Assassinat d’un journaliste français dans la plus complète et honteuse indifférence
Grégoire de Bourgues, vous connaissez ? Sans doute pas, mais rassurez-vous, le site des Affaires étrangères non plus. Par contre, si vous tapez Florence Aubenas, par exemple, c’est une autre affaire... Quel rapport, me demanderez-vous ? Le 2 août 2006 à Almaty au Kazakhstan, ce jeune journaliste français de 24 ans a été enlevé, torturé puis assassiné dans des circonstances épouvantables. Pourtant, silence radio de la diplomatie française. Nous ne connaissions pas ce jeune homme, mais une de nos proches, qui était à l’Université de Dauphine avec lui, nous a raconté son histoire ce week-end. Nous ne savons rien de ce qu’étaient ses opinions politiques ou religieuses, et d’ailleurs ça nous est complètement égal. Tout ce que nous savons, c’est que 24 ans, ce n’est pas un âge pour mourir, et que toute cette histoire n’est pas nette. Alors, message à celles et ceux qui se sentiront concernés, un petit coup de buzz ne ferait pas de mal, histoire que les médias officiels et le Quai d’Orsay s’excitent un petit peu, histoire de savoir ce qui s’est vraiment passé ce jour-là.
Une petite dépêche Associated Press sur le site du Nouvel Observateur, mais néant complet sur ceux du Monde, du Figaro et de Libération. Pourtant j’avais cru comprendre que quand Aubenas, Malbrunot et consorts s’étaient fait enlever en Irak, c’était notre liberté à tous qui était menacée. Il faut croire que quand l’on n’appartient pas à la crème de la consensuelle presse parisienne, on n’est pas grand-chose dans le monde journalistique. Pourtant, et sauf erreur de ma part (dont je m’excuse par avance car je ne veux blesser personne), il n’y a plus eu de journaliste français tué en faisant son travail depuis Patrick Bourrat de TF1 en Irak en 2002. Alors voici un fait divers majeur complètement occulté par les autorités. Reste à savoir pourquoi.
Ce qui est certain, c’est que les circonstances sont plus qu’obscures comme en témoigne le compte rendu de Reporter Sans Frontières :
"Reporters sans frontières s’émeut de l’assassinat du journaliste français Grégoire de Bourgues, survenu le 2 août 2006 à Almaty, au Kazakhstan. Agé de 24 ans, il était au Kazakhstan depuisle 22 avril 2006. Il travaillait comme conseiller éditorial pour une société spécialisée dans les publi-reportages, SML Strategic Media. La direction, basée à Athènes, l’avait envoyé réaliser un publi-reportage de trois mois au Kazakhstan, qui devait ensuite être publié dans la revue américaine Foreign Affairs Magazine. "Nous sommes choqués par cet assassinat. Nous demandons aux autorités kazakhes de faire toute la lumière sur cette sombre affaire. Il est impératif qu’aucune piste ne soit négligée. Nous espérons vivement que les autorités françaises seront associées de manière étroite à l’enquête", a déclaré Reporters sans Frontières. "Nos pensées vont à la famille du journaliste ainsi qu’à son employeur. Nous leur témoignons toute notre solidarité", a ajouté l’organisation. Le 2 août, aux alentours de 14h30, trois hommes ont surgi, arme au poing, dans l’appartement du journaliste, situé au 4e étage du 143 rue Kurmangazy, à Almaty. Deux d’entre eux étaient masqués, le troisième avait le visage découvert. La traductrice de Grégoire de Bourgues, d’origine kazakhe, était présente dans l’appartement au moment des faits. Après avoir ligoté Grégoire de Bourgues et sa traductrice, les trois hommes ont réclamé, en russe, de l’argent. Leurs victimes n’ont opposé aucune résistance. Les assaillants ont pris l’ordinateur, l’appareil photo numérique ainsi qu’une importante somme d’argent appartenant à Grégoire de Bourgues et leurs téléphones portables. Les agresseurs ont ensuite emmené le journaliste dans sa chambre où ils l’ont mortellement poignardé. La traductrice a pu, une fois les assassins partis, se libérer de ses liens et alerter immédiatement la police. Le corps de Grégoire de Bourgues se trouve actuellement à la morgue d’Almaty. Une autopsie a révélé que le jeune homme avait d’abord subi une tentative destrangulation. Son corps doit être rapatrié dans le courant de la semaine prochaine à Paris.Grégoire de Bourgues avait rencontré, pendant toute la durée de son séjour, des hommes d’affaires, de hauts responsables du gouvernement, du parlement, et de l’administration du pays dans le cadre de son publi-reportage. Le jour de son assassinat, le jeune français devait quitter le Kazakhstan pour la Grèce afin de rendre compte de son travail, avant de rentrer en France."
Crime crapuleux et sauvage dans un ex-pays soviétique pourrait-on dire. Peut-être. Mais dans ce cas, et quitte à se la jouer barbare, pourquoi laisser un témoin derrière, en la personne de la traductrice ? L’ordinateur et l’appareil photo ont au passage disparu, et le jeune homme a été torturé. Alors certes de l’argent a disparu, mais le cœur de l’affaire semble bien être une ou des informations qu’il fallait récupérer, ou faire disparaître, concernant je vous le donne en mille, des hommes politiques haut placés. Jetez donc un coup d’œil à l’article suivant trouvé sur Eurasian.net. La veille de on départ, il semble qu’il se soit vu remettre un dossier, d’où ce meurtre précipité. Et s’il s’agissait juste d’un meurtre crapuleux, banal et fréquent dans cette région, pourquoi le Quai d’Orsay se terrerait-il dans le mutisme ? Y aurait-il des relations à préserver ?
On sait que Grégoire de Bourgues, formé à Dauphine, préparait un article sur la croissance au Kazakhstan et sur les opportunités d’investissement dans ce pays. Il n’était donc pas a priori à la recherche de "matériau brûlant", ce qui ne veut pas dire qu’il n’en ait pas trouvé, ou qu’on ne lui en ait pas remis. Car, par exemple, le coût de la corruption administrative et politique est un frein parfois fatal à l’investissement. Et un environnement politique malsain (voir sur le site de RSF le rapport sur le Kazakhstan) et peu "journalist friendly" n’y aide pas forcément non plus.
Nous restons donc en veille sur ce sujet, et effectuerons des recherches supplémentaires
pour vous tenir au courant. N’hésitez pas, d’autre part, à faire
suivre cet article autour de vous. Ca ne mange pas de pain, et à coup sûr,
faire un peu de bruit sur le sujet en agacera certains au Kazakhstan et en
France. En attendant, nous tenons à témoigner notre sympathie à sa
famille, à ses proches et à ses amis.
Julius G. et les Antifadas
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