient aujourd’hui plus qu’indispensable pour garantir l’intégrité du pays et la protection des populations victimes de violences récurrentes. Plus de six millions de Congolais ont péri des suites des guerres à répétition déclenchées après le retrait de la France de la région des Grands-Lacs. L’armée française connaît le terrain pour y être intervenue à plusieurs reprises (opération sur Kolwezi, Opération Artémis). Par ailleurs, sur le plan géopolitique, le contexte a nettement évolué.
Le contexte a évolué
Dix-neuf ans après le génocide rwandais, on aborde désormais l’ensemble des questions relatives à cette tragédie avec un peu plus de recul. Nombreux ont pris le temps de nuancer, voire de reconsidérer leurs certitude de départ sur le fameux « rôle de la France ». La réalité sur terrain fut plus complexe que la présentation manichéenne qu’on en fit. Le contexte a également évolué dans les rapports entre la France et les Anglo-Saxons sur la région des Grands-Lacs. La France sait désormais, qu’il faut compter avec Londres et Washington, même lorsque seuls les soldats français seraient amenés à s’engager dans l’opération.
Toujours au sujet des Anglo-Saxons, ils ne sont plus aussi déterminés qu’ils l’étaient dans le soutien aux régimes de Paul Kagamé et de Yoweri Museveni, instigateurs des guerres à répétition contre le Pays de Lumumba. La « sainte alliance » entre Kigali, Kampala, Londres et Washington a même commencé à se fissurer. L’ampleur des tueries de masse et du pillage des ressources du Congo a atteint des proportions telles que le soutien indéfectible aux deux régimes n’est plus tenable. A Washington, le ton se durcit face aux agissements des « new leaders ». On a même franchi un cap[1].
Le contexte international semble donc suffisamment détendu et sûrement favorable à une mission française de secours aux populations martyrisées de l’Est du Congo. Car seule une véritable armée de dissuasion permettrait de garantir à la fois la protection des populations et l’intégrité du territoire national du Congo. C’est une cause en faveur de laquelle le Président Hollande a promis d’œuvrer dans son discours au sommet de la francophonie à Kinshasa le 13 octobre 2012.
« Ici à Kinshasa, avait-il affirmé, je pense aux populations des KIVUS, victimes de conflits à répétition. Je pense à ces populations civiles massacrées, à ces femmes violentées, à ces enfants enrôlés. Oui nous devons, et je le fais à cette tribune, réaffirmer que les frontières de la RDC sont intangibles et qu’elles doivent être respectées. »[2]
Un mois plus tard, un millier de soldats rwandais, selon l’ONU[3], franchissaient la frontière et s’emparaient de la ville stratégique de Goma, capitale de la riche province en coltan du Nord-Kivu. Un acte d’agression comme il s’en produit depuis 1996 et à l’origine d’un véritable holocauste.
Le risque d’une implosion
Les guerres du Kivu menacent directement le Congo d’implosion. L’armée congolaise est à l’image de plusieurs armées du Continent Noir. Elle n’est pas en état de combattre. A peu près comme l’armée malienne dont l’effondrement a « obligé » la France à intervenir. En 2008, au Tchad, la France a dû s’impliquer dans la bataille de N’Djamena contre les rebelles qui menaçaient le Président Deby. En Centrafrique, la France a dû dépêcher 600 soldats face aux rebelles de la Séléka qui menaçaient la capitale Bangui. L’armée congolaise, constituée d’anciennes rebellions et groupes armés hétéroclites est dans un état de déliquescence comparable, et les Congolais attendent le péril qui arrive dans la détresse. Même les casques bleus ne sont d’aucun secours. Le 20 novembre 2012, la ville de Goma est tombée sans la moindre opposition des soldats onusiens.
Bien entendu, la France n’a pas vocation à s’occuper de tout en Afrique. Le candidat Hollande avait même indiqué que la France ne jouera plus au gendarme en Afrique. Mais difficile de rester indifférent lorsqu’on découvre les horreurs que les populations subissent dans l’Est du Congo, et qu’on a la certitude que dans quelques semaines les survivants de ces atrocités vont, à leur tour, se faire massacrer, violer et piller, dès la reprise des hostilités.
Sur le plan politique, le risque d’une révolte populaire est bien réel. Accusé d’incompétence, voire de complicité avec l’ennemi, le régime de Joseph Kabila pourrait faire les frais d’une nouvelle guerre dans le Kivu. Des soulèvements populaires ont éclaté dans plusieurs villes du pays (Bukavu, Kisangani) lors de la chute de Goma. Un tel soulèvement à Kinshasa, ville de 10 millions d’habitants, pourrait entraîner un renversement brutal du régime et des bouleversements majeurs, non seulement au Congo.
Il faut encourager la France à intervenir au Congo, non pas pour soutenir le régime en place[4] mais pour secourir la population, stabiliser le pays et l’accompagner dans son difficile, mais bien réel processus de démocratisation.
Boniface MUSAVULI
[1] Ainsi, en juillet 2012, l’ambassadeur américain chargé des crimes de guerre au Département d'Etat, Stephen Rapp, a brisé un tabou en affirmant au journal britannique The Gardian, que le Président rwandais pourrait être poursuivi devant la Cour Pénale Internationale pour son soutien à la rébellion du M23, responsable d’atrocités dans l’Est du Congo, sur l’exemple de l’ancien Président libérien Charles Taylor. En décembre 2012, le Président Obama a confirmé la tendance en demandant au Président rwandais de cesser tout soutien au M23, alors qu’officiellement, le Rwanda ne soutient pas le M23. Une façon diplomatique de dire que les Etats-Unis ne sont plus disposés à entériner la parole officielle de l’Etat rwandais.
[2] http://www.clc-congo.com/sites/default/files/le_discours_de_franassois_hollande_au_sommet_de_la_francophonie_a__kinshasa.pdf
[3] Rapport du groupe d’experts de l’ONU réf. S/AC.43/20 12/NOTE.26 du 27 novembre 2012, pages 4 à 6.
[4] Il est apparu clairement au sommet de la francophonie à Kinshasa que la France n’est pas un soutien extérieur du régime de Joseph Kabila.
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