À propos d’alliances
Quelles alliances pour demain ?

En fait, je crois que cette tentation n’a jamais complètement quitté les esprits de ceux qui, au Parti Socialiste, songent à la présidentielle.
LA GAUCHE EST MINORITAIRE EN FRANCE
Il y a deux données que nul ne peut ignorer :
* la première est que la droite est actuellement unie autour de Nicolas Sarkozy. Les concurrents internes au parti sarkozyen ont pratiquement été tous engloutis. La gauche, par contre, est divisée comme elle ne l’a jamais été depuis fort longtemps. Même l’extrême-gauche a éclaté en 4 ou 5 courants. Ce fait est fondamental pour envisager toutes les élections à venir.
* l’autre donnée est, elle, très ancienne : structurellement et depuis très longtemps (déjà Mitterrand le soulignait en son temps), la gauche est minoritaire en France. Ce qui ne veut pas dire pour autant que la droite est toujours majoritaire : car il y a toujours la présence d’un centre charnière entre les deux camps. Et il a d’ailleurs fallu le poids personnel d’un Mitterrand pour inverser exceptionnellement cette réalité-là pendant seulement quelques années. Depuis....
Devant ces deux données fondamentales, tous ceux, à droite comme à gauche, qui pensent aux futures élections, pensent aussitôt aux alliances possibles et nécessaires pour l’emporter. Or ces alliances ne sont pas si nombreuses que çà.
L’extrême-gauche, on sait qu’elle ne veut pas collaborer : mais on peut seulement considérer que son électorat, dans un second tour où figurerait un candidat de gauche, sera beaucoup plus unitaire qu’elle-même et portera ses voix majoritairement sur celui-ci. Un facteur bien ténu cependant.
Il reste donc le centre. Et là, il faut admettre que François Bayrou occupe pleinement le terrain avec un parti derrière lui qui a sa dynamique propre en terme d’adhérents, même s’il n’a actuellement que peu d’élus. Il est omniprésent sur la scène politique malgré tous les efforts désespérés de l’Élysée pour étouffer sa voix.
François Hollande découvre donc aujourd’hui ce qu’il reprochait hier à son ancienne compagne : il replace indirectement, par son appel, le débat sur le fond.
Où SE SITUE LE P.S. ?
Où se situe aujourd’hui le P.S. ? Est-il sur une ligne résolument de gauche avec ce qui reste de son traditionnel allié communiste et le risque permanent de courir derrière la surenchère Besancenot ? Ou est-il sur une ligne ouverte au centre, débarrassée des vieux oripeaux idéologiques ?
Cette dernière posture, assimilée par beaucoup de militants socialistes à une compromission avec “l’ennemi héréditaire”, est évidemment la moins populaire. Rejet qui tient aussi à la personnalité même de François Bayrou dont nul n’ignore l’ambition.
Mais, parallèlement, un constat commence à être partagé par quelques-uns au P.S. (dont François Hollande) ; "l’antisarkozysme forcené" actuel du P.S. a un double effet pervers : il traduit d’abord l’absence d’idées fortes et neuves au sein du P.S. ; ensuite, et comme le soulignait Manuel Valls, cet antisarkozysme primaire “affaiblit la crédibilité de la gauche en l’obligeant à l’outrance : elle devient celle qui craint tout”.
Donc le P.S. se meurt, asphyxié d’un côté par l’hyperactivité de Sarkozy, handicapé d’un autre par la popularité de Besancenot, mais aussi gêné par la présence d’un François Bayrou. Et, enfin aussi, par le trop-plein de présidentiables qui, tous, n’ont pas l’étoffe d’un chef incontestable. C’est là tout le problème actuel du P.S..
À cet appel du pied de Hollande, on peut observer que Bayrou, en fin politique qu’il est, n’y a répondu que très froidement : il n’est pas là pour voler au secours d’un P.S. agonisant.
LES PRÉSIDENTIABLES
Si la gauche est donc divisée, non seulement au sein de la gauche démocratique - qui empêchera une Ségolène Royal de se présenter aux présidentielles avec, ou même sans, investiture officielle du P.S. ? - mais aussi au sein de l’extrême-gauche, il devient évident que François Bayrou, au second tour, a les plus grandes chances de l’emporter face à un Sarkozy se représentant face aux suffrages des français.
François Bayrou, hors son intelligence et sa grande capacité tactique, a, au moins, trois atouts pour lui : c’est le meilleur et le plus dur opposant à Sarkozy. C’est un opposant “de l’intérieur” qui a siégé longuement aux côtés de Sarkozy dans des responsabilités ministérielles. Bayrou est, enfin, le meilleur candidat de second tour pour battre Sarkozy.
Il faut par ailleurs constater qu’en France il y a peu de présidentiables crédibles. Outre Sarkozy qui occupe déjà la fonction, il y a la “star” médiatique Royal et..... Peut-être Strauss-Kahn (s’il sait se débarrasser de quelques casseroles qui traînent derrière lui). Et il y a enfin.... Bayrou. Aubry n’en a pas la stature, Hollande, pas davantage.
Donc, face à ce constat, nous retombons inévitablement dans le problème des alliances. L’hypothèse centriste est incontournable : l’hypothèse d’un Bayrou élu Président de la République n’a rien d’absurde.
Ce qui ne veut pas dire que sa candidature n’est pas fragile pour autant. Historiquement, les candidats du “centre (droit ou gauche)" ont, jusqu’ici, toujours été battus par des candidats situés plus à droite : Poher, présenté comme vainqueur, a finalement été battu par Pompidou, Chaban-Delmas par un Giscard situé plus à droite, Barre par un Chirac, Balladur, pareil. Ceci veut dire que le candidat du “centre” n’est pas choisi prioritairement par la droite qui préfère finalement un candidat à elle.
BAYROU EST-IL DE GAUCHE ?
L’élément nouveau apporté par Bayrou est qu’il est, ou donne l’impression qu’il est, en train de changer de camp. Car, longtemps, il a été aggloméré à la droite. Sa critique soutenue aujourd’hui contre la nouvelle société prônée et soutenue par Sarkozy donne le sentiment qu’il est maintenant de gauche. Ce conflit de deux conceptions de la société est-il suffisant pour le considérer être de gauche ? J’en doute fort.
Bayrou a-t-il un programme écrit qui permettrait de trancher cette question ? Non. Car Bayrou a toujours affirmé qu’il se moquait éperdument des programmes. Pour ma part, je considère qu’il a raison.
LA POLITIQUE EST QUESTION DE POSITIONNEMENT
La politique n’est pas une question de programme. Pas davantage une question d’homme. C’est une question de positionnement.
L’habileté de Bayrou - et il démontre combien il est fin stratège - est de dire qu’il y a aujourd’hui en France une droite qui "s’américanise" (discrimination positive, notarisme, “bling-bling”, culte de l’argent, Otan, etc....). Sarkozy l’y aide beaucoup en cela : Sarkozy, c’est les U.S.A., ce n’est plus la France. Et quant au socialisme français ? Il peine, lui, à se débarrasser des vestiges de l’Union Soviétique : ils en sont sortis pour aller nulle part. C’est le triomphe de l’archaïsme. Et, face à cette droite américaine d’une part, face à cette gauche aux scories soviétiques d’autre part, Bayrou se situe, lui, comme un français républicain pur jus, défendant les valeurs républicaines, notamment celles de solidarité. "Liberté, Égalité, Fraternité"
LA "VRAIE FRANCE"
La vraie France - dixit Bayrou - ce n’est pas Sarkozy. “Moi, Bayrou”, je suis républicain, je suis anti discrimination positive, je suis anti-commutariste, je suis chrétien mais ultra-attaché aux valeurs laïques, etc...."
À remarquer d’ailleurs que le Président du Mouvement Démocrate est, et a toujours été, plus républicain que démocrate. Ce n’est pas là le moindre paradoxe du personnage Bayrou.
Bayrou se positionne donc comme un républicain français, face a un libéral américain (Sarkozy) et face aussi à un socialisme teinté de soviétisme à la Aubry.
Ce positionnement-là, avec les nations qui sont derrière, avec les modèles politiques qui sont derrière, c’est évidemment très puissant. C’est là que réside la vraie force politique de Bayrou.
Le seul problème ? Est-ce que Bayrou sera suivi dans ce positionnement franco-républicain par un électorat suffisant, notamment par celui d’un centre traditionnellement atlantiste, libéral et plus démocrate que républicain ?
Seul l’avenir nous le dira.
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