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Accueil du site > Actualités > Médias > L’hégémonie médiatique de Rupert Murdoch

L’hégémonie médiatique de Rupert Murdoch

L’empire de la presse instauré par Murdoch est loin de faire l’unanimité. Concentration des médias, indépendance de la presse bafouée, News Corporation est sujet à de vives critiques. Enquête sur la disparition de la frontière entre économique et politique, véritable dilemme pour toute publication.

Le déclin de la presse écrite signe inévitablement l’ajout d’une nouvelle composante dans les groupes de presse, à savoir l’insertion des multinationales, en l’occurrence News Corp., dans le capital de la société. Les publications qui ne pouvaient plus subsister par elles-mêmes, à la suite de l’inflation des coûts d’impression, ont dû se résoudre à être rachetées par un grand groupe de presse, plutôt que de se voir mourir. Cette opération ne se fait pas sans contrepartie. En échange d’un capital non négligeable, qui permet au journal de repartir sur de bonnes bases, l’insertion de cette nouvelle entité entraîne la plupart du temps de nouvelles contraintes. Et la première d’entre elles est le plus souvent la modification de la ligne éditoriale du journal, synonyme d’une perte d’indépendance et de liberté pour la publication.

L’ubiquité du politique

Selon un article du Monde du 27 octobre 2007, Rupert Murdoch reconnaît imposer son « contrôle éditorial » sur ses journaux, qui définit le positionnement politique de la publication par rapport à l’actualité. Des convictions rédactionnelles souvent remaniées après le passage du baron de la presse. Et pour cause, en 2003, la totalité des journaux détenus par Murdoch, sans exception, prônent ouvertement être en faveur de la guerre en Irak. Mais au-delà de simples idées personnelles, Murdoch tente d’imposer le fruit de ses relations nouées avec des hommes politiques au fil des années. Des liens qui profitent aux politiciens, loués dans de nombreux journaux de la planète sous le joug de Murdoch. Ce dernier récupère à l’évidence sa part du marché officieux, en général sous forme de contrat. Une commission des médias de la Chambre des Lords est la première à dénoncer ces activités en 2003. De même qu’elle révèle l’assujettissement de la rédaction à l’autorité patronale. Tout au long des années 1980, les publications de Murdoch ont ainsi soutenu avec insistance le mandat du Premier ministre du Royaume-Uni, Margaret Thatcher. Cet appui s’est alors reporté sur Tony Blair et son Parti travailliste (Labour Party), lors des élections pour succéder à Thatcher. Aux États-Unis, les journaux ont davantage manifesté leur soutien envers G. W. Bush lors les élections présidentielles de 2000 comme de 2004. Et le support du régime de la Maison-Blanche est devenu d’autant plus exacerbé lors des opérations militaires en Afghanistan et en Irak. Or, l’étendue du royaume de Murdoch ne se limite pas aux quotidiens. Il possède de nombreuses chaînes de télévision, stations de radio et bien d’autres médias qui sont susceptibles d’influer la population.

Manipulation et ­propagande

Les médias de masse sont indissociables d’un public de masse, qu’importe son âge, sa classe sociale, son média. Lectorat, audimat, la population est un vecteur de diffusion de l’information. Une information qui a pour objectif de contaminer le plus de personnes possible. L’enjeu des médias devient de plus en plus politique. De nombreuses personnalités, hommes de droite en général, et investis dans le secteur de la publicité, de l’information et de la communication, n’hésitent pas à se servir des médias pour peser sur les élections présidentielles. Ou pour obtenir une opinion favorable de la population sur un homme politique. Et c’est de cette manière que le grand public joue le rôle de mouton, prêt à accueillir bouche ouverte une information qui bénéficiera à une minorité, une élite économique et politique. De la désinformation servie sur un plateau. La presse, totalement asservie au pouvoir et aux conditions économiques, suit la tête baissée la nouvelle ligne éditoriale imposée, sans sourcilier. Mis à part la rédaction, les spectateurs et lecteurs sont les premiers à être assujettis. Et en ce sens, Murdoch fait du prosélytisme. Souvent associée à du « bourrage de crâne » ou du « lavage de cerveau », l’information diffusée n’est plus critique ou approfondie. Son utilité première n’est même plus d’informer, mais de servir les intérêts d’une tierce personne. Dans ce cadre, bien d’autres informations ne sont jamais diffusées, mais omises sciemment, car elles peuvent desservir les mêmes intérêts. Ce formatage des esprits peut être associé à une forme de manipulation, voire de propagande. Or, il s’agit d’une habitude qui est aujourd’hui bien ancrée dans nos mœurs. Peu de personnes ont la volonté de s’échapper de cette spirale pour rechercher une information valable et vérifiée. Une manière simple de faire passer un flot d’idées en se servant du plus grand nombre, et ainsi conserver pouvoir et contrôle sur ses propres affaires. Mais où William Randolph Hearst a réussi à corrompre et assouvir les médias, Murdoch rencontre des obstacles, semés par une minorité désireuse d’une presse libre et indépendante.

L’avenir du journalisme

En 2005, le Courrier international s’empare de l’affaire dans un dossier spécial : Empereurs des médias, de Springer à Murdoch. « À mesure que ­des entreprises multinationales s’emparent des moyens d’information et de communication, la concentration des médias s’accroît et, avec elle, les moyens de pression sur le pouvoir politique pour qu’il favorise leurs intérêts économiques. Avec pour conséquence une dégradation de l’information. » Cet unilatéralisme de l’information qui ne laisse plus de place dans l’espace public à l’opposition pour développer ses idées est dangereuse. Alors que la presse devrait être synonyme de démocratie, elle devient farouchement verrouillée et amputée du libre exercice de la critique du pouvoir. Cette censure qui émane de l’influence du politique sur les médias n’est plus le seul moyen de soumettre la population. Les contraintes économiques remplacent peu à peu la volonté d’instaurer une presse indépendante. Il faut faire vendre le plus possible. L’actualité internationale laisse alors place à l’émotionnel, à toute information capable d’engendrer une forte réaction du public. Le moindre article ou la moindre émission qui laisse au spectateur le besoin de développer un esprit critique et prendre du recul par rapport à l’actualité est évincée. L’information est par conséquent censurée, altérée et ne profite plus à la liberté et à l’instruction d’une population désormais docile. Les journalistes français sous le joug des groupes Hachette-Lagardère ou d’Hersant Média peuvent démissionner et recevoir des indemnités s’ils considèrent la ligne éditoriale de la publication changée ou leur liberté d’expression brimée après leur rachat. C’est un droit que les 44 000 personnes qui travaillent sous l’empire de Murdoch ne disposent pas. Le sort du journalisme d’enquête et d’investigation et d’une information libre et indépendante paraît bien incertain. D’où l’importance de créer un média qui soit imperméable à toutes les pressions politiques et économiques des grands groupes de presse. Un média qui réussit à vivre sans publicité. Cette utopie est désormais réalisable avec l’avènement d’internet. Un support sur lequel Murdoch a tenté de s’immiscer avec succès. Mais l’espace public du web, en constante expansion, voit alors fleurir de plus en plus de sites qui revendiquent une presse indépendante. Blogs, forums, la « chasse à l’intox » est omniprésente. En majorité, l’information traitée sur ces sites n’a rien à voir avec du journalisme. Murdoch aura au moins eu le mérite de pousser certaines personnes à chercher des informations où des points de vue s’opposent. Par son étouffante hégémonie qu’il impose aux médias, certains journalistes, de plus en plus nombreux, partent à l’assaut du net, la plume à la main. Des projets voient le jour, avec plus ou moins de succès, et des titres qui se veulent racoleurs. Mais la question du financement revient toujours au devant de la scène. Et le dilemme est cornélien : mettre en place de la publicité, avec les pressions et contraintes qui lui sont inhérentes, ou faire payer l’internaute pour une information soi-disant en libre accès. Ce qui est d’autant plus difficile à mettre en place par la presse écrite, la télévision ou la radio, tant cet espace public est contrôlé. Le débat est à suivre, mais ce siècle, comme le précédent, ne signera pas le déclin de la concentration des médias par des « papivores ». Murdoch en est le plus bel exemple.

Cette analyse a été rédigée dans un cadre universitaire. L’article complet introduit par un portrait de Murdoch, avec ses iconographies, est disponible en format pdf. : http://aym72.free.fr/akymurdoch.pdf

Sources : L’heure de vérité de Rupert Murdoch - Le Monde - 7 août 2007. Rupert Murdoch - Une soif de conquête jamais assouvie - Le Monde - 2 octobre 2007. Rupert Murdoch reconnaît imposer son « contrôle éditorial » sur ses journaux tabloïds - Le Monde - 27 novembre 2007. James Murdoch, conservateur comme papa - Le Monde - 28 décembre 2007. Le groupe News Corp. - Rupert Murdoch - Acrimed. Empire des médias - Courrier international - 2005


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6 réactions à cet article    


  • Didier B Didier B 6 février 2008 15:44

    Murdoch reste une enigme, pour moi !

    D’un coté, les journaux de News Corp ont une politique éditoriale dictée à la fois par Murdoch lui même et par la volonté affichée de vendre, quelque soit le sujet à la une.

    Politiquement, le groupe soutient le libéralisme économique et les hommes politiques qui le mettent en pratique. C’est pour cela qu’on le retrouve derrière G.W. Bush ou Tony Blair. De plus, son réseau télé le plus puissant, Foxnews, est un "nid" pour l’aile droit du parti républicain, aux Etats-Unis.

    Mais, d’un autre coté, 20th Century Fox produit et distribue des films comme "Thank you for smoking" et Fox News est la chaine qui accueille les Simpsons (dont aucun épisode n’a jamais été censuré).

    Une enigme !


    • non666 non666 6 février 2008 16:21

      C’est de la psychologie de masse de base.

      Cela s’appelle la catharsis.

      L’important n’est pas d’avoir une contestation, mais de l’empecher de s’exprimer sur les interets vitaux.

      On doit donc ofrir des instants de totale rebellion, qui feront vivre aux cibles, par delegation, la revolte qui couve. La Catharsis fonctionne sur les pulsions violentes, sexuelles mais aussi politiques.

      L’important n’est pas que tout soit dit , meme de façon cruelle et critique, l’important est , qu’au moment des choix, celui ci soit reduit aux echantillons qu’on a mis en place.

      En 2007 , par exemple, ils nous ont organisés l’election conforme a leur souhait QUE NOUS SOMMES SENSES avoir choisi nous meme.

      Ils ont juste, par le controle des journaux de droite , mis en scene Sarkozy comme seule alternative et ridiculisé ou ringardisé Chirac, lepen, Bayrou, deVilliers et DeVillepin.

      A gauche , le jeu etait encore plus facile, ils ont organisé la mise en celebrité "de la seule qui pouvait battre Sarkozy", ce qui rendais son vote obligatoire pour la gauche-attitude bien pensante.

      Il n’y a pas que murdoch qui agit ainsi.

      les groupes Bouyghes, Lagarderes, Beterlsmann, et consorts ont fait de meme chez nous.

      Dans 3 ans ils feront elire DSK et la victoire apparaitra comme "un coup de balancier du aux excès de la droite de Sarkozy" . Dans la pratique, ce seront encore les memes interets qui seront servis.


    • Forest Ent Forest Ent 6 février 2008 22:41

      Analyse intéressante.


    • patrice69 patrice69 7 février 2008 12:28

      C’est l’habituelle théorie du complot....

      Prenez le temp de lire ceci sur Wikipedia avant de donner foi à n’importe quoi.

      http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_du_complot

      Vous me direz merci après.

       


    • non666 non666 7 février 2008 13:57

      La diffrence entre une théeorie et la réalité, ce sont les faits.

      C’est un fait que Sarkozy a été monté en célébrité par les journaux de ses actuels amis et c’est un fait que ces memes journaux ont organisé la decredibilisation de Chirac, de lepen, de bayrou...

      C’est un fait que le phénomene segolene est sorti de nulle part, qu’elle s’est mise a faire les unes de magazines sur des sujets qui rappelent curieusement celles de Sarkozy(mise en avant de sa vie de femme de famille...)

      C’est un fait que les journaux qui ont organisé cette mise en notoriété sont aussi ceux qui ont affirmé que les français "avaient été volé de l’election auquels ils avaient droit" en 2002.

      Ce qui indique tres clairement que c’est la première fois depuis des années qu’ils ne controlaient pas le résultat sorti des urnes.

      Apres on peut crier a la paranoia.

      C’est la théorie du complot qui dit que les generaux de sadddam Hussein ont été corrompu pour sacrifier leurs troupes contre quelques millions de dollars et l’asile politique aux etats unis ?

      C’est la théorie du complot qui dit que les etats unis ont truffé le siege de l’Otan, le parlement europeen de micros pour connaitre a l’avance la position de leurs alliés ?

      C’est la théorie du complot qui dit que les etats unis ont pousser la junte au pouvoir au chili ?

      C’est la théorie du complot qui dit que le PT est une officine de la CIA ?

      Non, eux aimeraient que nous soyons persuadés que ceux qui disent ça sont des fous paranoiaques.

      Mais ce sont des faits cruellemenbt bien vérifiables.


    • Akyryn 8 février 2008 14:59

      A savoir que sur le plan journalistique, les publications de Murdoch n’ont jamais changé de ligne éditoriale politique. Alors oui, faire du sensationnel pour vendre est une chose, mais c’est encore mieux quand on évite par la même occasion de faire à la place un article qui aurait été plus critique, mais qui aurait dérangé la "main qui nous nourrit".

      Et si on suit ce raisonnement à l’encontre de la 20th, Thanks You For Smoking, très bon film, certes, mais vraiment inoffensif pour le pouvoir en place. Et les Simspons se révèlent quand même être de la satire bas de gamme, quoi que très agréable à regarder. C’est justement par ce biais que consiste le contrôle des moeurs, en diffusant des articles, films ou autres qui se veulent critiques ou engagés alors qu’ils n’effleurent qu’à peine les problèmes inhérents à la société et au pouvoir. Un moyen de donner un semblant de "nourriture de l’esprit"

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