La désinformation de la presse : l’affaire des « nouveaux péchés »
Libération, Le Figaro, Le Monde, Europe 1, Le Nouvel Obs, France-Soir et les milliers de blogs sur le net qui reprennent benoîtement des informations qu’ils lisent sans jamais se donner la peine de les vérifier, tous sont tombés dans le panneau du sensationnalisme : une soi-disant liste de nouveaux péchés capitaux annoncée par l’Eglise catholique.
Des moutons de panurges
Evidemment, quand l’information tombe de Reuters, personne ne veut se donner la peine de la vérifier. On se demande quelle différence il peut y avoir dans ce cas entre un journaliste professionnel, payé pour son travail, et un blogueur qui pompe de l’information, au grand dam de ces médias dit professionnels qui les condamnent et les accusent de vouer les médias traditionnels à la faillite.
Quand on voit leur niveau de professionnalisme, on se demande si ce ne serait pas aussi bien.
Bien sûr, je ne pense pas ce que je dis là, les journalistes, les bons, les vrais, on en a besoin. Mais où sont-ils ?
Existent-ils encore ceux qui vérifient leurs sources, qui vont se renseigner, surtout quand il s’agit d’écrire des choses aussi sensationnelles que "L’Eglise catholique crée de nouveaux péchés capitaux".
On parlerait de la disparition du chat de la mère Gaspard, on pardonnerait au stagiaire qui s’est vu attribué la pige ses imprécisions et de n’avoir pas tenté de s’assurer que les choses s’étaient bien passées comme on le lui dit. Mais, sur des sujets qui font couler autant d’encre dans les forums, les blogs, les commentaires d’articles, on aurait aimé qu’au moins UN journaliste parmi tous ces professionnels fasse correctement son travail.
Las ! Il n’y en a pas un pour racheter l’autre. Tous, ils ont plongé. Pensez-vous ! A mi-mars 2008, il n’y avait pas grand-chose à se mettre sous la dent pour faire vendre son journal ou attirer des lecteurs. Alors raconter que l’Eglise catholique invente de nouveaux péchés capitaux, c’est délectable !
Le pire, c’est que certains journaux (Reuters et la TSR, par exemple) n’hésitent pas à rédiger eux-mêmes l’expression de ces nouveaux péchés, entre guillemets s’il vous plaît, histoire de faire croire à une citation directe du texte... Un texte vers lequel ils auront bien du mal à renvoyer puisqu’aucun document ne paraîtra jamais.
"La Terre tu ne pollueras. Des manipulations génétiques tu te garderas".
Mais où sont-ils allés chercher tout ça ?
Une simple interview
À l’origine, il y avait simplement une interview, celle de Mgr Gianfranco Girotti, du tribunal de la Pénitencerie apostolique, au journal officiel de l’Etat du Vatican, l’Osservatore Romano. Cette interview avait pour objet les cours que le tribunal de la Pénitencerie apostolique comptait donner aux futurs prêtres sur le "for intérieur", c’est-à-dire sur le discernement de la faute et du péché (et la responsabilité de la personne ou non face à ceux-ci).
Dans une continuité avec ce thème, l’évêque poursuit sur les péchés modernes qui rendent l’homme coupable de certains maux plus difficiles à qualifier que les traditionnels péchés capitaux.
L’évêque, en œuvre de pédagogie, décrit donc quelques péchés modernes qui "requièrent une attention accrue".
"Il y a différents secteurs dans lesquels nous relevons des comportements coupables au regard des droits individuels et sociaux", déclare-t-il notamment.
Et de lister divers péchés liés au monde moderne sur lesquels il convient de faire attention, comme la pollution, les manipulations génétiques, les inégalités ainsi que le trafic de drogue ou la pédophilie. Des fautes qui n’ont rien de neuf dans le discours de l’Eglise et dans l’examen des sept péchés capitaux, mais qui pouvaient peut-être paraître flous à leurs auteurs.
Les sept péchés capitaux sont les péchés qui entraînent tous les autres. Ils n’ont rien à voir avec les péchés mortels, qui sont une façon de pécher (matière grave, connaissance et liberté).
Les sept péchés capitaux sont et resteront l’ORGUEIL, la LUXURE, l’ENVIE, l’AVARICE, la COLÈRE, la GOURMANDISE et la PARESSE.
Ces péchés ont été identifiés par saint Augustin comme étant ceux qui conduisent à tous les autres. On retrouvera évidemment ces péchés "tête" dans la liste des fautes recensée par Mgr Gianfranco Girotti.
Des médias qui désinforment
Mais le pire dans ce dérapage mondial, c’est de voir certains journaux ajouter des informations qui ne sont pas du tout tirées des documents initiaux, l’interview du prélat.
On a ainsi vu Reuters ou la TSR citer explicitement deux péchés comme s’ils étaient tirés d’une liste rédigée par l’Eglise, mais on peut citer également France-Soir qui n’hésite pas une seconde à affirmer :
"Le Vatican vient ainsi d’établir de manière très officielle une liste de nouveaux actes répréhensibles par le dogme chrétien."
Il y emploie, à escient, les mots : "très officielle" et "dogme". De quoi garantir séance tenante la véracité et le sérieux de cet article. Or, tout ce que le journal aurait comme source pour prouver ses dires, ce serait une interview dans un journal...
Comme document "très officiel" et expression du "dogme", on fait mieux, surtout quand il s’agit de l’Eglise catholique.
On a l’impression à la lecture de cet article de France-Soir que les journalistes ne savent même pas en vérité d’où provient l’information. Ils l’ont lue quelque part, ils la rédigent aussitôt selon leur cœur, persuadés que, de toute façon, c’est comme ça ! Et persuadés qu’ils en persuaderont les autres.
Comment travaillent les journalistes ? Ne méritent-ils pas finalement, quand on voit de tels bâclages, les sanctions financières qui les atteignent de plein fouet (comme Le Monde en pleine tourmente ces temps-ci), faute de lectorat.
À moins que ce ne soit pour tenter de récupérer leurs lecteurs que ces journaux font du sensationnalisme au détriment de la vérité.
Bah, tant que mentir officiellement n’est pas répréhensible, croyez-moi, ils continueront !
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