Un carnage se prépare en Syrie. Alors pourquoi pas une partition et un Etat d’Alep ?
Les nouvelles de Syrie ne sont pas bonnes, pour autant qu’elles aient pu l’être depuis deux ans. Une bataille terrible semble se préparer à Alep, ville qui risque de devenir le Verdun du Moyen Orient 100 ans après le déclenchement de la Grande Guerre. L’armée régulière de Bachar al Assad se prépare à reprendre cette ville de près de deux millions d’habitants actuellement sous le contrôle des rebelles pas décidé à lâcher leurs positions. L’avenir à moyen terme de la Syrie est mal engagé mais si l’affrontement se produit, on peut craindre que ce pays ne puisse jamais se reformer tant les haines seront ancrées dans les populations si l’atroce massacre se déroule. D’après les informations disponibles, les combattants affluent pour renforcer les deux camps alors que par une sorte d’obsession inconsciente, les pays adversaires du chef d’Etat syrien livrent des armes aux rebelles. La France y serait favorable. On notera le manque de cohérence dans la géopolitique. Bachar al Assad fut invité au défilé du 14 juillet il y a quelques années par Sarkozy et maintenant, les responsables du quai d’Orsay seraient prêts à le liquider comme cela fut réalisé pour un autre invité de Sarkozy, le colonel Kadhafi.
Selon les sources fiables de DEBKA, le 26 juin, la Russie a annoncé avoir rapatrié tout son personnel diplomatique et même avoir évacué sa présence sur la base navale de Tartus. Officiellement, les Russes craignent quelque altercation et ne veulent pas que leurs troupes soient prises pour cible en cas d’extension du conflit, ce qui compliquerait la diplomatie tout en suscitant des « réserves » au sein de l’opinion publique russe. Dans le même temps, les Israéliens ont effectué des manœuvres sur le plateau du Golan, fait apparemment anodin sauf qu’une barrière de sécurité de 70 kilomètres serait en construction pour éviter un afflux de belligérants voire de réfugiés. Autre signe important, la réunion à l’initiative de Cameron d’un conseil de sécurité en urgence, ce qui n’arrive qu’en cas de situation exceptionnelle, avec la présence comme observateur de Millibran, chef de l’opposition en Grande-Bretagne. D’autres indices s’ajoutent, laissant craindre le pire.
Les frères devenus ennemis Obama et Poutine n’ont pas réussi à s’entendre lors du récent G8. Le différent portant sur le maintien à court terme de Bachar al Assad avant une éventuelle solution politique. Avec l’affaire Snowden et la vexation de la NSA qui ne facilite pas le dialogue ainsi qu’un autre différent, celui de la présence de l’Iran dans les négociations diplomatiques. Les deux protagonistes pouvant intervenir dans une solution politique sont fâchés et semblent convenir de laisser filer la situation, autrement dit, un bain de sang pendant quelques mois. Compte tenu de la situation sur le terrain, aucune des deux forces n’est en mesure de l’emporter rapidement. Plus près du conflit, un consensus s’établit autour des chi’ites de la région, ceux du Liban, d’Irak et d’Iran, pour soutenir le régime syrien en place. On imagine tout ce monde s’inviter à la bataille avec les armes assez lourdes. Avec en plus un risque d’extension du conflit au cas où Israël serait touché par un dégât collatéral consécutif à une bavure syrienne. Bref, la zone se présente à l’image d’un terrain parsemé de bidons d’essence avec des types se baladant la cigarette au bec. Pendant ce temps, la conférence de Genève est tombée à l’eau. Aux dernières nouvelles, un prédicateur sunnite libanais inciterait ses fidèles à aller combattre aux côtés des rebelles puisque son homologue du Hezbollah a dépêché depuis quelques temps des combattants au service de l’armée régulière d’Assad. D’après quelques analystes, il serait bien improbable que cette guerre fratricide entre Chi’ites et Sunnites se s’étende pas au Liban puisque les belligérants n’ont que quelques kilomètres à faire pour se foutre sur la gueule.
Pendant ce temps, les médias français n’ont d’yeux que pour le tour de France. Alors qu’il faudrait s’inquiéter non seulement de la Syrie mais aussi du Liban, ce petit pays symbole des espérances du vivre ensemble avec ses nombreuses communautés mais un équilibre fragile depuis 30 ans. Et Alep, bientôt détruite comme Dresde ? Alep, cette ville des plus anciennes, occupée par Alexandre, puis les Séleucides et après Rome, conquise par les Arabes au 7ème siècle, devenue ensuite un grand centre de la vie intellectuelle et religieuse au Moyen Age. Les Mongols se sont invités puis ont été chassés. Elle deviendra la troisième ville de l’Empire ottoman après son annexion en 1516 et ce, jusqu’en 1918, lorsque après la Grande guerre les deux grands empires de l’Est furent démantelés. Au 17ème siècle, cette ville accueillait pas moins de 14 communautés religieuses, chacune avec sa langue et sa culture. Elle était le symbole du cosmopolitisme à la mode orientale. Après 1918, la ville passe sous mandat français après avoir été enlevée aux Turcs par les Britanniques ; autrement dit, elle lie son destin aux décisions arbitraires et autres bêtises de bricolage territorial façonné par les deux puissances coloniales européennes que furent la France et la Grande-Bretagne. Les Kurdes en savent quelque chose, eux qui ont été rattachés pour partie à l’Irak alors qu’Alep fut rattachée à Damas pour le meilleur et surtout le pire si l’on en croit la situation de cette ville actuellement scindée en deux parties, avec les rebelles au nord et l’armée régulière syrienne au sud.
La situation en Syrie participe au nouveau désordre mondial, concept dont on reparlera bientôt avec d’autres tensions en ce monde troublé comme s’il était un empire global soumis aux forces déclinantes. Les territoires bricolés artificiellement n’ont jamais connu un sort heureux. Pour exemple les républiques de l’ex Yougoslavie. Le moindre mal dans ces conflits, c’est qu’il y a une issue territoriale dans le sens où les communautés s’étant combattues et haïes finissent par rejoindre un lieu pour se reconstruire. Ce fut le cas de l’Allemagne après 1945. Chacun chez soi, pour panser les plaies et oublier et se réconcilier ensuite. On voit bien que la Syrie ne peut pas suivre un tel scénario, étant vouée à une guerre civile de 100 ans si rien n’est fait d’intelligent en manière diplomatique. La seule issue, bien que difficile du point de vue diplomatique, serait la partition avec un Etat d’Alep au nord et la Syrie d’Assad au Sud. C’est je pense la seule solution juste et viable. N’oublions pas qu’entre 1920 et 1925, un Etat d’Alep a existé. Cette solution pourrait sans doute satisfaire les Etats-Unis et la Russie y compris tous les Etats régionaux qui n’ont pas intérêt à voir le conflit s’étendre. Alors qu’attendent les diplomaties des grandes puissances pour se réunir ?
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