Quand le journalisme se fait démolir sur internet : le rapport au web
Le journalisme en prend toujours un peu plein la figure sur internet, mais on voit beaucoup de choses ces derniers temps, dont certaines peuvent être considérées comme des signaux faibles de l’opinion. Je me propose donc de revenir cette semaine sur les grandes critiques faites au journalisme : le rapport à internet, les complaisances et le panurgisme rédactionnel.
Pour commencer aujourd’hui, un sujet assez largement débattu dans les communautés de professionnels de l’information sur internet : le rapport des journalistes à internet.
On peut schématiquement distinguer quatre critiques faites au journalisme
“traditionnel” dans son rapport à internet au sein de ces communautés :
l’utilisation des sources, les modèles d’organisation des rédactions, les techniques d’écriture sur internet et la formation
des journalistes. On ne développera pas tout ici, mais on peut dire un
mot ou indiquer des liens de référence sur chacun de ces sujets.
1. Sur l’utilisation des sources, le meilleur exemple récent de critique nous semble être les commentaires - savoureux - d’Alain Joannès qu’il poste suite à son billet sur l’apport des blogs d’experts dans l’affaire de la Société générale.
Où comment l’information issue du web 2.0 est vue par les journalistes comme une menace (et les blogs d’experts pas utilisés ou avec retard, là où les grands médias anglo-saxons sont tout de suite allés chercher des éclairages sur les blogs d’experts (1) ) au lieu d’être vue comme une opportunité... Extrait :
“Je suis consterné par la paresse intellectuelle, le conformisme et surtout le manque de curiosité - infirmité majeure pour un journaliste - de la presse française. Presque tous mes ’confrères’ ressassent les mêmes idioties : ’le web n’est qu’un moulin à rumeurs’, ’le web est orienté par les Américains’, etc. Technophobie, crétinisme corporatiste. Contrairement à ce que font les journalistes anglo-saxons, les blogs ne sont utilisés ni comme sources ni comme moyens d’expression par l’immense majorité des journalistes français. Parce qu’il est plus confortable d’attendre les dépêches de l’AFP et de plagier Le Monde. L’exploitation rationnelle des blogs d’experts par la presse française est voisine du néant.”
2. Ce “phénomène” s’inscrit dans un enjeu plus général, la fracture entre journalistes papier et journalistes web et le problème du manque d’intégration des rédactions. C’est la question des modèles d’organisation des rédactions. A ce sujet, Emmanuel Parody s’était montré pragmatique et mesuré ; Alain Joannès est, quant à lui, saignant :
(à propos de la situation au Monde, toujours dans les commentaires de son billet sur la Société générale)
« (...) l’intégration des rédactions est hors de question car certains journalistes assez bien payés écrivent avec un stylo “MontBlanc” alors que les soutiers de l’édition en ligne, mal payés, cliquent sur des souris. Un des anciens responsables du vénérable journal a quand même réussi à faire nommer un journaliste “papier” (volontaire) comme ambassadeur auprès de la rédaction électronique. Il a (peut-être) réussi à faire accepter un soutier de l’édition électronique comme ambassadeur auprès de la rédaction de plumes et de papier. Des relations diplomatiques entre les deux rédactions vont peut-être s’établir sur le modèle de la reprise des relations diplomatiques entre la France et l’Allemagne en 1946. »
3. Sur la question des techniques d’écriture : je conseille la lecture de Narvic qui revient sur la question, dans sa critique du livre d’Emmanuel Schwartzenberg “Spéciale dernière, qui veut la mort de la presse quotidienne française”.
Les rédactions en ligne ont-elles seulement le choix de leurs techniques d’écriture, dans la mesure où on estime que plus ou moins 50 % du trafic d’un média en ligne provient des moteurs de recherche ? Ecrire pour le moteur, quand on est une entreprise commerciale, est maintenant une nécessité.
D’autant plus que les techniques d’écriture pour le référencement naturel, si elles ne sont pas susceptibles de révéler de grandes plumes, ne sont pas d’une spécificité folle... C’est un sujet qu’on a effleuré sur Internet et Opinion, relire à ce sujet la chronique d’Emmanuel Parody sur le bouquin de Joël Ronez ainsi que cette discussion chez Sébastien Billard.
4. Je ne m’étendrai pas sur le dernier point, la formation des journalistes, également déjà évoquée sur ces pages. Relire à ce sujet ceci ou cela.
A lire ces différentes critiques, on se dit que la réconciliation des journalistes avec internet n’est pas pour tout de suite... Suite de notre sujet demain avec les complaisances.
(1) A noter : aux Etats-Unis, 75 % des journalistes déclarent utiliser les blogs pour leurs sujets.
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