Jeux vidéo : un simulateur de chef d’Etat très réaliste
Le studio français Eversim a mis en vente le 16 mars un simulateur de chef d’Etat très réaliste, Mission Président.

Las de subir, chaque jour, la tyrannie des sondages ? De ne voir dans la « démocratie participative » que la dernière récupération marketing de la classe politique ? Jouer à Mission Président, dernière simulation politique en date, sera peut être une bonne réforme. Des bases de données extrêmement détaillées sur chacun des pays du globe... La retranscription sur le terrain ludique des spécificités politiques, économiques et sociales de chaque Etat. Mission Président tiendrait autant du serious game réussi que d’une géopolitique érudite. Tout est-il pour le mieux dans le meilleur des mondes globalisés ? Certes, non.
Outre la participation de l’armée
française à hauteur de 30 000 euros dans la réalisation du jeu, la
jaquette du titre s’autorise, en ombres chinoises, le pronostic d’un
second tour Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy (voir photo).
De
manière moins anecdotique, le jeu déploie une vision purement
machiavélique - et non machiavélienne - des fins politiques. Si le chef
d’Etat tient à la fois « du lion et du renard », son ambition n’est mue
que par son maintien au pouvoir.
« S’il est possible de commanditer des assassinats de personnalités, de cambrioler le QG d’un parti ou encore d’appliquer une politique totalitaire (au risque d’ailleurs de voir sa popularité fortement affectée), il est impossible de torturer qui que ce soit, de perpétrer un crime contre l’humanité ou encore de construire des camps de concentration », se défendent les auteurs.
Le
jeu, à défaut de déterminer plusieurs fins, propose une débauche de
moyens. Degré zéro de la politique, les développeurs n’offrent aux
utilisateurs que la possibilité d’être un animal politique, jamais un
homme ne serait-ce qu’un peu soucieux du bien commun. Pour l’heure offline, c’est seulement confronté à autrui que la simulation politique pourrait véritablement commencer.
Mission président
n’offre également qu’une lecture événementielle de la réalité,
contribuant à une perception mécaniste de l’action politique. Le jeu
entend en effet ponctuer la vie politique d’événements, autant
d’accidents imprévisibles, auxquels le chef de l’Etat doit répondre
dans l’urgence. Dans la vie réelle des hommes politiques, il existe de
telles sollicitations, qui intiment une réaction rapide. Mais elles se
font dans le jeu au détriment de la construction d’une cohérence de sa
politique.
Car
les auteurs ne s’en cachent pas, les catégories d’électeurs, dans le
jeu, sont pensées comme autant de marchés à séduire, de clients à
satisfaire. « Certes, il est tout à fait possible de passer outre
l’avis du peuple et de mener une politique autoritaire mais il est
beaucoup plus confortable de gouverner avec l’assentiment de la masse,
surtout dans un contexte d’échéances électorales [...] Concrètement,
dans Mission Président, le joueur doit donc tenter d’attirer la
sympathie du plus de lobbies possibles. »
Loin
d’être une simulation politique, un laboratoire où l’on mesure sans
dommage l’efficacité de ses mesures, le titre d’Eversim charrie des
présupposés idéologiques douteux. Les auteurs prônent même sans ambage
une privatisation des services publics, à peine voilée. « Une fois
passée la vague d’euphorie provoquée par une série de constructions
d’établissements hospitaliers et de complexes culturels, si le
programme se révèle un gouffre financier, il y a fort à parier que les
mêmes qui faisaient s’envoler votre courbe de popularité quelques mois
avant réclameront votre tête au bout d’une pique... »
Mission Président consacre la politique des effets de manches. Dans la réalité, comme dans le virtuel, il est de bon ton d’être sarkoziste.
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