Buddy est toujours mon ami
En ce cinquantième anniversaire jour pour jour de la mort de Buddy Holly, ne comptez pas sur moi pour vous refaire une page de Wikipedia. Buddy Holly en a pas mal, de pages internet à son nom, et vous aurez largement le temps de les découvrir dans les jours à venir, ou de visiter sur la toile son musée, car, il faut l’espérer, les hommages qui lui seront rendus seront nombreux. Non, moi, ce qui m’intéresse, cinquante ans après, c’est simple, c’est le son qu’il avait. C’est simple en effet : à l’époque des tous débuts du rock’n’roll, en dehors de Presley on avait quoi ? Bill Haley, avec son orchestre à contrebasse, au son cafouilleux fort reconnaissable, son accroche-cœur et son costard de Mr Loyal, son guitariste plus jazzy que rock, et deux phénomènes particuliers : Eddie Cochran, toujours avec contrebasse et avec guitare séche et guitare électrique mêlées, et une voix bien rauque, ses riffs de grosse Gretsch en bandoulière, bien rageurs, et notre dégingandé à lunettes au look d’étudiant attardé, j’ai nommé le rockeur propret à lunettes, ce bon Holley, devenu Holly sur scène, au son si reconnaissable.

C’est amusant : je ne suis pas de cette génération des tous débuts du rock (je veux bien être vieux mais pas à ce point !) : quand Presley débute, j’ai à peine 3 ans. Non, moi, je ne découvrirais la musique pas avant 1965, disons, à quatorze ans. Enfin, le rock, et non pas Tino Rossi (ah Noël, quel martyr musical ça a été !). Et donc découvrirais plus tard encore Cochran et Holly surtout grâce à des plus grands que moi, toujours là pour vous faire le coup du "écoutes, gamin, tes trucs de sauvage ou de gonzesses, là, les Beatles, c’est bien, mais avant , il y avait ça et c’était mieux". Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais quand vous commencez à entrer dans ce qui va faire votre univers musical, que vous n’y pigez rien et avancez dedans au pifomètre, il y en a toujours pour vous dire que ce qui se fait au moment où vous écoutez n’est pas aussi bien que ce qu’il a pu y avoir auparavant. C’est comme ça, c’est tout, et il faut faire avec. Je n’ai jamais voulu en raison de ça influer sur mon fils aîné, et ne jamais l’orienter musicalement. L’année dernière,à 18 balais, il s’est offert sa Squier et son petit combo, et ça m’a bien fait plaisir, remarquez... il écoute et m’a fait découvrir les Black Keys, qui vont enregistrer avec ...ZZ Top, (avec Gibbons et la gratte de Bo Diddley revue et corrigée) et je trouve ça... enthousiasmant !
Moi, ma première découverte véritable, en dehors du rock, en 1965, c’est.. Otis Redding... et les Beach Boys (ça c’est avant la révolution LedZeppelin, vous comprendrez pouquoi j’aime autant les amplis, les LesPaul et les Fender, et n’écoute que fort peu de musique classique, sauf des cas particuliers comme Gottschalk). Oui je sais, je les collectionne un peu les chanteurs morts en avion : j’adore aussi Lynyrd Skynyrd, par exemple. Je ne tomberai donc pas tout de suite sur Holly et Cochran (mort en taxi !). Sauf qu’en 1966, à l’occasion de l’inauguration d’une maison des jeunes de mon petit patelin (3000 habitants), on va me mettre sous le nez deux disques. Un disque Coral, avec ce bonhomme à lunettes, et un disque Mercury, avec ce chanteur à guitare à corps assez volumineux (une Gretsch) et pantalon large. Et comme déjà j’adore le son, les deux me branchent, mais je préfère tout de suite nettement le premier. Ses enregistrements me paraissent plus clairs, son son plus cristallin, sa contrebasse... plus électrique (en fait en studio c’était plus souvent une acoustique pourtant !). Bill Haley ne me fera rien du tout, en comparaison. Déjà trop "variété", je ne sais, le son de sax mal enregistré, je ne sais... les seuls à me faire une même impression de clarté, ce seront évidemment les Shadows. LE premier combo rock (guitare solo, guitare d’accompagnement, basse électrique et batterie) au son extrêmement clair : pour l’anecdote, j’irais écouter ça chez un garçon de mon patelin un peu plus âgé, qui avait pour passion l’astronomie, une passion qu’il ma gentiment fait partager : il avait fondé un club, et à cette époque où les villages n’étaient pas aussi éclairés que maintenant, on pouvait passer des soirées entières à regarder les étoiles... au fond de son jardin, dans le noir complet, en écoutant en fond musical Shazam ou FBI (et son "jeu de scène" !) qu’on remettait 15 fois... à se marrer à chaque à faire découvrir aux nouveaux venus dans le club que le solo de batterie de "Big B" était plus court que celui de "Little B"... Bref, de très très bon moments d’initiation musicale et interplanétaire !
Revenons à notre guitariste chanteur à lunettes. De même qu’il existera toujours la querelle des anciens et des modernes ou des Beatles (que j’aime) et des Rolling Stones (que je n’aime pas trop !), très vite je choisirais, face à Cochran, ou même Presley... Buddy Holly. Pourquoi ? Oh, son look plus ordinaire peut-être, ou son caractère doux, visible sur scène, car je n’apprécie pas trop les artistes qui s’évertuent à trop bouger. (je ne vous raconte pas mon calvaire actuel avec les actuelles chanteuses-hurleuses- trémoussantes !)... en jouant, ce look d’étudiant attardé gentil bonhomme, sans doute. Mais aussi un son.. que j’apprécie énormément : guitare solo, accompagnement et enregistrement de la voix, tout me plaît chez Holly. Sa vie sans éclats, aussi, à tout dire, son admirable épouse Maria Elena... "Fifty years after Buddy passed on his music is still alive. His fans have stayed loyal and he’ll always be remembered."That’s something I take great comfort from.Losing him was heartbreaking.I’m thrilled his music is still played and enjoyed all over the world. It means Buddy didn’t die in vain." Les seuls qui me referont le même effet, question mélodies bien torchées qui tiennent en deux minutes chrono (les morceaux étaient courts pour passer plus facilement à la radio) se seront les Everly Brothers, dont l’album de reformation constitue pour moi un grand moment musical (avec Albert Lee à la gratte, ceci explique aussi cela !). On oubliera vite la tentative de son producteur d’en faire un crooner : pas tout à fait son genre, visiblement. Holly, comme le dit Maria ; 50 ans après était tout simplement un homme... extrêmement... simple : "Buddy was not the kind of person to boast about his success. He never saw himself as a superstar. He was just happy he was so prolific with his songwriting and that he was being accepted. "He knew exactly what he wanted to do and in which direction he wanted his career to go. He was a very modest man, it was never a case of look who I am. "If he were alive today I think he would still have been writing songs and making music. He wanted to get involved in all facets of the industry."
Notre Holley, intéressé par la technique musicale, avait donc le "son". Oui, mais comment le fabriquait-il, ce son ??? Essentiellemet par un choix de guitares somme toute restreint, mais qui mérite qu’on s’y arrête. Tout d’abord, il faut savoir que Holley jouait aussi du banjo et de la mandoline à ses heures. La seconde explique peut-être pourquoi dans tous ses morceaux, il s’amuse aussi souvent à faire l’accompagnateur davantage que le soliste. C’est ça aussi que j’aime : de même que dans le Grateful Dead j’apprécie presque plus Bob Weir que Jerry Garcia : pour moi, l’âme d’un morceau c’est l’accompagnement, pas obligatoirement le solo : et ça, je suis persuadé que ça me vient de l’écoute de Holley. Buddy a aussi tâté d’un autre engin au son bien à part : au tout début de sa carrière, son frangin Travis s’était fait offrir un dobro... un instrument à son métallique, qui peut être à l’origine du goût de Holley pour les sons plus aigus. En fait, sa toute première guitare sera une Gibson J-45, avec laquelle d’ailleurs il enregistrera son tout premier 45 tours chez Decca. Et qu’il décorera lui-même façon texane. Ses premiers titres chez Brunswick et Coral seront joués sur cet instrument. En 1957, le succès aidant, il s’achète une rolls : la Guild Navarre (celle de Scooty Moore), à l’époque très prisée, qui ressemble assez en fait à la Gibson J200 de son ami Bob Montgomery. Il jouera avec un bon nombre de gigs, dont plusieurs avec ces potes des Everly Brothers, justement.
Mais Holly est de la génération "électrifiée" : il commence comme beaucoup à l’époque par la seule disponible ou presque : une (lourde) Les Paul Gibson, modèle... doré. IL ne resterait qu’une seule photo l’attestant, mais je n’ai pas pu vous la retrouver. Mais très vite, le son Holley va se révéler dans l’achat d’une Fender Stratocaster, en 1955, l’instrument qui va en fait lui donner ce son si particulier que les européens vont longtemps chercher à apprivoiser : pour ça, ils devront attendre 1958, et les premières ventes à l’étranger de Strats : Hank Marvin des Shadows, sera un des tous premiers fournis. C’est fou ce qu’on a du mal à imaginer aujourd’hui à quel point ils étaient pionniers, tous ces artistes ou tous ses groupes à jouer sur des matériels qui venaient juste d’être inventés ! Des "Strats", Holley en aura en tout cinq, dans sa (trop courte) carrière. Celle achetée et offerte par son frangin Larry, qu’il gardera 2 ans, avant de se la faire voler lors de l’énorme tournée de 80 jours des Crickets en 1957. C’est cette guitare que vous voyez aujourd’hui sur les vidéos où il est l’invité du Ed Sullivan Show. Il l’emportera dans sa tournée en Angleterre. Mais là encore, de retour au Texas, il se la fera voler, début 1958, le 9 avril exactement, toujours lors d’une tournée. Le 15 du même mois, sa remplaçante se fait aussi embarquer à St Louis (Missouri) cette fois. Les petits fûtés se sont aperçus de l’apparition du modèle N°4 au fait que sur ce modèle, Holley avait enlevé les capots des micros de la guitare. Ce faisant, il avait alors agi comme tous les guitaristes, qui trouvaient que ces fichus capots c’était peut être joli mais une vraie plaie quand il s’agissait de remplacer les cordes de la guitare. Cette guitare, de couleur "Sunburst", est aujourd’hui exposée au musée Buddy Holly de Lubbock, et porte le n°028228.
La dernière Strat (blanche) est un cadeau de la firme Fender, bien consciente du potentiel publicitaire du lunetté. La firme lui aurait aussi offert ce jour là deux amplis Fender. Car le son Buddy, c’est aussi l’ampli qui le fait : son tout premier ampli a été un Fender Pro. Il le baladera partout. Sur scène ou en studio, des tas de clichés en font preuve. Mais sur scène, pour avoir plus de son, il prit l’habitude de jouer sur Fender Bassman, sorti en 1959, au haut-parleur beaucoup plus imposant. C’est assez surprenant, car comme son nom l’indique, c’est un ampli destiné à la basse ! En fait, il jouait alors sur le même ampli que son bassiste : Waylon Jennings, oui le fondateur des "Outlaws" de Memphis, ceux qui se sont opposés en textes à la pensée dominante de cow-boys sans cervelles. Vous comprenez pourquoi je les apprécie ces Outlaws, avec mon descendant d’indien préféré, Willie Nelson, l’un des rares hommes de gauche aux USA. Les rares autres amplis utiisés furent un Gibson Stereo GA et un Magnatone 280. Ce dernier était l’un des rares à l’époque à avoir un vibrato intégré. On peut en entendre les effets saisissants sur les "alternatives takes" d’un de ses titres phares : "Slippin and Sliddin".
Des effets simples, qui ne sont aucunement dus au re-recording. Car si l’ingénieur du son des Beatles qui va inventer le 8 pistes en accolant deux têtes de magnéto l’une sur l’autre et en faisant défiler devant une bande magnétique plus large d’appareil vidéo réalise une invention véritable, il tue en même une forme d’enregistrement direct. Le 8 pistes qui a servi a faire Sergent Pepper’s, ce monument, est en même temps une invention magnifique et en même temps le début d’un enfer musical sans fond. A partir de là on ne va cesser "d’overdubber", et le son va s’aplanir, pour mouvoir mixer tous ces instruments ajoutés, comme le dit si bien ce blog qui nous montre avec quoi le rock des débuts a été enregistré : avec des pré-amplis à 4 entrées maxi... "You want to make a recording of your band that has the quality of a Buddy Holly song ? Get 4 Neumann microphones, feed through a small tube mixer like my Ampex MX-35 below onto an Ampex 350-2, live. Play it back. There you have it". Rien que ça, et même pas des Neuman comme micros, pour ce bon Buddy. Tout est à tubes, le transistor n’a pas encore envahi les studios à la mort de Buddy Holly, loin s’en faut.. l’Ampex est roi. Seul Lennon pensera à se souvenir de l’époque qui a bercé sa jeunesse, avec de fort belles adaptations, dont une magnifique Peggy Sue, moqueuse et respectueuse à la fois. Pour l’anecdote, en 1980, certains redécouvritont le charme des prises en gravure directe, sans aucun mixage ou presque, sur des albums vinyls plus lourds et plus rigides (plus chargés en carbone), gravés en demi-vitesse : de pures merveilles de prise de son, que n’égalera jamais le CD, même au format DVD "plein pot".
Question cordes, ce n’est pas comme aujourd’hui : à l’époque, il n’ avait qu’un seul modèle, des Black Diamonds. Et pour que sa voix passe mieux que sur scène où il n’y avait que des horribles Shure 55 Unidyne, il tenait à utiliser des micros Telefunken, l’écho sur sa voix sortant d’un Binson Echorex. Voilà, vous savez quelle alchimie somme toute assez simple se cachait derrière ce guitariste amène à la vie bien tranquille et qui aurait pu avoir une bien plus belle carrière si une stupide tempête de neige n’avait plaqué au sol le Beechcraft Bonanza qui le transportait, lui, Richie Valens et le Big Bopper, en ce funeste 3 février 1959... Bruce Springsteen, qui l’avait fortuitement croisé un jour de 1958 chez Peer-Southern Music Publishing, pour le saluer, a dit un jour de lui "That keeps me honest." Il en manque, sérieusement, des Buddy Holly en ce moment...
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