Le Monde dénonce la « haine » du père d’une victime du Bataclan, tout en comparant Nick Conrad à Georges Brassens
Le parti pris idéologique des grands médias est bien connu depuis longtemps. Mais il devient de plus en plus voyant. Au point que ça en devient vraiment gênant.
Le 28 septembre, Elise Vincent et Lucie Soullier, journalistes au Monde, ont signé un article intitulé : "Après le Bataclan, un père sur le chemin de la haine" (dans l'édition papier du quotidien du soir, le mot "haine" est écrit en gras).
Il s'ouvre sur ces mots :
Patrick Jardin, qui a perdu sa fille lors des attentats, reste profondément meurtri et apparaît de plus en plus souvent dans les sphères de l’extrême droite.
Il est l’anti-Antoine Leiris. L’inverse de l’ancien journaliste qui ne cesse de crier que nul n’aura sa haine depuis la mort de sa femme, au Bataclan, le 13 novembre 2015. A 65 ans, Patrick Jardin partage la même douleur depuis qu’il a perdu sa fille de 31 ans, le même soir, dans le même attentat. Mais lui conserve sa colère de père. Il la revendique et la brandit, « incapable de pardon », au point qu’il assure avoir écrit à Antoine Leiris, auteur d’une longue lettre ouverte aux terroristes, Vous n’aurez pas ma haine, publiée ensuite chez Fayard. A ceux qui veulent bien prendre le temps de l’écouter, Patrick Jardin répète l’exact contraire : « Moi, j’ai la haine. »
Accusé, levez-vous !
Premier reproche adressé à ce père meurtri : il hait les assassins de sa fille. Il n'a pas eu la grandeur d'âme de leur pardonner. Il n'a pas fait sien le slogan des Bisounours, adressé aux terroristes islamistes qui nous mitraillent : "Vous n'aurez pas ma haine".
Deuxième reproche : ce père a milité contre le concert du rappeur Médine au Bataclan, après que ses accointances islamistes ont été révélées (ce qui n'était pas du goût du Monde). Il a appelé à manifester devant la salle de spectacle le jour du concert. L'homme a finalement eu gain de cause : Médine ne se produira pas au Bataclan (mais au Zénith).
Troisième reproche : Patrick Jardin fricotte, dit-on, avec l'extrême droite. Il s'est en effet rendu sur le plateau de TV Libertés et s'est affiché, le 21 septembre, aux côtés de Karim Ouchikh, du parti Souveraineté, identité et libertés (SIEL), Richard Roudier, leader du groupe identitaire de la Ligue du Midi, Christine Tasin, présidente de Résistance républicaine, et Pierre Cassen, fondateur du site Riposte Laïque.
Lui affirme qu'il a appelé à l’aide tous les politiques, toutes les associations, de gauche comme de droite (y compris Poutou et Mélenchon), pour que l’inacceptable n’ait pas lieu, et les seuls qui lui ont répondu sont, manque de bol, des "islamophobes" et des "haineux".
Patrick Jardin est donc désormais une cible des nouveaux inquisiteurs.
Claude Askolovitch, parmi d'autres, n'a pas manqué de lui donner une petite tape derrière la tête, en l'accusant de s'abandonner à la haine... Lui, dans des circonstances semblables, serait certainement resté de marbre. Stoïque. Voire miséricordieux.
Sa fille Nathalie tuée au Bataclan, Patrick Jardin s'abandonne à la haine et devient un personnage de l'extrême droite. @lemonde raconte un homme émouvant de haine, qu'on ne peut pas aider. La revue de presse @franceinter #le79inter https://t.co/xM1oevBoSh pic.twitter.com/NgPZLJOt94
— claude askolovitch (@askolovitchC) 28 septembre 2018
Une indécence absolue
Patrick Jardin a réagi à l'article du Monde, en ne perdant rien de sa détermination :
#lemonde #lebataclan #nonauconcertdemedine Sachez que quoiqu’il arrive et quoiqu’on puisse dire sur moi JE NE LÂCHERAIS JAMAIS
— patrick Jardin (@patrickJardin3) 28 septembre 2018
Apparemment le fait de ne pas avoir eu de réponse des de la gauche fait de moi un facho....qui est le plus à brimer moi qui défends les français contre l’islamisme radical ou les salopards qui défilent et déposent des bougies lors des attentats et qui ne bougent plus après
— patrick Jardin (@patrickJardin3) 28 septembre 2018
Il a reçu de très nombreux soutiens, dont on peut déplorer qu'ils proviennent, pour l'essentiel, du même camp politique.
Par exemple, Pierre-Yves Rougeyron, fondateur du Cercle Aristote, qui a déclaré sur Facebook :
"Parfois on oublie pourquoi nous leur résistons, mais ils savent nous rafraîchir la mémoire en ne pouvant s'empêcher d'être pleinement ce qu'ils sont : des chiures."
Ou encore le député européen Aymeric Chauprade :
Les misérables ! Et en plus ils se permettent de juger un père noyé par le chagrin parce qu'il a perdu son enfant atrocement massacré. Il aurait dû se résoudre au terrorisme, l'accepter... Le nouveau "clergé" n'a décidément aucune limite dans l'indécence. https://t.co/LkZf0Y3i0A
— Aymeric Chauprade (@a_chauprade) 28 septembre 2018
Pour sa part, Fatiha Boudjahlat, enseignante, engagée pour l'égalité femme-homme et la laïcité, a publié ce message sur Facebook :
Ce qui nous fait détester Le Monde après l’avoir juste méprisé...
Ces journalistes qui déploient des trésors, des monuments, que dis je, des péninsules de compréhension, de complaisance, de paternalisme pour excuser les nouveaux bébés phoques, artistes, militants non blancs dans l’activisme politique de la haine raciale, se retrouvent à sec pour comprendre la douleur d’un père.
C’est qu’il aurait dû en rester au « vous n’aurez pas ma haine ». Il ne fait pas une bonne victime. Il ose exiger, se battre, plutôt que de faire un deuil digne, selon ce que les médias décrètent comme digne : passivité, larmes, pardon, oubli.
Il ose dire que Medine n’a pas sa place au Bataclan. Il ose dire qu’un chanteur islamiste est d’abord islamiste, la chanson n’étant que le véhicule de sa radicalité.
On pardonne beaucoup à certains dans ce pays. On ne pardonne rien à d’autre. Alors qu’il n’y a rien à pardonner. Il n’a pas demandé à ce que sa fille soit assassinée au nom de l’islam. Il a le droit de haïr une idéologie radicale et ceux qui la promeuvent.
Qui l’a abandonné ? Au point qu’il soit représenté, à son corps défendant, par l’extrême droite ?
Le Monde pardonne aux extrémistes islamistes, comprend les terroristes, méprise les victimes des tueurs.
Enfin, pour la journaliste au Figaro Judith Waintraub : "S'ériger en juge d'un père dont la fille a été assassinée et ne rien dire de ses assassins" relève d'une "indécence absolue".
Une compréhension sélective
Mais si Le Monde ne peut pas accepter la haine du père d'une victime du terrorisme islamiste, l'un de ses éminents représentants fait montre d'une grande compréhension à l'égard d'un rappeur qui appelle à tuer des Blancs.
Samuel Laurent, responsable de la rubrique des "Décodeurs", ose ainsi comparer le rappeur Nick Conrad, qui veut « tuer des bébés blancs », à Georges Brassens, qui a aussi fait scandale en son temps :
Nick Conrad, NTM, Orelsan mais aussi Georges Brassens ! Ils sont plusieurs à avoir fait scandale et à soulever la question de la liberté de l'art. @samuellaurent explique dans #CàVous pic.twitter.com/CVfYLSFtDm
— C à vous (@cavousf5) 27 septembre 2018
Comme un commentaire le souligne sur Twitter :
"Mettre en parallèle les paroles "canailles" de Brassens à un appel à "tuer et écarteler des enfants blancs pour distraire les enfants noirs, qu'il y ait du sang", etc... relève vraiment de la pathologie mentale !"
Le politologue Laurent Bouvet a même proposé ce petit quizz aux "Décodeurs" :
Georges Brassens a :
a/ appelé au meurtre de bébés ?
b/ prononcé des paroles racistes ?
c/ souhaité la pendaison de son prochain ?
d/ la réponse
@decodeurs@lemondefr.
Il est à noter que le patron des "Décodeurs" constatait il y a quelques jours une certaine hostilité à son encontre sur les réseaux sociaux, au point de décider de suspendre, au moins temporairement, sa présence sur Twitter. Si le problème de la haine sur Internet est bien réel, et peut légitimement amener à s'en détourner, Samuel Laurent pourrait néanmoins se demander si certaines prises de position de son journal ne peuvent pas susciter un agacement compréhensible : dénoncer un père en deuil parce qu'il lutte contre l'islamisme et, dans le même temps, trouver des circonstances atténuantes à un rappeur qui appelle au meurtre de bébés blancs... Tout être humain normalement constitué trouve cela aberrant, choquant, révoltant. Mais pas au Monde, où l'on a, semble-t-il, une autre échelle de valeurs.
L'hypocrisie des donneurs de leçons
Samuel Laurent a consacré un article à la polémique autour de Nick Conrad, il en a retracé la généalogie. Et ce qui semble lui poser problème, ce n'est pas le texte ultra-violent de ce chansonnier (au fond, c'est la liberté de l'artiste), c'est l'indignation de la droite et de l'extrême droite, qui a fait sortir le rappeur de son anonymat :
"Qui connaissait le rappeur Nick Conrad, qui a diffusé ce clip choquant sur les réseaux ? Personne, jusqu’à ce qu’une rafale de condamnations politiques et d’articles polémiques en fasse un sujet d’actualité."
Finalement, ce sont ceux qui dénoncent l'inacceptable qui se retrouvent mis en accusation. Sans leur agitation, personne ou presque n'aurait entendu parler de Nick Conrad.
Mais l'argument se retourne : qui, avant l'article accusateur du Monde, avait entendu parler de Patrick Jardin ? Était-il plus célèbre que Nick Conrad ? N'était-il pas aussi anonyme ? C'est la question que pose avec pertinence la journaliste Eugénie Bastié :
Donc Le Monde nous explique qu’on en fait un peu trop pour un rappeur raciste mais consacré une pleine page au père (tout aussi inconnu) d’une victime du Bataclan « sur le chemin de la haine » 🧐 pic.twitter.com/2rzGFCKxcP
— Eugénie Bastié (@EugenieBastie) 28 septembre 2018
La vérité, c'est que Le Monde et ses "Décodeurs" fouillent les poubelles du Net (où je ne situe certes pas Patrick Jardin) avec le même acharnement que la fachosphère, se délectant à l'avance des petites et grandes horreurs qu'ils pourront y trouver, et qu'ils pourront exploiter dans le cadre de leur agenda politique. Des deux côtés, on cherche à déterrer des infos potentiellement scandaleuses, dont personne n'aurait entendu parler autrement. Le Monde a ses cibles (conspis, fachos...), la réacosphère a les siennes (islamistes, racailles...). Et chacun s'efforce de faire surréagir son public, à le mobiliser contre l'ennemi.
En tout cas, ce nouvel épisode confirme une chose : si les Bisounours, dans le dessin animé, étaient tout mignons et gentils, les nôtres sont hargneux. Si vous ne reprenez pas en chœur avec eux leur slogan obligé ("Vous n'aurez pas ma haine"), ils vous traqueront jusque dans les chiottes, façon Poutine, et vous finirez enfermé pour l'éternité dans la "cage aux phobes" (Philippe Muray), voire pire... comme le suggère avec humour Mozinor :
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