Syrie : Mère Agnès répond aux djihadistes par la réconciliation
Lors d’une conférence à Paris, vendredi, Mère Agnès Mariam de la Croix a rapporté les progrès enregistrés par l’initiative « Moussalaha », visant à réconcilier les différentes confessions en Syrie, en contre-pied du projet de Califat (sunnite) des djihadistes. Les Chrétiens, qui assistaient nombreux à la conférence, étaient aux anges. Pour autant, le chemin vers la réconciliation est encore long.
La conférence démarre en retard, le temps que les dernières places libres du grand amphithéâtre de l’ASIEM (400 places) soient localisées et que les occupants de chaque rangée se décalent, permettant aux derniers arrivants de s’asseoir. Le public est majoritairement constitué de couples élégants, CSP+, de 50 ans en moyenne et manifestement chrétiens. En attentant le début de la conférence, certains lisent Le Figaro ou Présent (1), un journal de droite catholique en vente à l’entrée. Tous lisent des articles relatifs à l’immigration ou à l’Islam. J’entame la conversation avec mon voisin et ma voisine ; ils considèrent la chrétienté comme menacée et la situation en Syrie comme une préfiguration de ce qui attend la France. La menace ? L’Islam et les immigrés. « Une étincelle suffit », déclare ma voisine. La conférence sera sur une ligne très différente, mais pourtant applaudie à tout rompre et à plusieurs reprises.
La situation en Syrie, quatre ans après
Mère Agnès Mariam de la Croix, mère supérieure du monastère de Saint-Jacques le Mutilé, en Syrie, fait une conférence émouvante, factuelle mais aussi empreinte d’une vision chrétienne, sinon eschatologique. Un air de fin du monde. Les chiffres (déplacés, réfugiés, blessés, tués, etc.) sont glaçants. Mère Agnès les émaille d’anecdotes, tantôt dramatiques, comme ce fils d’un responsable religieux rendu en morceaux dans un sac plastique, le visage défiguré, tantôt redonnant espoir, comme cette ville sous contrôle rebelle reprise par le gouvernement après une négociation non officielle dans laquelle Mère Agnès a joué un rôle déterminant. Cet acte de courage lui vaut d’être proposée au Prix Nobel de la Paix.
Les photos de ruines et de cadavres défilent. Elles témoignent de la barbarie des djihadistes et de leur acharnement sur les symboles religieux autres que sunnites. Ils vont jusqu’à déterrer des moines. Une diapositive montre Omar al-Shishani, un chef Tchétchène roux réputé avoir exécuté plus de 10 000 égorgements de ses propres mains, avec un petit couteau. Il sera tué par l’armée régulière.
Parmi les causes pour lesquelles les djihadistes rentrent dans leur pays d’origine, la première est la découverte du mensonge sur la base duquel on les a envoyés en Syrie.
La conférence est peu politique. Mère Agnès insiste sur la souffrance de la population, quelle que soit sa « couleur ». Elle épingle tout de même la Turquie, qui laisse entrer les djihadistes en Syrie mais bloque les Syriens souhaitant se réfugier en Turquie.
Rassembler les communautés
Le responsable religieux déjà évoqué, l’émotion retombée, pardonne publiquement aux assassins et propose à d’autres responsables religieux, dont Mère Agnès, de s’unir sur un programme de réconciliation. L’initiative « Moussalaha » est lancée. Les religions marchent côte-à-côte dans ce programme qui se veut l’antithèse du programme djihadiste, puisqu’il se donne pour objectif de maintenir la fraternité entre les différentes confessions. Fraternité qui existait jusqu’en 2011, avant que les djihadistes ne prennent les armes. L’initiative Moussalaha obtient le soutien de personnalités aussi diverses que Sharon Stone, Mairead Corrigan (Prix Nobel de la Paix irlandaise) et Carla Del Ponte (juriste Suisse qui travaille à l’ONU).
Souhaitons tout le succès possible à cette initiative, dont la réussite exige cependant que ceux qui soutiennent et financent les djihadistes, retrouvent leur part d’humanité perdue.
Pour approfondir :
Yves D., le 11 mars 2015
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