Zizeck et Assange, sur la violence et le terrorisme
DSK n’arrive pas à ouvrir la porte de son Riad new yorkais et les télévisions nous recrachent les 3 minutes de ce suspens impossible à une heure de grande écoute. Il y aurait du césium radioactif dans l’eau de Tokyo et personne ne parle plus vraiment de ce pays. Là bas, tout ce printemps un Tokyoïte français s’est excité, seul face à la caméra de son ordinateur. Il a hurlé contre la désinformation en cours. Il a peur pour lui, ses enfants. Ses vidéos, postées sur youtube, disparaissent, le plus souvent. Il est seul, comme une voix dans la nuit, loin, si loin de notre pays tout acquis à la cause du Tour de France. C’est Alex in Tokyo qui nous dit que nous n’avons jamais été aussi informé et pourtant, que nous ne savons rien, ou si peu. Les media se perdent dans le décorticage des minis drames inutiles des célébrités quand le monde réel, celui qui nous explose à la figure, est ignoré. Ou si mal considéré.
Ce constat a servi de point de départ en février 96 au programme d’information alternatif et sans publicité ni même argent de l’Etat Democracy Now. Aucune tutelle donc et du coup, pas de copain, ni de blonde plantureuse ni de jeunes loups hyper brushés à l’antenne. Amy Goodman, une journaliste d’une soixantaine d’année tient le micro depuis le studio de TV rafistolé dans une ex caserne de pompier de Chinatown, à New York. Elle montre chaque semaine que l’information se bat, comme le vrai beurre, à la force du poignet. Amy Goodman était à Londres il y une dizaine de jours pour un débat peu évoqué dans les « media », entre Slavoj Zizeck, le psychanalyste philosophe slovène, et Julian Assange, l’homme de WikiLeaks. Elle a animé la discussion de deux heures dédiée à l’état de l’information et du travail du journaliste aujourd’hui.
Vidéo de la discussion en anglais (faute de traduction en français)
1800 personnes étaient rassemblées dans un théâtre Art Déco de la banlieue de Londres, entre l’élection de Miss England et un concert de Morrissey. De fait, la conversation, retransmise sur internet aurait pu sombrer dans le n’importe quoi (même si j’adore Morrissey) : Assange avait mis aux enchères les places de son déjeuner qui précédait le débat // Zizeck ne parvenait pas à retenir ses blagues souvent assez douteuses. Passé cela, le débat, entre le “Elvis de la théorie culturelle” selon le New York Times et le “terroriste High Tech” selon Joe Biden, était passionnant. Notamment de la part de Zizeck.
D’abord d’ailleurs sur l’idée du terrorisme, Zizeck s’exclamant au sujet de Assange « D’une certaine façon, vous êtes bien un terroriste, de la même manière que Gandhi était terroriste. Il a essayé de mettre un terme à la façon dont les britanniques opéraient en Inde. Et vous, avec WikiLeaks, vous essayez de rompre avec la façon dont les informations circulent. »
Ensuite sur l’idée de violence : « Quand nous pensons à la violence, au terrorisme, nous pensons toujours aux actes qui interrompent le cours normal des choses. Mais que penser de la violence que le système doit déployer pour que, chaque jour, les choses fonctionnent ? » Et de fait, il en faut de l’énergie et des coups bas. « Le monde n’est pas doux », s’excusait presque le patron du Bilderberg il y a un mois.
De fait, toujours pour Zizeck, « il ne s’agit pas de savoir si vous – Assange - êtes au fond, quelqu’un de bon ou non. Mais si vous êtes un terroriste, comment définir ceux qui vous accusent d’être un terroriste ? ». C’est la vraie question qui rappelle la phrase de Bill Mc Kibben, un activiste environnemental qui a coutume de rappeler à ses équipes : « nous ne sommes pas les extrémistes dans cette bataille ». On peut lui faire confiance : il se cogne depuis des années le lobby de l’industrie dès qu’il parle de pollution.
Paradoxalement, le fait qu’il y ait castagne, le fait qu’il y ait une censure dans les media est une bonne nouvelle. Cela prouve qu’il y a encore des choses susceptibles d’être entendues, que le contenu, en tant qu’industrie, n’a pas encore gagné, que nous sommes pas encore tout à fait anesthésiés. D’ailleurs, c’est le seul espoir de Zizeck : « Il y a des personnes tout à fait ordinaires qui tout à coup, comme par miracle, se mettent à faire quelque chose de merveilleux ».
Ordinaire ou pas, Assange a du filer à Beccles, le lieu de sa résidence surveillée avant le couvre feu de 18 heures qui lui est imposé chaque jour depuis 6 mois. Il saura aujourd’hui s’il est extradé pour être jugé en Suède pour viol. Partant de là, il risque d’être extradé aux Etats Unis, pour espionnage.
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