Vers une démocratisation non gouvernementale du monde arabe ?
La société civile s’apparente, selon François Rangeon, à un mythe politique. « Avant d’être un concept ou une idée, la société civile évoque d’abord un ensemble de valeurs positives : l’autonomie, la responsabilité, la prise en charge par les individus eux-mêmes de leurs propres problèmes. »
L’évolution, en Occident, de la scène politique et la complémentarité entre partis politiques et Organisations Non Gouvernementales (ONG) ont permis aux défenseurs d’un Etat assujetti au simple exercice exécutif de gagner du terrain. On parle, aujourd’hui, et à titre d’exemple de diplomatie non gouvernementale.
Dans le monde arabe, le bilan n’est pas aussi brillant, l’absence de vraies et solides pratiques démocratiques faisant défaut.
Paradoxalement, certaines composantes de la société civile arabe sont devenues des outils servant nos régimes autoritaires, bien que l’essence même de la société civile s’oppose à la singularisation de la prise de décision.
Cela n’empêche que dans plusieurs pays, des ONG ont déchaîné la chronique pour des positions audacieuses prises à l’égard de la manière avec laquelle sont gérées les affaires de l’Etat. A ce titre, on peut citer l’exemple de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, l’une des rares tribunes libres et indépendantes en Tunisie et dont les activités ont provoqué l’ire du régime en place. On peut, également, relever le rôle fort louable qu’a joué le groupe égyptien Kéfaya dans la galvanisation de la scène politique égyptienne, rôle qui nous a permis de prendre conscience que l’avenir est aussi à des regroupements parfois irrationnels, car fédérant sous une seule casquette des personnalités de différents horizons religieux, politiques et ethniques.
D’autant plus que cette prise de conscience coïncide avec l’affaiblissement de la présence du parti unique ainsi que des partis dits « historiques », tels que le Wafd, en Egypte.
Cependant, les ONG libres et indépendantes évoluant dans le monde arabe ont une marge de manœuvre assez étroite, ce qui est dû notamment à leur incapacité à mobiliser les masses populaires.
Aussi souffrent-elles de leur statut de « non reconnues » aux yeux des autorités locales, statut qui met en danger la vie de leurs leaders et les prive de tout droit, notamment du droit au regroupement ou du droit au financement.
Autant de problèmes organiques qui font que le bilan des ONG arabes est mitigé. Le scénario est d’ailleurs le même dans toute expérience ayant apporté quelque bien à la scène politique arabe : des débuts spectaculaires à une fin de mort-né, la durée d’action de telle ou telle ONG n’allant pas au-delà des échéances politiques ou sociales qui ont favorisé leur création.
Le passé étant les racines de l’avenir, on peut, tout de même, prédire une société civile arabe plus solide, plus diversifiée et surtout plus responsable. On peut espérer un tissu d’ONG en mesure de constituer le fer de lance du printemps arabe tant espéré. « Trop optimiste », me direz-vous. Il y a suffisamment de motifs pour l’être. L’opinion publique arabe n’est plus dépassée par les événements. La révolution que connaît le paysage médiatique arabe, à travers les chaînes satellitaires ou l’essor de la culture des blogs, a vulgarisé des dysfonctionnements et autres formes d’abus de pouvoir autrefois inaccessibles aux masses, tels que la corruption et les fraudes dans les élections...
La démocratisation du monde arabe passe sans doute par ces mêmes masses, jadis indifférentes à l’exercice politique. Avec l’élan que lui propose la société civile, le simple citoyen arabe peut être plus que partie prenante du changement. Il peut être acteur principal. Tout dépendra, cependant, de sa foi, et de celle qui régit l’Etat.
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