Trafics et manipulations au 20H de France 2
Où la rédaction de France 2 (direction Arlette Chabot) se révèle agent actif dans la fabrication de la propagande sarkozyenne.
Jeudi 1er juillet, on apprit que Nicolas Sarkozy avait une nouvelle fois crevé son plancher d’opinions favorables, avec un nouveau minima : 26% (TNS-Sofres).
Le soir, France 2 (télévision publique) y consacrait un sujet :
***
Analyse plan par plan
1. Présentation Pujadas (29 secondes, 1 plan)
David Pujadas : « Est-ce l’effet du climat de ces derniers jours ? Nous n’avons pas l’habitude dans ce journal d’évoquer les hauts et les bas quotidiens des sondages de popularité. Mais je vous le disais en titre : une enquête d’opinion, qui vient après plusieurs autres, retient l’attention. La côte de confiance de Nicolas Sarkozy atteint un record à la baisse depuis son élection : 26% selon notre partenaire TNS-Sofres, 71% de défiance. Analyse(s) et explication(s) : Alexandre Kara, Mathias Barrois. »
2. Reportage France 2 (1 minute et 39 secondes, 16 plans)
Plan 1 : Bain de « foule » de Nicolas Sarkozy le matin dans l’Aveyron (6 secondes)
(à 0’29 de la vidéo)
(cliquer sur les images pour les agrandir)
Quelques voix (off, avec aussi des applaudissements) : « Bravooo ! Bravo monsieur le président ! Bravo ! (...) »
Journaliste (off, avec les "bravo" et applaudissements qui continuent en arrière-plan) : « C’était ce matin dans l’Aveyron. Un bain de foule, et des chocolats... »
A l’oreille on remarque que les quelques clameurs et « bravos », survenus à point nommé, émanent d’un même petit groupe de personnes, qui d’ailleurs n’apparaissent pas du tout à l’image. Il y a dans ces clameurs quelque chose de coordonné et répétitif, surtout un côté volontariste, une rapidité dans la répétition des « bravos » (d’ailleurs lancés par quasiment la même personne), qui éveillent le soupçon. Sans doute l’œuvre d’un groupe de militants UMP, ayant pris soin d’éviter le champ de la caméra pour ne pas être ultérieurement identifiés comme militants UMP.
Le Monde précisait en effet le 26 janvier dernier (Sarkozy se trouvait alors encore à 32% d’opinions favorables dans le baromètre TNS-Sofres) :
« Les villes visitées par le président sont sous haut contrôle policier. (...) Les rares bains de foule ont lieu avec des militants UMP. Et la police, pesante, empêche toute manifestation d’opinion divergente. »
Vu les résultats du dernier sondage motivant ce reportage de France 2, on peut d’autant plus se demander où sont passés tous les mécontents (71% de la population d’après TNS-Sofres), toutes les personnes susceptibles de siffler le président ! La « foule » présente à l’image dans ce plan 1 est en bonne partie composée de personnes âgées (cœur de cible de Nicolas Sarkozy en 2007), souriantes et calmes (et muettes).
Les journalistes de France 2 ne s’intéressent pas du tout à l’identité des "personnes enthousiastes" acclamant Nicolas Sarkozy (sur la bande son), ni aux raisons de leur apparente très grande satisfaction. Pourquoi ? Cela intéresserait tout le monde !
Plan 2 : Nicolas Sarkozy déguste un chocolat le matin dans l’Aveyron (5 secondes)
(à 0’35 de la vidéo)
Journaliste (off, avec les mêmes « bravos » et applaudissements du plan 1 qui continuent en arrière-plan) : « ...peut-être de quoi réconforter un peu un président au plus bas dans les sondages. »
Des curieux sont tenus à distance par plusieurs rangées de sbires. Le cameraman de France 2, lui, est extrêmement bien placé : quasiment le nez sur la boite de chocolats, on le sent là faisant partie intégrante du "dispositif sarkozyen". Chose étonnante, les clameurs continuent en "off" sans discontinuité avec le plan précédent (l’écoute avec un bon casque permet de vérifier la continuité de la même et unique prise de son), alors que ce changement de plan montre à l’image une nette rupture temporelle. Quelqu’un à France 2 a jugé bon de faire durer l’environnement sonore de « bravos » et d’applaudissements du plan 1, pendant le plan 2 (environnement apparemment capté durant le plan 1 - mais un trafic de plus grande ampleur est toujours possible). Cette petite manipulation accrédite dans ce plan 2 l’idée d’un « bain de foule » (terme avancé avec aplomb par le journaliste de France 2 en commentaire du plan 1) - alors qu’à l’image absolument rien ne se passe (on voit des têtes de "curieux", muets, s’intercaler entre les sbires placés autour du président).
Au delà, que viennent faire dans ce sujet sur le record d’impopularité de Sarkozy, ces images de « bain de foule » ? Pourquoi n’avoir pas choisi plus logiquement, dans les archives, des images de Sarkozy sifflé ou hué ? Le fait que les images de ce « bain de foule » aient été tournées le matin même, suffit-il à justifier leur présence dans un sujet annoncé comme consacré à la chute de popularité de Sarkozy ? Enfin est-ce un sujet sur la chute de popularité de Sarkozy (comme l’annonçait Pujadas), ou un sujet sur son « bain de foule » en Aveyron le matin ?
On peut d’ailleurs être légitimement saisi d’un horrible doute : ce déplacement de Sarkozy dans l’Aveyron, aurait-il eu pour principal objectif, de faire atterrir dans les dociles journaux télévisés du soir, quelques images de Sarkozy prenant un (soi-disant) « bain de foule » ? (avec l’active complicité de France 2, comme on a pu le voir - et l’entendre). Le reportage de France 2 ne laisse en tous cas pas apercevoir d’autre objectif à ce déplacement présidentiel en campagne (hormis le fait de déguster un chocolat).
Plan 3 : Résultats du sondage TNS-Sofres (5 secondes)
(à 0’40 de la vidéo)
Journaliste (off) : « 26% de côte de confiance : jamais les français n’avaient exprimé un tel désamour pour le chef de l’Etat. »
« Désamour » : difficile de trouver mot plus complaisant...
Plan 4 : Réaction Yves Jego (12 secondes)
(à 0’45 de la vidéo)
Yves Jego : « Quand vous êtes dans un navire, que ça secoue et que vous avez le mal de mer et envie de vomir, vous en voulez beaucoup au capitaine d’être dans la tempête. Quand il vous a sorti de la tempête en bon état et que vous arrivez au port sain et sauf, vous le remerciez. »
Pour connaître l’identité de celui qui parle, il faudra attendre l’ultime seconde de sa déclaration, et surtout, pour avoir le temps de lire le bandeau, les premières secondes de la réaction suivante :
Plan 5 : Réaction Harlem Désir (8 secondes)
(à 0’57 de la vidéo)
Harlem Désir : « C’est inquiétant, parce que dans ce moment de crise on aurait besoin d’une France qui aurait confiance dans le capitaine, mais l’équipage est discrédité par les scandales... »
On aurait aimé entendre la fin de la phrase de Harlem Désir (qui reprend bizarrement l’image du « capitaine » - on dirait que lui et Jego doivent s’exprimer par images, comme s’ils s’adressaient à des enfants ou des décérébrés).
Harlem Désir n’est lui présenté par aucun bandeau à l’image.
Plans 6 à 9 : Images de la victoire de Sarkozy au soir du 2ème tour de la présidentielle 2007 (5 secondes)
(à 1’05 de la vidéo)
Journaliste (off) : « Mai 2007, c’est "l’état de grâce". 65% des français accordent leur confiance à Nicolas Sarkozy. »
On attend toujours, pour illustrer ce reportage de France 2 sur le dernier record d’impopularité de Nicolas Sarkozy (nous sommes en juillet 2010), des images de Sarkozy sifflé ou hué.
Plan 10 : Courbe popularité Sarkozy (12 secondes)
(à 1’10 de la vidéo)
Journaliste (off) : « Mais en moins d’un an, ce chiffre est divisé par deux. Malgré quelques soubresauts, la popularité du chef de l’Etat baisse de façon continue, pour atteindre son plus bas niveau après trois ans de pouvoir. »
Sur le graphique présenté, l’échelonnement vertical très tassé atténue fortement la sensation d’une "chute" de popularité. Le graphique livré par TNS-Sofres avec son sondage n’est guère plus éloquent. Pour visualiser une "chute", il faut consulter le graphique signé dedalus (courbe rouge pour TNS-Sofres) - voir aussi la moyenne sur huit sondages régulièrement actualisée par le même dedalus.
Plan 11 : Bain de « foule » de Nicolas Sarkozy le matin dans l’Aveyron (4 secondes)
(à 1’22 de la vidéo)
Journaliste (off) : « Une chute, qui s’explique d’abord par des raisons de politique intérieure. »
Totale inadéquation entre le commentaire et l’image. Le journaliste parle de « chute » de popularité : pendant ce temps l’image montre Sarkozy serrant des mains dans un petit « bain de foule » (les enfants ont sagement été mis en avant).
Plan 12 : Analyse de Stéphane Rozès (7 secondes)
(à 1’26 de la vidéo)
Stéphane Rozès : « La crise morale, qui atteint le pouvoir actuel, touche dorénavant un électorat traditionnel de la droite. »
Plan 13 : Bain de « foule » de Nicolas Sarkozy le matin dans l’Aveyron (5 secondes)
(à 1’33 de la vidéo)
Journaliste (off) : « Au même moment en Europe, d’autres leaders connaissent des chutes de confiance. »
Le retour d’un plan de Sarkozy en Aveyron est ici totalement incongru ! A moins de vouloir signifier que, contrairement aux « autres leaders » européens dont parle le journaliste, Sarkozy conserve, lui, l’amitié de la foule...
Mis à part les gardes du corps, la « foule » est ici constituée à l’image par une quinzaine de personnes, principalement intéressées par le fait de photographier Sarkozy. On remarque, à l’extrême gauche de l’image, un barbu à cheveux blancs et à pull rayé bleu clair (flèche jaune), occupé comme les autres à photographier le président. Que ne l’a-t-il fait plus tôt ! Ce même personnage était en effet déjà présent dans le plan 1 et fort bien placé : il y figurait déjà un "simple badaud", mais placé devant la première ligne de "spectateurs", au contact direct de Sarkozy. Ce glorieux militant UMP (ayant revêtu pour l’occasion un pull de paysan) était manifestement, lors de ce déplacement sarkozyen, chargé d’une double mission : figurer un badaud amical ; et veiller au bon déroulement de l’opération, assurer même le cas échéant une ultime sécurité pour le président (dans le plan 1 ce barbu UMP offrait au président la protection de son corps, côté « foule »).
Pour mémoire, extraits du plan 1 (cliquer sur les images pour agrandir) :
Plan 14 : Popularité de Merkel et Zapatero (9 secondes)
(à 1’38 de la vidéo)
Journaliste (off) : « Angela Merkel en Allemagne à 40%, ou Zapatero en Espagne à 14%. Alors la baisse de la popularité de Nicolas Sarkozy, s’inscrit-elle dans un contexte de crise internationale ? »
Plan 15 : Analyse de Stéphane Rozès, suite (14 secondes)
(à 1’47 de la vidéo)
Stéphane Rozès : « Nicolas Sarkozy fait les frais d’une conjonction entre une situation internationale et une crise économique et sociale difficile(s), mais à laquelle se rajoute, contrairement à d’autres pays, une crise morale... »
La fin de la phrase de Stéphane Rozès était peut-être intéressante, on ne le saura pas.
Plan 16 : Bain de « foule » de Nicolas Sarkozy le matin dans l’Aveyron (7 secondes)
(à 2’01 de la vidéo)
Journaliste (off) : « En tous cas cette fois, le style du président n’est pas cité en priorité pour expliquer cette baisse de popularité. »
Triomphal (et ultime) plan du reportage de France 2 (pourtant théoriquement consacré au dernier record d’impopularité de Sarkozy), tel un "happy end" de pacotille : Sarkozy une nouvelle fois "fêté" en Aveyron (par des militants UMP) !
Le journaliste a, on le voit, soigneusement évité de rebondir sur la « crise morale » évoquée deux fois par Stéphane Rozès.
Conclusion : honte à la rédaction de France 2 (direction Arlette Chabot)
Le déplacement de Sarkozy en Aveyron, manifestement dicté, en ces temps de record d’impopularité, par le besoin de diffuser dans les journaux télévisés des images d’un président "acclamé par la foule", aura été très docilement et complaisamment relayé par la rédaction de France 2. Et ceci, comble de l’ironie et de la complaisance : pour illustrer un sujet - ce qui en atténuait de facto la portée - sur le dernier record d’impopularité présidentielle !
Dans ce reportage de France 2, théoriquement consacré, d’après ce qu’annonçait Pujadas, au nouveau record d’impopularité de Nicolas Sarkozy, les seules images filmées montrant Nicolas Sarkozy sont donc des images de Sarkozy acclamé (au moins par la bande son) et/ou serrant des mains (de personnes âgées et d’enfants). Ces images d’un président entouré d’amicaux voire enthousiastes sujets, totalisent le tiers de la durée du reportage, et plus de la moitié des plans : 32 secondes sur 1mn39, et 9 plans sur 16 (plans 1 et 2 ; plans 6 à 9 ; plan 11 ; plan 13 ; plan 16). Les « bains de foule » de Sarkozy en Aveyron le matin totalisent à eux seuls 27 secondes (plus du quart du reportage), et 5 plans sur 16.
La rédaction de France 2 se montre totalement silencieuse sur la manipulation sarkozyenne, avérée et qu’elle ne peut ignorer, consistant à fabriquer des scènes de « bains de foule » au moyen de militants UMP (amenés là spécialement en bus selon certaines sources), ceci à destination des journaux télévisés. Davantage : la rédaction de France 2 se retrouve elle-même à filmer les images ! La rédaction de France 2 a abdiqué avec ce "reportage" tout devoir critique minimal : elle n’est plus qu’un agent, actif (et central), de la propagande sarkozyenne.
La rédaction de France 2 a été jusqu’à user d’une manipulation dans le montage sonore du reportage (plan 2), donnant par là un peu plus de consistance au « bain de foule » sarkozyen du matin en Aveyron.
Toute cette bouillie, cette pâtée pour chats d’une révulsante et indigne complaisance, aura été ingurgitée par des centaines de milliers de citoyens en âge de voter.
Article d’origine avec mises à jour, à lire sur antennerelais
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A consulter aussi :
Sarkozy hué au Salon de l’agriculture (février 2008, TNS Sofres = 41%) - vidéo
Nicolas Sarkozy, hué à Tarbes (mars 2008, TNS Sofres = 38%) - vidéo
Les apprentis huent le nom de Nicolas Sarkozy (octobre 2008, TNS Sofres = 36%) - vidéo
Sarkozy hué et décrié au Salon de l’agriculture (mars 2010, TNS Sofres = 31%) - vidéo
Pujadas complice muet de la propagande sarkozyenne ("Mise à jour 17/12/2007")
Pujadas : Un labsus sonnant comme un aveu de collusion (décembre 2007) - vidéo
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