11-Septembre : de la misère journalistique à la logique de collabos
Le magazine Le Point vient de mettre en ligne* le dossier publié dans son numéro du 1er décembre dernier, consacré aux « obsédés du complot », à l'occasion des récents rebondissements dans la saison 3 de l'affaire DSK. Une nouvelle fois, l'hebdomadaire se lance dans quelques rapprochements hasardeux avec la problématique du 11-Septembre en noyant celle-ci dans un amalgame de comparaisons fumeuses. La ficelle du « conspirationnisme » pour inhiber le débat sur les attentats de 2001 étant aujourd'hui usée, pourquoi Le Point s'embarrasse-t-il de cette manœuvre qui a peu à voir avec le journalisme et davantage avec une activité de propagande pour discréditer tout exercice de la pensée critique sur cet événement fondateur de l'histoire récente ? Et plus généralement, quelle sont les motivations et la logique de ces médias qui, en France, s'obstinent curieusement à défendre bec et ongles la version officielle du 11-Septembre délivrée par le gouvernement des États-Unis, quelque soit la somme gigantesque des aberrations qu'elle comporte ?
Dix années d'observation
L'aspect passionnant que soulève ce dossier du Point, et bien d'autres cas de figure similaires avant celui-ci, se situe dans la compréhension du système qui conduit certains individus au sein des médias à organiser une instrumentalisation de l’information. L'hebdomadaire qui surfe sur l'affaire DSK pour coller du « négationnistes » sur le dos des opposants à la théorie officielle de la conspiration sur le 11-Septembre, et qui nous ressert le même refrain éculé, ne fait certainement pas tout ça en dilettante.
Certes, le contenu qui nous est offert ici affiche une forme de misère journalistique qui est presque devenue coutumière. On est très loin de l'esprit d'Albert Londres dans le traitement du sujet**, et bien proche de celui d’un magazine people comme Closer. Mais en l'occurrence, cette misère n'est pas tant due à l'incompétence de ceux qui rédigent ces articles (ou à la fatuité d'un Taguieff, appelé en renfort, partisan jusqu'à l'extrême et toujours dévoué pour vendre quelques cravates), mais plutôt aux intentions qui sont les moteurs des positions qu'ils défendent. À ce sujet, AgoraVox a récemment publié un article intitulé « Mathieu Kassovitz et la rhétorique de disqualification », à l'occasion du procès que le cinéaste avait intenté à plusieurs journalistes qui l'avaient qualifié de « révisionniste » ou caricaturé en adepte de Goebbels à la suite de sa prise de position critique à l'égard de la version officielle sur le 11-Septembre. Un commentaire posté sur le site ReOpen911 en réaction à cet article, par une internaute nommée Carla, se montre fort pertinent :
« Dénigrement, évitement, intimidation, mensonges par omission, la presse utilise toutes les ficelles pour ne surtout pas aborder l'examen minutieux des FAITS et faire de l'obstruction passive. Par contre, concernant les insultes à Matthieu Kassovitz, on est carrément dans une démarche très active (carrément militante) de prise de position caractérisée, qui outrepasse de très loin les prérogatives que l'on peut attendre d'un organe de presse. Pour moi, Laurent Joffrin*** et consorts ont fait bien plus qu'une simple bévue professionnelle. Ils ont ce jour-là affirmé publiquement leur appartenance à des relais de pensée nauséabonds (qu'il reste à déterminer), non compatibles avec la poursuite pantouflarde d'une activité de presse. »
Après dix années d'observation de cette position aberrante d'une grande majorité des médias dominants, qui soit ignore, soit ridiculise, soit attaque avec une virulence démesurée toute vision alternative à la version officielle sur le 11-Septembre, il est possible aujourd'hui d'affirmer que la position de ces médias ne relève pas d'une vague ignorance du sujet, d'une attitude « pantouflarde » ou passive, ou d'une bévue sans cesse répétée… Ce qu'on observe en l'occurrence est d'une tout autre nature. Comme le précise Carla, il s'agit bien d'une « démarche très active, carrément militante » de la part de ces « organes de presse ». Le lynchage médiatique infligé à Mathieu Kassovitz démontre une volonté de nuire gravement à l'honneur et à la réputation de toute personnalité osant s'affranchir publiquement de la version officielle. Voilà qui est bien loin d'une quelconque aspiration ou éthique journalistique.
Et dernièrement, sur d'autres fronts, les citoyens attentifs auront identifié quelques média-mensonges, ainsi que Michel Collon nomme fort à propos cette nouvelle arme de diversion massive. Qu'il s'agisse du conflit en Libye, où de lourdes contre-vérités concernant les massacres de populations ont été fournies par des sources arrangeantes, et pilonnées sans réserve par les médias occidentaux, avant que ces manœuvres ne se révèlent être que des simulacres d'information servant les intérêts des membres de l'OTAN. Qu'il s'agisse de la Syrie et de l'Iran pour lesquels sont utilisés plus ou moins les mêmes procédés sans qu'aucune leçon ne semble être retenue du fiasco libyen. Ou qu'il s'agisse encore du fait que peu de journalistes s'émeuvent outre mesure de l'anomalie actuelle qui veut que quelques agences de notation - agences privées - implantées aux États-Unis, jouent avec le destin économique des pays européens, comme on parie sur des chevaux… Tout ça termine de démontrer la duplicité d'une partie des médias dominants, et la forfaiture à laquelle ils participent.
Operation Mockingbird
Tous ces médias qui entretiennent plus spécifiquement la dynamique de dénigrement acharné sur toute liberté de parole concernant le 11-Septembre et assurent ainsi la formidable rigidité du tabou sur le sujet le font sous l'influence de responsables qui s'inscrivent dans un courant atlantiste. Et ce courant mérite une attention toute particulière en ce qui concerne la façon dont il a infiltré les médias en France.
L'atlantisme a pris naissance au départ de la guerre froide. Dans les années 50, un vaste programme nommé « Operation Mockingbird », aujourd'hui bien documenté, a été mis en place par la CIA pour infiltrer les médias nationaux et étrangers, et influencer leurs contenus afin que ces derniers se montrent favorables aux intérêts américains. En quelque sorte, un système de propagande secrète qu'il est intéressant de situer en parallèle avec « Les armées secrètes de l'OTAN » mises en lumière par Daniele Ganser.
La méthodologie consistait à placer des rapports rédigés à partir de renseignements fournis par la CIA auprès de journalistes conscients ou inconscients de cette manœuvre. Ces informations étaient ensuite relayées par ces journalistes et par les agences de presse. À l'étranger, ce système a été très payant dans le cadre de la déstabilisation de pays en vue de coups d'État ou autres délicatesses, comme au Guatemala en 1954. Des auditions menées par le Congrès américain en 1975, dans le cadre de la Commission Church, ont prouvé que plusieurs responsables de presse ainsi que des journalistes avaient été payés par la CIA dans le cadre de l'opération Mockingbird.
Par ailleurs, un des aspects intéressants de toute cette affaire est le fait que l'homme qui a initié et longtemps dirigé cette imposante opération de propagande est Frank Wisner Senior qui est un des fondateurs de la CIA. Mais celui-ci est aussi le père de Frank Wisner Junior qui est encore aujourd'hui un gros poisson de la diplomatie américaine et qui n'est pas sans lien avec les ramifications séditieuses du 11-Septembre. Mais là où le cocktail politique devient pétillant, c'est quand on remarque que Frank Wisner Junior est également le beau-père d'Olivier Sarkozy, le demi-frère du Président français. Cela pourrait à la rigueur n'être qu'anecdotique, mais il faut savoir que c'est ce même Frank Wisner qui, il y a longtemps déjà, a introduit Nicolas Sarkozy dans les réseaux d'influence politique aux États-Unis et lui a permis de tisser des liens précieux dans le cadre de son accession au pouvoir en France.
Réseaux d'influence
Les réseaux d'influence américains en Europe sont très puissants, mais ils ne sont pas les seuls facteurs qui peuvent inciter les médias à confondre information et propagande. Lorsqu'ils sont publics, ces médias sont, depuis la présidence Sarkozy, sous le contrôle accru de l'exécutif. Et lorsqu'ils sont privés, ceux-ci sont en bonne partie financés par les fleurons de l'oligarchie économique mondiale ou par les fabricants d'armes. Cet état de fait ne contribue certainement pas à produire des organes de presse d'une neutralité exemplaire. D'autant plus que la décennie passée nous a démontré que la finance mondialisée et les marchands d'armes étaient parmi les premiers bénéficiaires du 11-Septembre. À partir de ce constat, comment imaginer que la logique de l'argent n'a pas d'influence sur le contenu de l'information qui est produite par ces médias ? C'est particulièrement remarquable pour la presse de gauche (Libération financé par Rothschild), dont on attendrait volontiers qu'elle offre une vision réellement alternative de la marche du monde, ce qui n'est pas le cas. David Ray Griffin a analysé ce phénomène pour les USA, et ce n'est guère différent ici.
Il est également important d'évoquer les réseaux d'influence sionistes dont le fait est qu'ils sont de très fervents soutiens de la version officielle sur le 11-Septembre, et ce, pour une raison qui reste encore à déterminer… Quoi qu'il en soit, l'autorité de ces réseaux est considérable dans les médias occidentaux. Et bien entendu, évoquer ce fait revient à se situer au croisement de deux tabous majeurs de notre époque, sionisme d'un côté, 11-Septembre de l'autre. Autant dire qu'à ce croisement est dressé un bûcher qui attend les esprits libres qui choisiraient de s'y aventurer. Pour prendre quelques repères sur ce sujet, il est intéressant de consulter l'ouvrage de référence de Stephen Walt et John Mearsheimer « Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine » aux éditions La découverte, ou de visionner le documentaire réalisé sur l'impact de cette publication.
Le livre « Black List » dans lequel Kristina Borjesson réunit les témoignages de quinze grands journalistes américains, nous a appris en 2002 comment le journalisme américain a perdu son titre de quatrième pouvoir et comment le naufrage de l'investigation a permis les dérives que nous avons constaté avec le 11-Septembre et les guerres d'agression en Irak et en Afghanistan. Et comme nous l'avons vu, aujourd'hui nous observons une accentuation de ces dérives avec les mensonges concernant la Libye et la finance mondiale. Ce naufrage vaut aussi pour la France, et les pressions des réseaux atlantistes ne sont pas étrangères à cette évolution que le site La mécanique universelle analyse avec pertinence : « Les symboles sont légions de la collusion entre le milieu journalistique et les puissants du marché, de la politique ou du star-système (livres écrits en commun, amitiés, loisirs, appartenance aux mêmes clubs…) Depuis la prise de contrôle direct ou indirect des médias par le marché, une pensée unique s'est imposée, alignée sur les thèses les plus conservatrices des grands patrons et des grands guerriers, aux commandes du monde. […] La collusion entre journalistes, marchés et politiques, est préjudiciable à l'ensemble humain, y compris bien sûr au marché et au journalisme. […] Cette collusion anéantie également, tous les rêves et les idéaux grâce auxquels les journalistes se sont engagés dans cette vocation. L'humanité future considèrera sans doute les quelques décennies autour de l'an 2000, comme un vaste retour à la propagande… »
L'atlantisme en France :
Le courant atlantiste qui s'est enraciné en France dans les années 80 avec la Fondation Saint Simon, un think tank à la française qui n'était pas sans lien avec la CIA, comme le décrit l'historique documenté de Denis Boneau, publié en 2004. Un des buts premiers de cette fondation dont la figure médiatique était Alain Minc consistait à infiltrer la gauche française afin de la convertir aux bienfaits du libéralisme économique. Parmi ses membres ont figuré nombre de responsables de presse ou de personnalités qui sont aujourd'hui d'incontournables leaders d'opinion : Laurent Joffrin (actuel directeur du Nouvel Observateur), Franz-Olivier Giesbert (actuel directeur du Point), Serge July (Fondateur de Libération), Jean Daniel, Jean-Pierre Elkabbach, Christine Ockrent, Bernard Kouchner, Michel Cotta, Alain Finkielkraut… On y trouvait aussi de hauts dirigeants de l'économie qui faisaient tout le charme feutré de ce « cercle de la raison » comme le nommait Alain Minc : Antoine Riboud, Christian Blanc ou Jean-Luc Lagardère… Un délicieux cocktail de cadors tout à fait caractéristique ce cette « collusion entre journalistes, marchés et politiques » que décrypte La mécanique universelle. La Fondation Saint Simon dissoute en 1999 a suscité l'émergence d'autres « groupes de réflexion » du même tonneau dont « Le Siècle » est aujourd'hui le spécimen le plus représentatif de son espèce. Et le courant atlantiste n'a fait que prendre toujours plus d'importance ces dix dernières années jusqu'à constituer aujourd'hui l'axe d'une pensée unique, particulièrement sur la question du 11-Septembre, à gauche comme à droite, du Canard Enchaîné jusqu'au Figaro, en passant par la plupart des titres de presse, les radios, les télés publiques ou privées en France.
La pensée atlantiste pose les États-Unis au centre du monde, en modèle de vertu démocratique pour le reste de la planète, alors que les dirigeants de ce pays mènent une politique impérialiste arrogante et insatiable. On est en droit de penser qu'une partie non négligeable des prosélytes atlantistes installés au sein des rédactions sait parfaitement ce qu'il en est du 11-Septembre, et cette partie sait que cet événement lui a permis de forcer le courant en Europe et plus particulièrement en France, mais que le 11-Septembre et la charge des anomalies qui pèsent sur la version officielle, constitue aussi son point faible. Alors les soldats de cette mouvance conquérante attaquent encore et encore… Et ils attaqueront toujours plus durement, car leur position ne leur autorise pas d'autre issue.
Pourtant, quelque chose de vain apparaît dans la répétition incessante de cette manœuvre improbable. Car elle s'effectue dans le cadre d'un profond mépris pour les citoyens français (le sondage effectué cette année par HEC pour ReOpen911 montre que moins d'un tiers des personnes interrogées adhère à la version officielle des attentats du 11-Septembre). Et de ce fait, c'est aussi méprisant pour les lecteurs mêmes du magazine Le Point.
Quelle que soit la propagande que relayent les médias grand public, le 11-Septembre reste un révélateur pour tous ceux qui défendent le droit à la vérité. Et la somme des mensonges soutenus sur le 11-Septembre offre aux citoyens une opportunité de découvrir la logique qui anime ces médias corporatistes, aujourd'hui à la botte du pouvoir de la finance mondiale bouclée à Wall Street et tenue par une oligarchie qui dévore toutes les richesses du monde, le corps de nos démocraties et l'esprit des Lumières. Ainsi, pour servir ce système au bénéfice d'une puissance étrangère et contre l'intérêt des citoyens de notre pays, fonctionne la logique des atlantistes et de ce qu'il est convenu d'appeler une élite intellectuelle au sein des médias français. Une logique de collabos.
* Les articles parus dans Le Point du 1er décembre 2011 :
Strauss-Kahn a-t-il été piégé ? Les obsédés du complot
La nouvelle vague conspirationniste
11 Septembre, ils sont tombés dans le piège complotiste
« On flatte les gens dans leurs croyances »
Taguieff décode la théorie du complot
** Pour une critique plus détaillée du contenu même du magazine, je relaie ici l'analyse pertinente de Buzz l'éclair :
« Le Point utilise un titre tapageur pour vendre son torchon : Les Obsédés du complot / Les négationnistes du 11 septembre 2001. Mais ils se dispensent bien de mettre derrière ces mots des arguments qui les justifient, c'est un effet d'accroche. Rien dans leur dossier ne vient expliquer l'emploi de tels mots. Et rien ne s'adresse aux faits, on peut chercher, il n'y a rien, rien, rien. A l'image de l'émission Service Public de France Inter du 2 novembre, tout part du principe qu'une classe particulière de personnes de plus en plus large se met à croire aux complots, sorte de déviance de la société en perte de confiance. La question est donc traitée d'un point de vue social et absolument pas sur l'étude des faits qui valideraient ou invalideraient une thèse ou une autre (thèse officielle incluse).
On remarquera par contre que le discours se fait de plus en plus précis et construit, on ne se contente plus de traiter sèchement le mouvement avec quelques noms invalidants comme conspirationniste ou complotiste, ou bien de suggérer leur antisémitisme et leur anti-américanisme, mais on va chercher à analyser la construction d'une pensée conspirationniste comme un effet de société qui mérite toute l'intention paternaliste de nos journalistes / intellectuels. Les comparaisons entre ce numéro du Point et l'émission de France Inter sont tout à fait saisissantes, et on peut y voir un réel effort de mise en forme quand il suffisait avant de jouer sur la diabolisation […] Mais en dehors de ça, c'est toujours un peu les mêmes ingrédients qu'on affine et qu'on assemble pour engendrer un discrédit total sans jamais parler des faits : comparaison avec la Lune, Lady Di et autres histoires « louches », utilisation des « people », une dose d'antisémitisme par ci un brin d'anti-américanisme par là, faites une allusion aux juifs, Thierry Meyssan, Dylan Avery, et voilà, le tour est joué !
Où sont les faits ? Et bien ça n'intéresse personne apparemment, mais cela mériterait également analyse : le journalisme est devenu un métier de communiquant, voire de propagandiste, où tout se base sur la confiance du discours dans la validation hiérarchique de l'information et non dans la démonstration. »
*** Laurent Joffrin est un des défenseurs les plus zélés de la théorie officielle des attentats du 11-Septembre, délivrée par l'administration Bush.
Iconographie : Les détournements d'affiches de propagande qui illustrent cet article sont l’œuvre de Micah Wright (The Propaganda Remix Project). Traduction des slogans :
1. « Vous écrivez ce qui vous est demandé ! Merci, les médias corporatistes ! Sans vous, nous ne pourrions pas contrôler le peuple. »
2. « Nous aurons toujours une autre guerre dans notre manche. Notre économie tirée par l'activité militaire a besoin de la guerre pour survivre ! »
3. « Patriotisme - Renflouez les banques, elles agiront pour vous ! Renflouez vos milliardaires ! »
4. « Eh vous, arrêtez de poser des questions ! Ou alors on vous placera en détention permanente. »
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