2007 renié
Quand la France de 2011 contredit son vote de 2007 et cherche à être rassurée quant à son avenir et à la politique du pays.
Le premier tour des primaires citoyennnes organisées par le parti socialiste a livré hier dans la nuit son premier verdict : ce sera donc un second tour entre François Hollande et Martine Aubry, qui récoltent à eux deux environ 70% de voix des 2.400.000 d'électeurs ayant participé à cette élection. De nombreux articles et commentaires fleurissent quant à la participation (forte, moyenne ou basse ?), au report des voix pour le second tour et à la surprise Montebourg, il ne s'agit donc pas de revenir là dessus. Plus intéressant est le score de la présidente de la région Poitou-Charentes.
Royal, Sarkozy et Bayrou laminés
Ségolène Royal, qui plafonne à 7% n'a donc pas réussi à faire voter plus de 160.000 voix sur sa candidature. C'est l'autre grand enseignement de la soirée. L'ex compagne de François Hollande qui avait obtenu neuf millions et demi de voix au premier tour et près de dix-sept millions au second tour de l'élection présidentielle de 2007 a donc été laminée. Or, si l'on fait un parallélisme entre cette précédente élection et les opinions politiques d'aujourd'hui, on constate que les trois grands candidats d'hier sont aujourd'hui écrasés. C'est bien sûr Ségolène Royal incapable de réunir 10% de l'électorat de gauche sur son nom, mais également François Bayrou qui stagne entre et 5 et 10% dans les divers sondages et enfin Nicolas Sarkozy, le président sortant qui n'en finit plus de battre des records de mécontentement et dont la popularité a frôlé parfois les 20% d'opinions positives.
En réalité, il semblerait que le trois candidats plébiscités par la France de 2007 n'arriveraient pas aujourd'hui, à eux trois, à faire le seul score de.... François Bayrou il y a près de cinq ans... Près de trente millions d'électeurs (soit un français sur deux) ne voteront plus pour l'un de ces trois candidats (Aujourd'hui en tous cas, car tout peut très vite changer évidemment).
L'affaissement prodigieux de Madame Royal et de Messieurs Bayrou et Sarkozy pose une question : quels sont les points communs entre ces trois personnages qui permettraient d'expliquer l'effondrement de leur électorat et de leur côte de popularité ? Existe-t-il des similitudes entre eux qui permettent de conclure que la France de 2011 rejette ses choix de 2007 ?
Partis et parti-pris
Dans un premier temps, difficile de rapprocher le président de la république avec le président du MODEM et Ségolène Royal. En y regardant de plus près, c'est un style novateur (ou du moins qui voulait se présenter comme tel) qui avait séduit les électeurs en 2007. Présentés naguère comme des candidats jeunes (tous sont nés après la seconde guerre mondiale), ils incarnaient tous trois la rupture. Par rapport à leur parti notamment, en cherchant, par des postures n'allant pas dans le sens de leur bureau respectif, par des propositions contraires à l'éthique de leur parti... et cetera à prendre leur autonomie. En réalité, les trois grands vainqueurs de 2007 faisaient montre d'un rejet des appareils et emportèrent l'adhésion des français sur leur personne et non sur leur parti d'où, des difficultés avec ceux-ci. Pour François Bayrou, c'est tellement vrai qu'il a dissous l'U.D.F en un membre fondateur du MODEM. Toute la campagne de Ségolène Royal a consisté à chasser les éléphants du P.S tels Fabius, Jospin ou Strauss-kahn, à tel point que ces derniers l'ont soutenu très mollement durant la campagne. Quant à Nicolas Sarkozy, si le rejet de son parti semble moins évident, il faut rappeler qu'il s'est fait le chantre de la droite décomplexée, achevant ainsi le démembrement du gaullisme au sein de l'U.M.P et menant une lutte perpétuelle contre les caciques chiraquiens du parti.
Le point commun de ces trois candidatures était le rejet des lignes de démarcation, des appareils et des partis. Chacun a tenté par son style et sa fougue, de se singulariser le plus franchement possible par rapport au passé : les éléphants du P.S ont été délaissés, les barons de la droite ont été chassés et les ténors de l'U.D.F ont dû prendre acte de la nouvelle politique de François Bayrou. Cette affirmation de la préexistence du candidat sur le parti, de la singularité sur la tradition et de l'individu sur le collectif emporta l'adhésion des français. Au premier tour, ces trois candidats emportèrent plus de 70% des voix. C'était un plébiscite.
Quatre ans plus tard, le constat est sans appel : les mêmes emporteraient à peine 30%.... Où sont donc parties ces voix ?
Les résultats de la primaire socialiste donnent un premier élément de réponse : en votant massivement pour François Hollande et Martine Aubry, les sympathisants de gauche (ou apparentés) contredisent les électeurs de 2007 et envoient un message fort : c'est le grand retour des hommes de parti. François Hollande, longtemps premier secrétaire du P.S et Martine Aubry, ancienne ministre et fille de Delors, qui mieux qu'eux pour représenter les éléphants ?
A droite, même constat. Il suffit pour cela de consulter les divers sondages. Ceux qui gagnent le plus de voix sont.... Les anciens barons de la droite, les chiraquiens... Au premier rang desquels Alain Juppé. Enfin au défunt U.D.F, le retour de figures de centre-droit telles Jean-Louis Borloo voire même d'anciens membres de l'U.M.P comme Dominique de Villepin rappelle les origines droitistes et l'historique du centre français en tant que force politique mettant fin au " ni... ni " de François Bayrou. Il y a donc un retour aux sources de la part des électeurs français, qui renient clairement 2007.
Le spectre de Jacques Chirac
La fin de la rupture et la réconciliation avec les partis et les hommes d'hier sont donc totales. Le français de 2011 renoue ainsi avec la force tranquille de Mitterand, et l'apparente bonhommie du Chirac des années 2000 (au risque de l'inaction ?)
L'ancien président est le symbole de ce revirement. S'il est trop fatigué et occupé par les nombreux procès qui l'attendent pour être faiseur de rois, le corrézien est bien le deus ex machina malgré lui de la politique française actuelle. Jacques Chirac détestait Nicolas Sarkozy qu'il jugeait populiste, méprisait Royal qu'il jugeait futile et ne faisait pas confiance à François Bayrou. En choissisant ces trois candidats, la France de 2007 exprimait à Jacques Chirac son rejet dans les grandes largeurs. Mais... Quatre ans plus tard, en recentrant Villepin (grand ami de Chirac), en donnant ouvertement sa préférence à Alain Juppé plutôt qu'à Nicolas Sarkozy (autre ami de Chirac) et en votant massivement Hollande aux primaires citoyennes (ce dernier est soutenu, sous forme de boutade par Chirac), la France de 2011 se réconcilie avec celle de 95 et de 2002 et renie 2007. Comment interpréter ce changement ?
En témoignant de leur confiance aux ténors des partis et en renouant avec la période des Mitterand et des Chirac tout en rejetant les héros de 2007, les français envoient un message fort : les partis politiques, leurs idées originelles (ou du moins envisagées comme telles) passent avant le charisme d'un éventuel candidat (Hollande et Juppé sont évidemment les parangons de ce rencentrage).
Quand les Indignés rejoignent les éléphants
Le paysage politique français est donc redessinné en profondeur. Un simple coup d'oeil sur la cartographie de ce paysage politique suffit pour s'en convaincre. Les grands partis reprennent la main sur leur candidat. Pour les français, il s'agit de se rassurer, de faire confiance à des profils d'hommes et de femmes politiques qui ont cette faculté de synthèse, d'apaisement et cette figure paternaliste et calme de bonhomie chiraquienne (Hollande est le chantre de ce système) sur le modèle des barons de la droite et des éléphants de la gauche.
Pourtant, de l'autre côté de l'échiquier politique, les partis extrémistes ou non traditionnels (selon le parti-pris de chacun) ne cessent de gagner du terrain. Le Front national se situe toujours entre 15 et 20% et il y a fort à parier que le Front de Gauche de Jean Luc Mellenchon franchisse le seuil des 10%. Cette France qui vote extrême (ou non traditionnel) envoie un tout autre message : se sentant délaissée, sans emploi, sans avenir, elle exprime son mécontentement à travers un vote de rejet. Que ce soit un rejet de façade ou en profondeur, que ce soit un rejet de l'autre et/ou du système et/ou de la classe politique, que ce vote du mécontentement soit par la négation (peur de l'autre) ou positif - au sens philosophique - (par la proposition) cette France exprime massivement son inquiétude face à la crise des subprimes et son dernier né, la crise de la dette.
Il faut pourtant se garder d'opposer de façon binaire cette France des indignés et la France des partis et des hommes politiques rassurant et modérés. Au contraire, il semblerait qu'en recherchant d'un côté, à être rassurée, à réduire les clivages sociaux et à prôner l'union et de l'autre côté, en rejetant le tout individualisme et le système actuel, la France puise dans son histoire (idéalisée ou non) et cherche à renouer avec ses origines de modèle social et d'intégration.
Quel que soit le vainqueur de la primaire socialiste dimanche prochain, et quel que soit le ou la présidente élu(e) en mai prochain, il ou elle devra garder en tête cette exigence des françaises et des français : ce double appel au retour à la tradition française des droits de l'homme et de l'ouverture d'esprit et ce besoin de changement du système du tout individuel. Mais il ne faudra pas pour autant oublier, si un homme ou une femme de parti triomphe qu'il faut agir et ne pas se contenter de perpétuelles synthèses ou de mollesse comme cela a souvent pu être reproché à Jacques Chirac (à tort ou à raison). Si les français d'aujourd'hui cherchent la paix et le calme, la cohésion, la justice sociale, l'égalité des droits, l'accès au logement et à l'emploi sont autant de chantiers nécessaires qui interdisent le statu quo.
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