1998-2010 : La déroute de la famille centriste
Les dernières élections régionales ont été marquées par la défaite cinglante du Modem. Le parti centriste, héritier de l’UDF de Valéry Giscard d’Estaing, se réduit à présent à une dizaine d’élus régionaux, alors qu’il en comptait 120 six ans plus tôt. Mais au-delà de l’échec personnel de François Bayrou, qui ne cesse de s’effondrer depuis les élections présidentielles de 2007, il faut constater que la famille centriste dans son ensemble a subi une longue suite de défaites électorales depuis douze ans. Les centristes sont-ils condamnés à disparaître ?
Retour vers le futur
1998. L’UDF se présente seul ou associé au RPR dans la plupart des régions françaises. Le parti sort alors des législatives nées de la dissolution du gouvernement par Jacques Chirac, où il a obtenu 14,4% des voix et 114 députés. Il a soutenu le gouvernement d’Edouard Balladur contre Jacques Chirac, participé aux gouvernements d’Alain Juppé (12 ministres et 8 secrétaires d’état, soit la moitié des postes). François Bayrou a été ministre de l’éducation nationale sous Balladur et Juppé jusqu’à cette dissolution fatale.
Les élections régionales ne se présentent pas sous de bons auspices pour la droite. Au sein de l’UDF, plusieurs tendances s’affrontent et s’opposent. D’un côté,
Six ans plus tard, lors des élections régionales de 2004, la plupart des régions sont passées sous la coupe de l’UMP. Les partis centristes les plus libéraux (Démocratie Libérale et Parti Populaire) ont rejoint
Viennent alors les élections présidentielles et le score exceptionnel de François Bayrou. L’espoir d’un renouveau du centrisme monte dans le pays. Le Modem est créé et réunit des dizaines de milliers de militants, un engouement jamais vu dans l’histoire du centrisme depuis Giscard. Et patatras ! Le mouvement se scinde et les Nouveaux Centristes rejouent la même partition qu’en 2002. C’est le début d’un long déclin pour les centristes. Législatives, municipales, européennes, régionales… le Modem passe de 18,6% à 4,1%. On se demande comment François Bayrou pourrait enrayer ce déclin.
Un Nouveau Centre-UDF historique ?
Malgré l’échec évident du Modem, on ne peut ignorer l’échec relatif de son frère jumeau, le Nouveau Centre. Des 80 candidats du Nouveau Centre aux législatives en 2007, seulement 17 ont été élus, malgré de nombreuses circonscriptions "laissées" par l’UMP. Le parti allié à l’UMP pour les municipales et cantonales de 2008 ne rassemble que 2% des suffrages exprimés. Pour les européennes et les régionales, totalement intégrés dans les listes de la majorité, les candidats Nouveau Centre n’obtiennent que les miettes laissées par l’UMP. Trois députés européens, 74 conseillers régionaux (au lieu des 120 conseillers sortants), peu de mairies, peu de sénateurs… Le bilan du Nouveau Centre est loin d’être resplendissant après trois années de lien avec la majorité.
Evidemment, ce sont les ambitions personnelles qui ont prévalu. Jean-Marie Cavada a sauvé son siège de député européen, au mépris de toute morale politique. Hervé Morin a obtenu le maroquin dont il rêvait. André Santini s’est protégé en se plaçant dans le sillage de Sarkozy dès le premier tour de
Aujourd’hui, Hervé Morin et Jean Arthuis proposent de refonder un "vrai Centre" dans la perspective des prochaines élections présidentielles. L’UMP affaibli et déclinant, les "alliés" reprennent leurs billes et veulent éviter de sombrer avec le navire amiral. Mais leur calcul politique n’a-t-il pas définitivement tué le centrisme en France ? A force de cogner sur Bayrou, tout regroupement semble impossible aujourd’hui. D’autres opposants, à droite comme à gauche, ont profité de leurs dissensions. D’un côté, Dominique de Villepin apparaît comme le chevalier blanc des déçus du sarkozisme. De l’autre, Daniel Cohn-Bendit a siphonné les électeurs attirés par une troisième voie alternative, entre gauche et droite.
Les centristes "majoritaires", entre Nouveau Centre et Alliance Démocrate, ne représentent que 2 ou 3% des électeurs, trop peu donc pour peser dans les prochaines échéances électorales. Malgré ses échecs répétés, François Bayrou conserve la cote la plus élevée parmi les personnalités du Centre. En mars 2010, il conserve une "cote d’avenir" (TNS Sofres) de 28%. Il n’est jamais descendu en-dessous de 22%. Hervé Morin n’a jamais dépassé les 18%, sa cote moyenne s’établissant à 13% environ. Difficile dans ces conditions de rassembler les foules autour de son projet. Une fois encore, la famille centriste ne se place que dans la position du rémora, ce poisson vivant dans le sillage des requins. Celui-ci se nourrit en nettoyant son hôte, le débarrassant de ses scories et de ses parasites.
Perspectives politiques
Le Centre subit la loi du scrutin majoritaire instauré par
Chacun désigne François Bayrou comme seul responsable de cet état des choses, en raison de son "obsession présidentielle". Mais c’est bien une erreur de perspective. Oui, François Bayrou ne vise qu’une seule élection, la seule capable de reconstruire un grand mouvement centriste. Oui, il a eu tort d’un bout à l’autre de cette séquence en ne parvenant pas à tracer une stratégie électorale raisonnable autour de candidats formés et soutenus par le parti. Oui, il s’est enfermé dans un combat personnel avec le Président de
Morin et Arthuis en appellent à leurs anciens amis UDF, les ex-Démocratie Libérale et Parti Populaire, passés à l’UMP en 2002. Il est peu probable que Jean-Pierre Raffarin et Alain Madelin entendent cet appel, à moins que l’un ou l’autre imagine que ce nouveau rassemblement des centristes pourrait servir leurs ambitions personnelles lors des prochaines élections présidentielles. Raffarin, étrillé après son passage à Matignon, ne semble pas entretenir de telles ambitions. Christine Boutin, seule candidate ouvertement sociale-chrétienne lors des élections présidentielles de 2002, n’a obtenu que 2% des votes au premier tour. Aucune autre personnalité ne semble être en mesure de faire émerger un discours social-chrétien et humaniste, ainsi que le souhaitent les quinze signataires de l’appel centriste.
Faute d’un coup d’éclat au cours des prochaines élections présidentielles, le courant centriste semble condamné à disparaître. Leur avenir repose entièrement entre les mains de François Bayrou. Mais peut-être que les dissensions entre Europe Ecologie et les Verts, la lutte fratricide entre Sarkozy et Villepin, les primaires socialistes qui s’annoncent une nouvelle fois sanglantes ouvriront une voie étroite à la candidature du président du Modem.
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