Le 24 octobre 2004, la police a fait plusieurs descentes dans le quartier des musiciens des Mureaux afin de retrouver cinq jeunes impliqués dans des échauffourées. La presse a été conviée à assister à cette opération et à diffuser les images du police reality show. Le titre de l’article consacré à ce sujet par L’Humanité est : "La police spectacle fait un bide aux Mureaux". On y souligne la brutalité de l’opération, mais aussi la joie des habitants de voir que la presse pouvait assister à cette preuve flagrante du manque de sensibilité des forces de l’ordre, qui ont ouvert les portes au bélier, pointé des armes vers des enfants, retourné les appartements, pour finalement n’interpeller qu’une seule personne. Il semblerait en outre que les informations qu’ils possédaient n’étaient pas pertinentes, puisqu’ils partaient en s’excusant de s’être trompés.
Mais autre problème, tout aussi révoltant, c’est la suspension d’une
journaliste de l’AFP pour trois semaines, à la suite d’un article qu’elle
aurait écrit sur ce sujet. Le Syndicat autonome des journalistes
(SAJ-UNSA) a émis un communiqué pour s’offusquer de ce que la liberté de la
presse était bafouée dans cette affaire.
Si l’on en croit le communiqué, Raphaëlle Picard, pigiste permanente de
l’AFP dans le département des Yvelines, est frappée depuis trois
semaines d’« interdiction professionnelle » par la police et la justice
du département des Yvelines. En effet, après la dépêche qu’elle a rédigée, ces départements ont décidé de boycotter la journaliste qui
relaterait des faits non avérés et non vérifiés auprès des services de
police... (dans quel monde vit-on ?).
Je cite le communiqué sur les diverses réactions engendrées par son article :
"Ce fut d’abord le directeur adjoint de la police départementale qui, à
la sortie d’une conférence de presse, a étrillé notre consœur,
l’accusant de "malhonnêteté intellectuelle" ».
Ce fut ensuite le directeur de la sécurité publique, à qui Raphaëlle avait demandé un entretien, qui l’a accusée d’avoir « produit des faux témoignages qu’elle n’avait pas pris soin de vérifier... auprès de la police » (sic). « Notre collaboration va s’arrêter là », lui a-t-il signifié.
Ce fut encore (côté justice), le procureur-adjoint du Parquet de Versailles qui lui a également signifié que sa porte était désormais fermée et qu’il « ne voulait plus jamais collaborer » avec elle. « On a toute la direction sur le dos... », a-t-il avoué.
Enfin, last but not least, le directeur de la police judiciaire des Yvelines est monté d’un cran : « On va porter plainte... ». Menace gratuite, fanfaronne et vide de sens, puisque, à ce jour, aucune espèce de plainte n’a été déposée devant une quelconque juridiction.
Cette journaliste n’a donc plus accès aux instances nécessaires pour réaliser son travail, pour avoir relaté les faits tels qu’ils étaient. Car je ne sais pas si vous lisez les dépêches de l’AFP, mais on ne peut pas dire qu’elles soient très engagées. On y voit juste des faits relatés, en fonction de ce que le journaliste a vu et entendu sur le terrain.
Bref, il n’est pas normal qu’une journaliste, plutôt jeune a priori, soit boycottée ainsi par ces institutions, ce qui la coupe des sources officielles. La liberté de la presse est un bien précieux en France. Si chaque journaliste qui a un jour déplu à une institution en publiant un de ses articles s’était vu boycotté par celle-ci, le nombre de journaux d’informations et d’agences de presse serait plutôt limité.
Bibliographie :
Communiqué du Syndicat autonome des journalistes de l’Agence France-presse
Article de L’Humanité
Publié aussi sur mon blog : http://www.missoffe.info