Tibet : une nonne bouddhiste abattue et un jeune homme blessé par la police chinoise à la frontière népalaise
Les gardes chinois de la frontière entre la Chine et le Népal ont ouvert le feu sur un groupe de 75 réfugiés traversant un col de l’Himalaya, le 30 septembre 2006. Une nonne bouddhiste de dix-sept ans et un jeune homme de vingt ans étaient parmi les victimes.
Une enquête urgente serait dirigée par les bureaux népalais et chinois du Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies. [Cet article fait suite à l’article publié le 4 octobre 2006 sur AgoraVox]

Lama Tsering, un moine bouddhiste du monastère de Kushinagar, en Inde du Nord, a déclaré à AsiaNews : « Le génocide perpétré par les soldats Han chinois contre les Tibétains est indescriptible. Notre soeur n’a même pas pu bénéficier de rites funèbres dignes. » Lama Tsering pense aussi à ceux qui ont été arrêtés par les gardes : « Ils seront torturés et persécutés pour le reste de leur vie. »
Selon un correspondant de Phayul.com, la nonne tibétaine exécutée par les patrouilles de la frontière chinoises était âgée de dix-sept ans. Elle s’appelait Kelsang Namtso, et était originaire du Comté de Driru au Tibet. Les Tibétains voyageant avec la religieuse ne purent transporter son corps, transpercé par des balles, car ils craignaient d’être arrêtés avant d’entrer en territoire népalais. Un jeune homme, Kunsang Namgyal, âgé de vingt ans et originaire de Kandzé, a été frappé par les balles à la jambe, il ne put s’échapper, pas plus que trente autres Tibétains dont quatroze enfants mineurs qui furent arrêtés par des soldats chinois portant camouflage et casquette de fourrure. L’incident a eu lieu au col de Nangpa-La à 5700 mètres d’altitude, à quelques kilomètres du Mont Cho Oyu, et a été observé par plusieurs alpinistes de toutes nationalités au camp de base. Ils ont vu les militaires chinois s’agenouiller, viser et ouvrir le feu sur un groupe de 75 Tibétains dont des femmes et de jeunes enfants d’une dizaine d’années.
Parmi ces 75 Tibétains fuyant le Tibet, 41 ont pu échapper aux tirs et atteindre le territoire népalais, où ils sont maintenant en route pour le Centre de réception de réfugiés tibétains de Katmandou. La plupart sont âgés de vingt à trente ans, parfois accompagnés de jeunes enfants d’une dizaine d’années et venaient du Kham, région Est du Tibet historique actuellement incorporé à la province chinoise du Sichuan. Ce qu’il est advenu des autres Tibétains qui n’ont pu franchir la frontière n’est pas connu. Une source tibétaine locale dit que ces Tibétains pourraient avoir été appréhendés par les forces de sécurité chinoises, parce que des véhicules militaires chinois, dont des ambulances, ont été vus sur la route de l’incident le jour même.
Un des rescapés, un moine du Comté de Gyamda, a dit : “75 d’entre nous venions de Lhassa après deux jours de camion, nous avons ensuite marché pendant vingt jours, quand nous avons atteint la passe de Nangpa-La, nous avons demandé de la nourriture à des alpinistes et mangions quand les soldats sont arrivés, ils ont commencé leur fusillade et nous avons couru, il était environ 8 heures du matin, il y avait quinze petits enfants de huit à dix ans, un seul a pu s’échapper et les autres ont été arrêtés. J’ai couru pour sauver ma vie en pensant au Dalaï Lama. Les soldats ont tiré pendant environ quinze minutes, il y avait cinq soldats, trois nous chassaient et deux tenaient ceux qui ont été arrêtés, les soldats criaient, probablement pour nous avertir, mais je ne les ai pas entendus car j’étais terrifié, j’ai entendu juste les coups de fusil près de mes oreilles, j’étais si triste que beaucoup soient arrêtés. J’ai payé 4500 yuans le guide, je ne sais pas exactement combien de personnes ont été tuées, tant nous étions affolés. J’ai vu que des alpinistes occidentaux ont pris des photos, il y avait deux hommes et une femme. »
Un guide de montagne britannique, escaladant le Mont Cho Oyu au même moment, a déclaré à International Campaign for Tibet (ICT) : « Il y avait environ 60 alpinistes au camp de base qui ont pu observer l’incident. Ils ont vu les soldats chinois avancer, s’agenouiller, viser et ouvrir le feu de façon répétée sur le groupe de Tibétains totalement désarmés. »
Dans le passé, des réfugiés tibétains s’échappant du Tibet vers le Népal ont été visés par des tirs sur les versants chinois et népalais de la frontière, mais ceci est l’incident le plus sérieux depuis des années.
La fusillade a probablement été effectuée par la Police armée du peuple, une unité paramilitaire issue de l’Armée populaire de libération (APL) dans les années 1980, responsable de la sécurité interne, du contrôle des frontières, et de la protection des installations d’Etat, y compris les prisons. La Police armée du peuple est le corps armé principal qui patrouille dans les passages en haute montagne où les Tibétains tentent de s’enfuir vers le Népal.
Un Américain qui habite le versant sud du Nangpa-La, et y a travaillé, et qui s’est rendu au Camp de Base de Cho Oyu, a dit : « Les sherpas et commerçants tibétains des villages de la frontière d’un côté et de l’autre de la passe de Nangpa-La ont le droit de voyager librement pour motif de commerce informel, et ceux qui traversent régulièrement le col de Nangpa-La disent que ce n’est pas rare que la Police armée du peuple traque les réfugiés jusqu’au Népal - mais plus bas que les villages de sherpas. » Lors de deux incidents récents, des alpinistes occidentaux dans le secteur ont été visés par les patrouilles de la frontière chinoise.
Il y avait plus de dix grandes expéditions à Cho Oyu lors de la fusillade, et une source a estimé qu’au moins cent personnes auraient pu observer la fusillade le 30 septembre 2006. Mais la plupart des alpinistes ont refusé de parler publiquement, tant qu’ils étaient en territoire chinois et népalais. Tom Sjogren, du portail Internet Explorersweb, qui était en contact avec certains des alpinistes au Cho Oyu au même moment, a déclaré : « Il y a eu des pressions au camp de base par des fournisseurs commerciaux pour garder le silence. Pour autant, nous pensons qu’il n’y a pas de raisons que les alpinistes occidentaux aient peur du gouvernement chinois s’ils parlent, en dehors d’un risque commercial pour certains opérateurs de trek, mais même cela est peu probable. »
Les risques pour les Tibétains fuyant vers le Népal ont augmenté ces deux dernières années en raison de l’influence chinoise croissante sur le gouvernement népalais. En 2005, le Bureau du représentant du Dalaï Lama à Katmandou et le Bureau d’aide social des réfugiés tibétains, tous deux critiques pour la sécurité et la prise en charge des Tibétains en exil au Népal, ont reçu l’ordre de fermer. Il y a aussi eu plusieurs dizaines de cas de déportation de réfugiés tibétains du Népal en Chine. En octobre 2000, un moine tibétain est mort consécutivement à des tirs de la police népalaise, alors qu’il passait la frontière népalaise pour y rechercher l’exil. En raison de la situation politique instable et des conditions de sécurité précaires au Népal, les personnes dont s’occupe le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies au Népal, dont les Tibétains cherchant l’exil, sont sous la menace constante de perdre leurs droits de protection.
Depuis le soulèvement de 1959 du peuple tibétain contre les forces chinoises qui ont envahi le Tibet dix ans auparavant, plus de 150 000 Tibétains ont fui le Tibet en traversant au péril de leur vie l’Himalaya.
Après ce grave incident, il est maintenant vital que les agences de l’ONU et la communauté internationale prennent des mesures immédiates pour garantir la sûreté de réfugiés tibétains fuyant vers le Népal.
Parmi ces mesures, les institutions européennes devraient mettre en place les résolutions du Parlement européen du 15 janvier et du 11 avril 2002 demandant au Conseil et à la Commission de nommer un représentant spécial de l’Union européenne pour le Tibet. Un tel représentant de l’UE pourrait plus facilement obtenir des autorités chinoises qu’elles respectent la sécurité des Tibétains cherchant l’exil, et qu’elles s’engagent dans des négociations significatives avec le gouvernement tibétain en exil.
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