Rendez-vous manqué
Un pantin au Panthéon
La France devait avoir rendez-vous avec le meilleur d'elle-même !
La grandeur ne se décrète pas, l'impéritie est une croix à porter ! Une fois encore, notre bon président se vautre dans son incapacité à donner du volume à sa parole. Pour ce rendez-vous avec l'histoire, la médiocrité ne devait pas être de mise ; le ton eût dû prendre de l'ampleur, du volume, de l'émotion. Mais pour cela, il eût fallu parler avec ses tripes, se laisser aller à la grandiloquence, à l'emphase, aux envolées lyriques.
Le petit homme, hélas, restera à jamais un convenable récitant d'un discours sans flamme ni chaleur. Son ton est celui du bon élève qui ne veut ni déplaire ni trop en faire. Il déroule un texte dans lequel il n'y a ni surprise ni cassure, ni rupture ni lyrisme. C'est terne, c'est sans saveur, c'est insipide et incolore. Il ajoute à ces remarquables qualités, l'inélégance de la prosopopée, se permettant de se faire le porte-parole de nos chers disparus ...
Bien sûr, passer derrière Malraux était un défi bien trop grand pour ce pauvre orateur de pacotille, ce pédagogue à la petite semaine pour classes tranquilles et bourgeoises. Il a très mal perçu la dimension de l'évènement ; il manque une fois de plus son rendez-vous avec l'histoire. Il récite, il débite, il égraine sans que les mots et les idées prennent la place de cette retenue inodore de celui qui n'a rien de fondamental à dire.
On ne peut reprocher à cet homme, trop affairé, de n'avoir pas le temps de peaufiner un discours qui fera date. Il faut se faire aux réalités, comprendre les contraintes de la tâche, mesurer les impératifs d'un calendrier démoniaque, accepter les limites d'un personnage finalement falot et médiocre. Nul ne peut lui en vouloir : chacun savait en votant pour celui-là qu'il optait pour un choix par défaut.
Ce qu'on peut lui reprocher en cette immense occasion c'est de ne pas être en capacité de choisir des plumes d'envergure, de ne pas s'entourer de brillants stylistes, de maîtres-penseurs, de guides émotionnels . C'est sans doute son goût immodéré pour la banalité qui lui a fait choisir des prosateurs de second ordre, des écrivaillons de la politique et non de la littérature.
Mettons cette faute qui est insulte au talent oratoire de Brossolette, à la dimension politique d'un Zay, au courage de Gaulle-Anthonioz et Tillion, au compte de la mollesse des temps présents. Nul ne peut se prétendre l'égal d'hommes et de femmes qui, portés par la dureté d'une époque, ont pu, de ce fait, donner la mesure d'un talent au- delà de l'imaginable. Notre pauvre président vit dans une époque trop facile pour avoir une telle envergure.
Ce que nous pouvons lui reprocher c'est cette incapacité chronique à enflammer les mots, à donner du souffle à son discours, à prendre de la hauteur pour tenter de tutoyer les héros qui sont honorés en ce jour historique. Mais il faut bien se rendre à l'évidence, l'histoire est un espace bien trop grand pour ce personnage sans emphase ni vibrato dans la voix.
Le charisme, ça ne se commande pas. Nous pouvons le mesurer à chaque pensum que nous sert ce piètre tribun. Mais que font les professeurs de comédie, les experts en théâtralité, les spécialistes du faux-semblant ? Ne sont-ils pas capables de façonner, ne serait-ce que pour un soir, ce médiocre récitant, pour lui donner des ailes, de la magie, de la profondeur ?
Comment espérer toucher le peuple ? Comment l'éclairer d'un verbe porté à bout de bras, quand les mots sont ainsi dits sans que soient convoqués les tripes et le cœur ? Quand le soporifique remplace la fièvre, quand la platitude est la ligne mélodique, quand le ton est celui d'une speakerine de l'ORTF, il n'est rien à espérer de grandiloquent.
La leçon d'histoire tombe à plat. Les allusions à notre présent inquiétant n'éveillent aucune crainte. L'orateur du jour est un mauvais second rôle, propulsé ici dans un décor bien trop grand pour lui, face à des personnages qu'il s'agit d'honorer, bien trop grands pour lui. Le talent ne se décrète pas. Il ne sert à rien de fabriquer de toute pièce un rendez-vous avec l'histoire pour se dresser un destin illusoire.
Le rendez-vous est non seulement manqué, mais il est totalement ridicule. La platitude de l'instant est injure aux destins de ceux qui reposent devant ce président minuscule. Les cercueils de drapé tricolore imposent un cérémonial dont l'officiant est tout à fait incapable. J'enrage d'une telle insignifiance en des heures si solennelles. Mon dieu, qu'avons-nous fait pour mériter pareille purge ? Qu'ont-ils commis comme faute ceux-là qui entrent au Panthéon, pour être ainsi si médiocrement accompagnés vers la gloire républicaine ? Les vaticinations du tribun de pacotille, ne sont décidément pas à la hauteur de ces heures historiques.
Je crains fort qu'il n'y ait plus rien à espérer de notre personnel politique. La langue est passée au second plan ; le discours est devenu calcul et rouerie, tromperie et tactique. Nous avons ici l'expression même d'une société qui se passe parfaitement de franchise et de sincérité, de pathos et du sublime. Bien loin des héros de la Résistance, les prochains candidats au Panthéon ne sauront être que des médiocres de la trempe de celui qui a ainsi flétri la cérémonie de ces géants.
Inqualifiablement sien.
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