Sexe ou textile, cornélien et cambodgien
« Are you happy to be there ? »
C’était sans doute la question la plus stupide de toute mon existence mais d’un autre côté et à ma décharge, je venais d’ingurgiter un nombre considérable de bières et la question en soi n’attendait pas forcément de réponses. Je venais de la poser à une jeune femme qui m’avait servi un verre au Shanghai bar, bar à hôtesses de Phnom Penh dont « le personnel constitué de jolies demoiselles… est toujours disponible pour vous servir et combler vos moindres désirs ». Les hôtesses sont payées pour flirter et se consacrer aux clients, mais de toute évidence je venais de pousser celle-ci à bout.
« Vous savez bien que ce n’est pas un bon boulot », me répondit-elle avec un sourire affecté qui trahissait son irritation. Je mis sa colère imperceptible de côté et recommandais une bière.
Le sexe et le textile comme seules alternatives pour survivre
Au Cambodge, où le régime de l’ancien communiste Hun Sen supervise une forme particulièrement brutale de capitalisme de copinage, les choix économiques sont sérieusement limités et 40% de la population vit avec moins de 1,25 dollars (0,88 euro) par jour.
Pour les jeunes femmes, travailler dans l’industrie du sexe (ce qui comprend les bars à hôtesses, les bars-karaoké, les salons de massage et la prostitution en free-lance, assises sur le siège passager d’une moto drop) est l’une des rares alternatives à l’industrie de l’habillement, responsable de 90% des revenus de l’exportation du pays.
Aussi déplaisante qu’elle soit, beaucoup de femmes trouvent que c’est une alternative préférable.
Les secteurs du sexe et du textile puisent dans le même réservoir de main d’œuvre : des jeunes femmes sans éducation, venues des campagnes pauvres, et qui envoient une partie de leurs gains à leurs familles pour les aider.
La quasi-totalité des 350.000 travailleurs du textile du pays sont des femmes. Les estimations du nombre de travailleuses de l’industrie du sexe varient entre 20.000 et 100.000 ; le chiffre inférieur est assez hilarant car il procède des institutions gouvernementales, le plus grand est celui avancé par les organisations de lutte contre le trafic humain enclines à l’exagération et à l’affût de financement, et qui semblent supposer que presque tous les travailleurs du sexe sont des « esclaves ».
On est loin de toute réalité.
Le chiffre est sûrement largement supérieur à ces deux estimations car elles ne tiennent pas compte de la prostitution occasionnelle, d’opportunité, où des jeunes femmes flirtant avec le gouffre profond de difficultés insurmontables ne vont pas hésiter à se prostituer pour retarder l’échéance de leur plongeon au fond de cet abîme.
De plus le contexte économique social délirant qui préside Cambodge entraîne souvent un flux permanent de travailleuses entre les deux secteurs :
Qu’une crise survienne comme celle qui frappa le sud-est asiatique il y a deçà quelques années et jusqu’à 20% des ouvrières de l’industrie de l’habillement licenciées se sont reconvertiront dans le « secteur du divertissement ».
A noter car il est bon d’appuyer ce que l’on écrit d’éléments comparatifs que au dix-septième siècle, plus précisément, fin dix-septième des édits royaux proscrivant le port de la dentelle au Puy-en-Velay et donc sa production, amenèrent des milliers de femmes à la prostitution créant de ce fait un climat « d’insécurité et d’insalubrité » publique dans cette région, situation suffisamment désastreuse et propre à émouvoir les édiles locaux qui par pudibonderie parlèrent de « misère des femmes ».
Pouvait-on s’attendre à autre choses de la part de ces gens qui votent depuis toujours le même député, non, s’en doute. Il faudra attendre l’intervention indirecte d’un jésuite pour que cette situation cesse enfin, et puis là n’est pas le sujet.
De l'industrie du textile au "secteur du divertissement"
Les usines de textile ont commencé à se multiplier à Phnom Penh au milieu des années 1990, après la signature par le Cambodge d’un accord commercial bilatéral avec les États-Unis lui donnant un accès privilégié aux marchés américains à condition que les usines locales fassent respecter de meilleures conditions de travail, là encore on ne peut être qu’admiratif de l’humour de ces grandes compagnies et de gouvernement corrompus quand il s’agit d’élaborer des textes où la condition des populations et des travailleurs aurait une quelconque importance.
Walmart, Nike, Target et d’autres grandes marques ne tardèrent pas à chercher des fournisseurs au Cambodge, et le pays se gagna une réputation, de producteur sans sweatshop (atelier exploitant sa main d’œuvre) dans un marché du textile mondial férocement concurrentiel.
On alla même jusqu’à avancer et écrire noir sur blanc « qu’un travail dans un sweatshop est un rêve convoité, un ascenseur pour sortir de la pauvreté ».
Quitte à écrire et dire des conneries, saluons au passage la grande pensée ultralibérale américaine et ses sinistres rejetons. Dans la foulée car lorsque l’on est lancée sur la voie de la connerie pourquoi s’arrêter, gouvernement et conseil d’administration pensant redorer leurs blasons où leurs blousons « organisèrent des descentes infiltrées » dans des bordels. Mais en pratique, car les fées ont rarement les yeux bridés, ce genre de raids débouchaient sur le tabassage ou le viol des femmes qui étaient ensuite envoyées dans des « centres de réhabilitation » autrement dits ou écrits suivant que vous lisez ou déclamer ce texte comme des prisons sordides : Koh Kor par exemple, ancien centre de détention des Khmers Rouges.
... mais c’est comme une prison
L’organisation internationale HRW (Human Right Watch) a condamné dans un rapport les conditions de vie dans les centres de réhabilitation cambodgiens qui accueillent les drogués, les prostitués, ou encore les mendiants régulièrement raflés par les forces de l’ordre. Parmi les exactions citées : passages à tabac, violences sexuelles et travaux forcés inhumains, les ‘passagers’ seraient par ailleurs privés des traitements adaptés pour sevrer leur addiction. C’est grâce aux témoignages de 74 personnes dont 53 actuels ou anciens drogués que ce rapport a pu voir le jour.
Et de pointer du doigt l’inefficacité des traitements en cours dans ces établissements, "(ils sont) éthiquement inacceptables, scientifiquement et médicalement inappropriés et de qualité misérable". Les onze centres de réhabilitation identifiés par HRW sont placés sous la direction de diverses autorités, certains dépendent des autorités locales, d’autres du ministère des Affaires sociales, de la Police nationale ou encore de la Gendarmerie royale. Toutes ces autorités se rejoignent en tout cas pour démentir ces accusations. Khieu Sopheak, porte-parole du ministère de l'Intérieur explique ainsi au Phnom Penh Post "Le gouvernement n'attend pas de bons rapports de la part d'HRW. C'est leur métier de nous critiquer !" Sao Sokha, le directeur de la Gendarmerie s'interroge quant à lui sur le devenir des milliers de drogués si les centres venaient à fermer, se retrouveraient-ils à la rue ? Pourtant le directeur du HRW demeurait formel "Le gouvernement devrait immédiatement fermer ces centres." Et de citer le témoignage d’une ex-pensionnaire de ces centres qui aujourd’hui fuit dès qu’elle voit l’ombre d’un uniforme de peur d’y retourner, "De dehors la pancarte indique ‘centre de réhabilitation’, mais si vous entrez vous verrez, c’est comme une prison !"
Le guide Lonely Planet c’est vrai ne mentionne pas ce genre de lieux à visiter, c’est sûrement une erreur, un oubli. Je vais me faire un plaisir de les tenir informé.
Les occidentaux comme principaux clients
L’industrie du sexe a fait son entrée au Cambodge au début des années 1990, main dans la main avec la mission onusienne de maintien de la paix qui avait supervisé les élections après la chute des Khmers Rouges et des décennies de guerre civile (lorsqu’en 1998, on lui demanda quel serait l’héritage de la mission de l’Onu, Hun Sen répondit : « le sida »).
La mission onusienne dépensa la somme astronomique de 110 000 000 de dollars en dépenses pour les activités touchant au sexe et à la prostitution.
Bienheureux les crétins qui à l’ONU et comme dans l’armée attribue une quelconque intelligence à un porteur d’uniformes. Elle ne fit que prospérer avec le flot de membres d’ONG, d’expatriés et de touristes occidentaux qui s’y déversèrent ensuite. Le Cambodge est devenu depuis un « festival anarchique de prostituées bon marché » où « vous n’êtes jamais à plus de quelques minutes de marche d’un endroit où le sexe est à vendre ».
La prostitution n’est pas tout à fait aussi flagrante aujourd’hui, quoique, mis à part rester enfermé dans sa chambre d’hôtel durant tout votre séjour, il n’est pas rare pour un œil averti de sentir celle-ci, ne serait que lorsque un pépé passe avec dans la main, (rarement dans les bras c’est vrai), une jeune femme qui pourrait être largement la fille de son fils.
Mais la distance temporelle qui vous sépare d’une relation tarifée est plus ou moins restée la même. Des prostituées travaillent nuit et jour tout autour de Wat Phnom, temple bouddhique qui figure parmi les principaux sites touristiques de Phnom Penh. Les bars à karaoké et les salons de massage sont légion, tout comme les prostituées free lance dans les bars et discothèques destinées aux Occidentaux.
Un soir, j’ai demandé à un chauffeur de tuk-tuk qui parlait très peu anglais de me déposer à l’angle de la 104e rue et du quai de Sisowath, qui longe le fleuve Tonlé Sap. À la place, il m’a déposé devant le 104, bar à hôtesses bien connu où il pensait que je voulais me rendre.
Un autre soir, je suis allé dans une discothèque en retrait de la rue 51, pleine à craquer de Cambodgiens qui dansaient sur de la pop asiatique interprétée en live. À peine avais-je commandé une bière que la gérante vint me voir et me cria quelque chose par-dessus la musique. Je ne réussis pas à saisir ce qu’elle me disait, mais quelques instants plus tard, une jeune femme d’une vingtaine d’années, vêtue d’une minijupe noire, vint s’asseoir à mes côtés. Je compris alors ce que la gérante m’avait crié : « Vous voulez une fille ? »
La jeune femme était plutôt belle. Je remerciais la fille (sans pour autant regretter de ne pas avoir 30 ans de moins).
Un soir, je payai la « bar fine » (compensation versée au bar pour que l’hôtesse puisse s’absenter) afin que l’hôtesse avec laquelle j’avais discuté puisse rentrer tôt chez elle, et je lui offris un pourboire généreux qu’elle prit pour le paiement de faveurs sexuelles. « Vous voulez venir avec moi ? », me demanda-t-elle sans conviction. Mais quand je refusais, son soulagement fut plus qu’évident et elle ignora aussi que le mien fut encore plus grand.
Les bars à hôtesses
Les bars à hôtesses, très concentrés au bord de la rivière et dans quelques autres quartiers de la ville, constituent la face la plus visible de l’industrie du sexe. Des néons clignotent en vitrine et de jeunes femmes assises à des tables sur le trottoir interpellent les hommes qui passent et les invitent à entrer. La musique est très… très nulle, mais cela n’engage que moi.
Des hommes occidentaux d’âge mûr sont assis à des tables et conversent, des hôtesses enroulées autour de leurs épaules, assises sur leurs genoux ou en train de leur masser le haut du dos.
Les relations sexuelles ne sont pas proposées de façon systématique et agressive, et toutes les filles ne sont pas disponibles, par disponible j’entends qu’elles sont loin de toutes se prostituer. En revanche, les hôtesses insistent lourdement pour que les clients achètent à boire car elles touchent une commission (en général 1 dollar : 0,70 euro) sur chaque consommation. Les salaires évoluent entre 60 dollars (42 euros) et 70 dollars (49 euros) par mois, et en comptant les commissions et les salaires, les hôtesses peuvent se faire jusqu’à trois fois plus. Par contre celles qui ont des rapports sexuels avec les clients gagnent davantage. On m’a proposé 10 dollars (7 euros) pour une heure et 40 dollars (28 euros) la nuit. Les clients cambodgiens paient bien moins cher, tout comme les expatriés de longue date plus au fait des tarifs locaux.
Je suis allé plusieurs fois au Shangaï bar.
Tout en discutant car si vous n’êtes demandeur en rien et juste intéressé par la qualité de la bière vous pouvez fortuitement être autre chose qu’une pompe à fric, de ce fait les conversations deviennent plus directes car vous ne représentez pour ces filles aucun danger. L’une d’elles, âgée de 25 ans, me confia qu’elle avait commencé ce travail à la mort de sa mère (son père avait depuis longtemps abandonné sa famille). Certains aspects de ce métier ne lui plaisaient pas du tout, surtout les clients qui se sentent autorisés à la peloter, mais elle était fière de ne pas être au chômage. « Ces jobs sont difficiles à obtenir », expliqua-t-elle. « Je ne suis pas belle, et je ne parle pas bien anglais, mais le propriétaire m’aime bien et il a eu pitié de moi. » Elles ont toutes soient 25 ans, soient 30 ans et ont toutes des histoires qui ravalent notre « Petite et nationale Causette au rang de privilégiée ».
Les prostituées « free-lance »
Les prostituées free-lance elles, travaillent dans des établissements bas de gamme comme le Martini : « un lieu pour hommes esseulés et dames légères, le tout en plein air à l’ombre de grands arbres » ainsi que des hôtels où l’on peut louer une chambre à l’heure. Parmi les établissements un tantinet plus haut de gamme, on trouve des bars, et aussi des hôtels, qui proposent des tables de billard et des concerts, et attire une clientèle plus variée comprenant des femmes et des couples en plus des stéréotypes habituels.
Je suis allée au Martini vers 21h un soir de semaine tranquille et j’ai pris place à une table donnant sur un écran géant où une quelconque équipe anglaise de football tentait désespérément d’en battre une autre.
Trois minutes et quelques secondes plus tard je me retrouvais accompagné d’une femme de 25 ans (encore), aux mèches blondes, vêtue d’un jean et d’une chemise en soie imprimée de cœurs roses et rouges, n’étant pas sans me rappeler la tapisserie du couloir de notre taudis lorsque je vivais en compagnie de ma grand-mère maternelle, rue du Paradis (eh oui !) à Brioude.
Elle parlait peu anglais, et nous ne sommes pas allés très loin au-delà de « Comment tu t’appelles ? » et « D’où viens-tu ? » « Depuis combien de temps habites-tu à Phnom Penh ? » et « Avec qui vis-tu ? ». Ces questions m’attirèrent des regards vides (elle répondit par hasard « oui » à la deuxième interrogation). Mais une de mes questions fut instantanément reconnue : « C’est combien ? » La réponse : pour un massage et « boom boom », 5 dollars (3,5 euros) de l’heure et 20 dollars (14 euros) la nuit.
Bien que la proposition fût financièrement intéressante il me restait aussi un tas de moyens personnels d’assouvir mes propres besoins. Je saluais la dame… La demoiselle, pardon et c’est dans la plus complète indifférence mais renseigné sur les tarifs locaux que je vous les livre aujourd’hui.
Les bars à Karaoké
Je suis allé aussi, avec cette « célébrité princière » accompagné de sa charmante (et jeune) épouse dans un bar à karaoké principalement fréquenté par des clients chinois et des touristes d’autres pays asiatiques.
Plus de 100 femmes, certaines en minijupes et d’autres en robe de bal avec des fleurs dans les cheveux, étaient installées dans des canapés alignés des deux côtés de l’entrée. Nous avons pris une salle à l’arrière et son altesse sérénissime a demandé à quatre femmes de nous rejoindre. Elles ne tardèrent pas à arriver, chargées de plateaux couverts de bols de cacahouètes et de choses à grignoter ; des assiettes de pamplemousse, de raisins et de mangues, et des bouteilles de bière tiède servie dans des verres avec des glaçons. Elles se mirent à chanter pour accompagner des vidéos, principalement de la pop chinoise et cambodgienne.
(Super soirée, Les Khmers rouges n’ont pas trouvé mieux pour torturer la population)
L’une d’entre elles, qui avait arrêté l’école avant la fin de la primaire, portait une robe de bal rose et des barrettes dans ses longs cheveux, une sorte de poupée plastique déambulant avec la grâce campagnarde des filles fraîchement arrivées de la campagne. Elle était payée 60 dollars (42 euros) par mois et se faisait environ la même somme chaque semaine en pourboires. Elle ne couchait pas avec les clients, mais ses collègues qui le faisaient pouvaient gagner 100 dollars (70 euros) la nuit ou plus avec un client « riche ». Elle avait un frère plus âgé qui gagnait 45 dollars (31 euros) par mois en travaillant comme agent de sécurité, et une grande sœur dans une usine textile. « Ma mère n’aime pas savoir que je travaille ici, alors il va peut-être falloir que j’arrête, mais je ne veux pas travailler avec ma sœur », me confia-t-elle. « Les produits chimiques puent, son patron est toujours en train de crier et elle ne gagne pas grand-chose. »
En fin de soirée son altesse en conclut que j’étais gay.
La prostitution est plus rentable que le travail à l'usine...
Alors la question est la suivante, qu’est-ce qui pousse des filles belles, intelligentes à préférer la prostitution au travail à l’usine ? Combien rapporte un travail à l’usine comparé au commerce sexuel ? Les emplois dans l’industrie textile au Cambodge ne sont pas un ascenseur permettant de sortir de la pauvreté, contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire ; à peine un escalier de service avec des marches toutes branlantes. Les employés du secteur du textile gagnent environ 33 cents de l’heure ; il n’y a guère qu’au Bangladesh qu’on trouve des salaires plus bas. Même en faisant beaucoup d’heures supplémentaires, le salaire mensuel dépasse rarement 80 dollars (56 euros). Les employés doivent se rendre à leur travail, parfois depuis des villages à des heures de route, ou vivent à quatre ou cinq par pièce dans des masures à la porte de l’usine. Les employées du textile sont rarement capables d’économiser le moindre sou, et peu d’entre elles ont l’opportunité d’évoluer dans leur carrière, que ce soit dans l’industrie du vêtement ou à l’extérieur.
Les ouvrières des usines de textile sont sur le pont toute la journée, sauf pour leur courte pause déjeuner, et leurs journées sont si longues qu’elles voient rarement la lumière du jour. Les usines sont bruyantes, étouffantes, et le vrombissement constant des machines rend toute conversation impossible. Les ouvrières sont soumises à un règlement strict (par exemple demander l’autorisation de se rendre au toilettes), subissent une pression constante pour augmenter leur rendement, et, malgré la réputation du Cambodge de pays « sans sweatshop », elles sont de plus en plus nombreuses à travailler avec des CDD qui les privent de leurs droits les plus élémentaires. CDD non renouvelables bien entendu, les licenciements se font dans la seconde et il n’existe aucune protection ouvrière, les syndicats restent encore une source d’hilarité pour les managers de ces usines.
Les journées des hôtesses sont longues elles aussi, de la fin de l’après-midi jusqu’à 2 heures du matin environ, mais elles prennent en général un repas sur leur lieu de travail, passent du temps avec des amies, et regardent la télévision pendant les heures creuses. Certaines des hôtesses avec qui j’ai parlé ont des relations sexuelles avec les clients, mais c’est loin d’être le cas de toutes, et elles ont le droit de refuser des propositions (bien que les accepter est évidemment un moyen de se faire plus d’argent).
Je ne suis pas en train de dire que l’industrie du sexe est une profession séduisante, loin de là, c’est tout bonnement scandaleux. De plus, il existe un risque évident de contracter le sida, et les prostituées sont victimes de violences aux mains des clients, de la police et dans les « centres de réhabilitation ».
La plupart des femmes que j’ai rencontrées commandaient des jus de fruits quand elles étaient avec moi, mais certaines boivent de leur propre initiative ou à la demande des clients. Travailler dans l’industrie du sexe est autant une impasse que dans une usine de vêtements ; quand elles vieillissent, les femmes trouvent une autre occupation, ou bien sortent des bars et des discothèques pour atterrir dans la rue. Pourtant, sur dix filles avec lesquelles j’ai réussi à discuter, deux m’ont déclaré qu’elles avaient choisi cet emploi à cause des bonnes conditions de travail et du salaire relativement élevé, six, l’ont fait poussées par des « circonstances familiales difficiles. Environ trois ont été attirées par la ruse, piégées ou vendues.
...mais les deux exploitent les filles
Les travailleuses du sexe sont-elles exploitées ? Absolument. Mais les employées des usines textile aussi. Il ne faut pas longtemps quelques clics judicieux, pour obtenir le « profil » d’une entreprise qui produit des t-shirts, des pantalons et des jupes pour des marques comme Nike, Aeropostale et JC Penney. On y lisait que les 1.000 ouvrières de l’usine produisaient 7,8 millions de pièces chaque année. En estimant approximativement que chaque pièce est vendue 25 dollars (17,6 euros), chaque employée génère donc 195.000 dollars (137.425 euros) de chiffre d’affaires annuel, pour lequel elle touche environ 750 dollars (528 euros) en salaires, en comptant les heures supplémentaires généralement effectuées.
« Beaucoup de femmes ne veulent plus travailler dans les usines textile », « Vu que la prostitution offre une vie meilleure, nos industriels vont devoir se mettre à penser à autre chose qu’à leurs marges de profit. » Propos recueillis auprès de Cambodgiens et Cambodgiennes. J’ai peur hélas qu’ils soient encore loin de la moindre amélioration de leur sort.
Maintenant car on ne peut pas leur enlever le fait qu’elles se prostituent, les prostituées dans ces pays d'Asie ont une très grande chance : elles vivent dans une civilisation qui n'a pratiquement pas été touchée par la philosophie de honte, de haine et de mépris de la sexualité qu'un certain "St Paul", a introduit au troisième siècle dans la religion chrétienne et qui y persiste toujours, en contradiction totale avec les enseignements de Jésus-Christ, son fondateur. Je ne vous cite même pas Mahomet et pour cause.
Elles sont bouddhistes et j’avais dû mal à comprendre comme l’illuminé (rigolez pas c’est son nom) pouvait concilier prostitution et enseignement philosophique. Mais les bouddhistes tout comme les catholiques et autres collègues sont forts : « l'octuple sentier » précise qu'il faut mener une vie juste et avoir des moyens d'existence juste, mais il se garde bien d'en donner une définition : c'est à chacun de nous qu'il convient de se faire sa propre opinion. Il y a donc que des conseils positifs et pas d'interdit, je vous l’avais dit, ils sont forts.
Quand on prend le temps d’écouter ces jeunes femmes, on constate donc qu'elles sont plutôt positive, j’utilise ce terme avec la plus grande prudence et ne vous méprenez pas sur son sens...
Quand elles retournent dans leur village voir leurs parents. Tout naturellement, elles sont bien reçues dans leur famille, qui bien entendu le plus souvent savent ce qu'elles font à la ville. Le mot "souteneur" existe, mais en pratique, c'est bien à leurs parents qu'elles remettent leurs gains et j'ai entendu une fille me dire : « Ma mère aimerais acheter un buffle, ou bien : le voisin vend son champ, pourrais-tu retourner là-bas quelques mois ? Je n'ai pas étudié le confucianisme, ni le Bouddhisme, mais il est clair que dans ces pays, "ce qui rapporte de l'argent est honorable"
Voilà, tout n'est pas rose dans le royaume du Cambodge et l'arrivée du Sida a évidemment été une sérieuse secousse...mais, pitié, ne plaquons pas nos apriori, angoisses et frustrations d'occidentaux sur une société qui n'a heureusement rien à voir avec la nôtre !
Pourtant ça ne fait pas moins de ces femmes des êtres humains, qui sont traitées comme des objets. Oui, elles sont réduites en esclavage dans les usines de vêtement, soit, c'est certain, et l'occident est pervers, oui, c'est vrai également.
Pour autant, quelque chose me perturbe.
Alors, oui, ce n'est peut-être pas honteux pour elles, soit. Et c'est peut-être le seul moyen qu'elles ont de s'en sortir soit. Pour autant, si le client est étranger, et surtout occidental, n'est-ce pas à lui de demander des comptes ?
- « Il ne faut pas calquer notre échelle de valeur occidentale sur ces « gens-là » car ce sont des civilisations différentes. » Oui, j'entends fortement ces arguments, mais le relativisme est une arme à double tranchant : oui, les filles sont sympa, et oui, les prostitués sont des humaines, oui, effectivement. Pour autant, et visiblement ça ne dérange personne.
Si elles sont forcées de faire ça pour vivre, ce n'est pas plutôt les clients qui eux, ne sont forcés à rien et qui n’ont rien à foutre ici, ni ailleurs ?
Tout dépend juste de pourquoi l'on est dans ce pays. Si tous les étrangers faisaient comme moi, l'industrie du sexe ne serait plus le paradis et ces femmes feraient autre chose de leur vie. Boycottez ces endroits et découvrez plutôt leur culture, leur mode de vie que d'enrichir un système qui tire les gens et leur dignité vers le bas !
Le sexe n'est pas quelques choses que l'on peut acheter de mon point vue !
Pour information, le Cambodge est aujourd’hui sous la coupe réglée d’une mafia gouvernementale au pouvoir depuis 1998, suite à un coup d’état ayant fait plus de dix mille morts ou disparus. S’entendre sur le terme ne changera rien au sort de ces personnes.
Le pays est pillé, vendu à l’encan.
Le salaire, bien qu’il soit indécent d’utiliser un tel terme, est en moyenne de 70 dollars par mois quasiment toutes professions confondues.
Je connais une fille vivant dans un slam près de l’ancienne gare de chemin de fer. Elle paye 20 dollars pour quatre tôles et un toit de torchis. Vivre dans un slam ne vous dispense pas de payer un loyer aux mafieux. 10 dollars d’eau et d’électricité. 15 dollars envoyés à ses parents en province. Un enfant, divorcée bien qu’ici le terme abandonné conviendrait mieux. Et c’est avec ses 25 dollars en poche qu’elle doit vivre, s’habiller, se nourrir. Soit 1 dollar 24 par jour ou 1 euro si vous avez des difficultés avec les conversions. Hun Sen, premier ministre à vie et sa clique sont riches à milliards de dollars.
Bruno Rey
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