The Huffington Post, journalisme ou café du commerce ?
On peut se réjouir d'un nouveau média et s'inquiéter quand des débats du café du commerce sont érigés en journalisme.
The Huffington Post, site d'information américain, ouvre son site tout en français ce lundi 23 janvier, en association avec Le Monde. Filiale à 51 % de AOL, propriétaire du Huffington Post, 34 % au groupe Le Monde, et 15 % à Matthieu Pigasse. Le Post.fr site participatif filiale du Monde disparaît.
Le site mélangera des informations propres, du "journalisme de lien", c'est-à-dire des renvois vers des articles parus sur d'autres sites, et des contributions de grandes plumes et de blogueurs. Dont Ali Baddou, Nicolas Bedos, Guillaume Erner, Antoine Compagnon (Collège de France), Benjamin Stora (historien), Guy Carcassonne (constitutionnaliste), Anne Nivat (journaliste), Olivier Py (théâtre) et Rachida Dati (députée européenne, UMP) ou Julien Dray (député PS) qui y tiendront chacun un carnet de la campagne présidentielle.
Réussite : le Huffington Post, fondé en mai 2005 par Arianna Huffington avec 1 million de dollars d'investissement, est vendu au portail AOL, en février 2011, pour 315 millions de dollars. Le site US emploie 200 salariés réguliers et accueille 9 000 blogueurs de tous bords, dont de plus en plus de personnalités.
Polémique : formellement, Mme Huffington a dit vouloir "dépasser le clivage droite-gauche", mais ses contributeurs américains sont majoritairement à gauche. Leur paiement est discrétionnaire (95 % ne le sont pas). Une procédure judiciaire en nom collectif y est d'ailleurs en cours pour "travail non rémunéré". Ces blogueurs devraient la remercier, expliquait-elle en mars 2010 : "l'expression personnelle est devenue une source d'accomplissement pour les gens".
En mars 2011, Bill Keller, directeur de la rédaction du New York Times, écrivait que la méthode Huffington consiste à "prendre des mots écrits par d'autres, les emballer sur son propre site et en tirer un profit qui, normalement, auraient du aller à ceux qui ont généré le matériel rédactionnel. En Somalie, cela s'appelle de la piraterie. Dans la médiasphère, un respectable business model".
À l'instar de Edwy Plenel avec MediaPart, de Pierre Haski : Rue89, ou Jean-Marie Colombani : slate.fr également version française d'un homonyme ; Anne Sinclair, assurera les fonctions de directrice éditoriale. Le directeur de la publication est David Kessler, par ailleurs directeur général des Inrockuptibles dont Mathieu Pegasse est actionnaire comme du Monde. L'équipe compte huit journalistes, parmi lesquels Paul Ackermann, le rédacteur en chef, auparavant chef d'édition au Figaro.fr.
Aux Usa "la reine de l'agrégat", Mme Huffington, fait parfois trop dans le people ou les ragots.
Qu'en sera-t-il en France ?
Pour Dean Starkman, éditeur adjoint de la Columbia Journalism Review, le succès du HuffPo correspond à "une tendance où ce qui compte est plus d'avoir un point de vue clair et distinct sur les événements" que d'exposer des faits de manière éclairée et éclairante.
Si on peut se réjouir d'un nouveau média et espace d'expression, même engagé ; ne doit-on s'inquiéter que des "débats qu'on entend habituellement à la machine à café ou lors des dîners en ville" soient érigés en journalisme ?
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