Contre la licence globale !
On parle beaucoup, ces jours-ci, des droits des artistes, auteurs, compositeurs, interprètes, musiciens, producteurs et éditeurs, dans l’univers numérique, et la licence globale fait polémique.
De quoi parle-t-on ?
- Une loi de 1957, qui protège les droits des auteurs et des compositeurs
- Une loi de 1985 : (Loi Lang), complément qui vient créer les droits voisins (ceux des artistes interprètes et des producteurs)
L’évolution technologique rend nécessaire une adaptation de ces lois au contexte du numérique. Cette adaptation a été réalisée en 2001 par le biais d’une directive européenne qui, pour diverses raisons politiques, n’a pas encore été transposée dans le droit français, alors qu’elle l’a été dans 23 pays sur les 25 de l’Union européenne.
Du fait de ce retard, la France a été condamnée par les instances européennes, ce qui a conduit le gouvernement à décider l’urgence de la procédure parlementaire.
Que dit la directive ?
Elle autorise à protéger les œuvres dans l’univers numérique, par l’utilisation de mesures techniques adéquates.
Ces “mesures techniques” sont des outils communément dénommés “DRM”. Elles permettent de protéger les œuvres contre des usages non autorisés.
Ces outils peuvent être installés sur des supports physiques (DVD, CD...) pour empêcher le piratage, ou sur des fichiers numériques pour permettre le commerce électronique et la répartition des droits.
Néanmoins, ces systèmes doivent permettre (comme le précise déjà la loi française) la copie à titre privé, pour un usage personnel.
Le craquage de ces outils donne lieu à une sanction pénale.
Transposition de la directive dans le droit français.
La loi de transposition, telle que discutée avec les différents partenaires et présentée à l’Assemblée, respecte les termes et l’esprit de la directive. Le problème posé aujourd’hui vient d’amendements proposés par quelques députés, dont les plus graves concernent la “licence globale”.
Qu’est-ce que la licence globale ?
L’internaute, moyennant un supplément (modique, estimé par ceux qui le proposent entre 2 et 6,90 euros) à son abonnement, obtient le droit de télécharger (download) et de diffuser librement sur Internet (upload), de façon illimitée, tout type d’œuvres, notamment les œuvres musicales, cinématographiques, littéraires, graphiques, les jeux, etc.
Ce système est optionnel pour l’internaute, qui choisit ou non l’option "licence globale", et donc son paiement. Son fournisseur d’accès est chargé de percevoir cette redevance et de la reverser à une société de gestion collective, qui la reverse aux sociétés de gestion collective existantes, avant qu’elle ne soit enfin reversée aux ayants droit de la musique, du cinéma, des arts graphiques et littéraires, etc. Je vous rappelle qu’il y a plus de 22 sociétés de gestion desdits droits en France, et qu’un artiste met en moyenne 18 mois pour toucher son dû auprès de la SACEM !
Les artistes se voient ainsi expropriés de leurs droits sur leurs œuvres contre une rémunération forfaitaire dérisoire, et ceci au profit de la liberté de consommation des internautes.
Pourquoi la licence globale menace-t-elle la création ?
I - Une rémunération indécente des créateurs et des producteurs : un système non viable économiquement.
La rémunération générée par la licence globale ne permettra pas de continuer à produire, car elle est sans commune mesure avec l’investissement nécessaire. Un tel système tuera dans l’oeuf la prise de risque et la création.
La licence globale reprend le modèle de la licence légale, qui a été conçue spécifiquement pour la radio, dans un cadre extrêmement régulé, limité, et en partie promotionnel. La licence légale ne génère que des revenus résiduels.
Un tel modèle ne peut pas être appliqué à la consommation des œuvres sur Internet, qui se substitue à la consommation des supports physiques.
Pourquoi les industries culturelles seraient-elles soumises à une rémunération par un système de paiement forfaitaire, alors que toute
autre industrie est libre de fixer le prix de ses produits, et de
récolter les recettes de son travail ?
L’Internet constitue le réseau d’avenir pour la diffusion et la distribution des œuvres. C’est justement pourquoi il faut lui donner un cadre légal qui permette l’expansion et la création de modèles innovants (vente en ligne, P2P monétisé...), qui, eux, maintiennent une rémunération juste et directe des artistes.
II - Le système de licence globale touche à l’intégrité de l’œuvre.
Créateurs et producteurs perdent le pouvoir de décision quant à la mise à disposition ou non d’une œuvre.
La licence globale nie le droit moral des créateurs, ces derniers ne pouvant plus contrôler ni la qualité, ni le format, ni la circulation de leurs œuvres.
III - Un mécanisme irréaliste.
- Il serait impossible de répartir ce prélèvement forfaitaire entre les ayants droit, compte tenu des milliards de fichiers (musiques, films, logiciels, jeux vidéos, livres, photos...) qui seraient échangés sans limite sur les réseaux du monde entier. Comment va-t-on distinguer les fichiers échangés ? La Chine a pourtant démontré qu’il n’était pas possible de filtrer Internet de manière viable.
- La licence globale est optionnelle : comment vérifier qu’un internaute ayant choisi de ne pas régler son abonnement "licence globale" ne téléchargera pas ? Pourquoi payer une option, alors que techniquement rien n’empêche de se servir en toute liberté, et gratuitement ?
- Un mécanisme de licence globale serait anticonstitutionnel, contraire à la directive européenne et aux traités internationaux signés par la France en matière de protection des oeuvres littéraires et artistiques.
CONCLUSION
Ces amendements, qui assimilent le téléchargement d’une œuvre, depuis Internet à de la copie privée, autorisent “l’industrialisation” de la copie privée et la mondialisation du pillage légal.
Mais c’est surtout l’arbre qui cache la forêt des lobbies qui se battent afin de se garantir une part toujours croissante, sur le dos de la création.
Les contrats d’auteurs sont totalement inadaptés à la mondialisation découlant d’Internet, et obsolètes en termes de droits d’utilisation des oeuvres.
Le système de la licence globale à la Yahoo ! Music ou Napster est l’avenir, dans la mesure où il est possible d’identifier ce qui est effectivement téléchargé, afin d’effectuer une juste rétribution, au téléchargement près, aux véritables ayants droit. Ce qui implique de facto l’utilisation de DRM garant de la juste rétribution de l’auteur, en fonction de l’utilisation faite de son oeuvre.
Il est logique et cela va dans le sens de l’évolution liée au nouvelles technologies, que tout comme je m’acquitte chaque mois d’un abonnement forfaitaire et mensuel pour mon téléphone fixe, pour Internet, le satellite, le câble, mon téléphone portable, mon vidéo club, je me retrouve avec un abonnement forfaitaire et mensuel me donnant accès à plus ou moins de contenu, en fonction des offres.
L’industrie du disque et celle du film (ce dernier emboîtant le pas aux erreurs du premier) vont devoir se comporter comme le Phénix : mourir, pour mieux renaître de leurs cendres !
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