À propos des nouveaux discours
LE TÊTE À QUEUE DE Mr SARKOZY
À en juger - pour commencer - par un article paru dans le Nouvel Observateur et dicté par Mr Sarkozy, il semble que celui-ci opère actuellement un véritable “tête à queue”.
Y aurait-il rupture ? Non : il y a, au contraire, continuité, une continuité qui va bien au-delà de ce qu’on pouvait imaginer. On nous avait dit, il y a peu encore, que le “modèle français” était “hors course”, qu’en raison de la mondialisation il fallait désormais s’inspirer du modèle américain. Or, aujourd’hui, à en croire Mr Sarkozy, voici que le modèle français est devenu soudain “excellent”, et même que la crise actuelle lui donnait une “nouvelle chance”. Cette réhabilitation nouvelle de la social-démocratie “à la française”, qu’hier encore on enterrait, est un événement dont l’importance ne peut échapper aux observateurs de la pensée élyséenne.
Il y a vraisemblablement, dans cette nouvelle posture, un constat qu’a du dresser entre-temps Mr Sarkozy (on ne peut lui nier le sens de l’opportunité) : Mr Sarkozy réalise qu’aujourd’hui la “vraie gauche” est incarnée désormais par les syndicats. Elle n’est plus incarnée ni par le Parti Socialiste, ni par le NPA., ni par quelqu’autre parti politique que ce soit. Les vrais interlocuteurs de la gauche ont désormais pour nom Thibaut, Chéréque, ou Mailly.
Or, quels sont les sujets les plus difficiles et délicats que va avoir à traiter Mr Sarkozy dans les deux prochaines années ? Il est fort à parier, qu’avec l’explosion des déficits, le sujet des retraites va revenir avec plus d’acuité que jamais. On va revenir sur la pénibilité, sur la durée des cotisations pour ouvrir les droits pleins, sur la question de l’âge, etc....
UN DISCOURS CHIRAQUIEN
Si donc on observe que le nouveau discours de Mr Sarkozy est devenu plus “chiraquien” que jamais, c’est vraisemblablement parce qu’il a conscience du rôle majeur des syndicats dans cette (r)évolution.
Seule paille incrustée dans cette nouvelle stratégie : en général les syndicats développent les problèmes, souvent avec beaucoup de pertinence, mais, en contre-partie, ils n’apportent pas de solutions, au contraire des partis politiques. Ce n’est d’ailleurs pas le rôle des syndicats. Ce qui laissera les mains libres à l’hôte de l’Élysée. Quelle exceptionnelle opportunité que voilà pour agir et décider à sa guise et sans réelle contrainte !
Autre changement aussi dans le discours sarkozyen : il n’est plus question aujoud’hui de “discrimination positive”. Même sa conception de la laïcité semble avoir, elle aussi, évolué.
On écarquille donc les yeux : on a le sentiment d’une sorte de “retour à la case départ”. Tout ce qui avait fait l’originalité de sa politique depuis deux ans s’est évanoui. Désormais, Mr Sarkozy semble faire essentiellement du court terme, du pilotage à vue, vouloir s’adapter davantage à l’événement. Il le fait d’ailleurs mieux que son opposition ! Et on revient à une politique beaucoup plus conventionnelle, avec des négociations sociales “à la française”, version chiraquienne.
Bien sur, dira-t-on à juste titre, il peut y avoir dans cette intervention au "Nouvel Obs" une manœuvre de “com” dont il est, dans ce registre, un expert coutumier. Il met intelligemment à profit l’éclaircie que lui procurent et son succès relatif aux européennes et son remaniement ministériel plus marquant que prévu. Mais cependant, sur le fond, il a escamoté les vrais problèmes, ceux les plus sérieux que traverse notre pays.
QUI EST LE VRAI NICOLAS SARKOZY ?
Sur le plan tant budgétaire que financier, l’annonce d’un grand Emprunt National, s’il n’est sollicité que sur les marchés financiers, ne sera pourtant qu’un coup d’épée dans l’eau. Son lancement, par contre, auprès des particuliers ou des institutionnels français, est abordé fort maladroitement, sans aucun appel à la fibre patriotique : il fallait que cela soit entrepris sans délai. Lancé plus tardivement, son impact sera amoindri. Le prétexte utilisé pour retarder le lancement de cet emprunt qu’il faudrait "préalablement déterminer les priorités d’investissement" est complètement “bidon” : qui peut croire un instant que ces priorités ne sont pas déjà largement connues de tous ? On nous prend pour des naïfs.
À remarquer encore que la résorption de la dette publique n’est même pas abordée par Mr Sarkozy. On fait l’impasse de cette dette abyssale alors qu’il s’agit du point le plus important pour la population et les nombreuses générations à venir.
Changement (anecdotique) aussi de discours dans le style : “J’ai changé, j’ai fait des erreurs, je suis enfin parvenu à entrer dans la fonction, le Fouquet’s a été une erreur puisqu’il n’a pas été compris des français”. On veut bien. Mais par contre aucune reconnaissance de l’erreur du bouclier fiscal et des injustices sociales qu’il a entraînées.
La question reste donc entière : qui est le vrai Nicolas Sarkozy ? Quel crédit accorder à cette repentance très médiatique ? Je n’ai pas de réponse. Accordons-lui simplement le bénéfice du doute..., sous réserve d’inventaire....
L’ATONIE DU PARTI SOCIALISTE
Autres nouveaux discours que l’on entend aussi depuis le 7 Juin : ceux issus du Parti Socialiste. Et là on doit constater, avec plus d’acuité que jamais, qu’il n’y a toujours pas de vrai leader.
Pourtant le P.S. a des tas de choses à dire aux français : le problème du P.S. est que Mr Sarkozy occupe aujourd’hui tout l’espace social-démocrate. Et tout ce que le P.S. aurait normalement pu dire (dans un schéma “classique”), c’est Mr Sarkozy qui le dit à sa place. Et le P.S. de devoir désormais se contenter de préconiser quelques modifications de second ordre. Et encore il se force à trouver ses “autrements” ou ses particularismes pour exister car, sur les grandes principes, il n’a rien à opposer à Mr Sarkozy.
Le nouveau sujet à la mode au Parti Socialiste ? Faut-il garder l’épithète “socialiste” dans le nom du P.S. ? Çà pourrait s’appeler.... le “Parti Démocrate” ? Mais le nom est déjà occupé par Bayrou ! Pas de chance !
Redevenons sérieux..
LE P.S. A TOUT PERDU DE SON HÉGÉMONIE
Le vrai problème du P.S., c’est qu’il a perdu totalement son hégémonie sur la gauche française. Hégémonie conquise au forcing, il est vrai, en 1980/1981, par François Mitterrand. Et face à cela, Mr Sarkozy, lui, a réussi à établir la sienne sur la droite.... en l’incarnant à lui seul, toute entière. Le jeu est donc devenu déséquilibré pour le P.S..
Enfin, comme je l’évoquais plus haut, il y a les hommes (et les femmes) qui voudraient bien incarner le P.S. : mais ils sont tellement nombreux que nul ne peut plus s’imposer. Et de se neutraliser l’un l’autre en s’épiant comme chiens de faience. De plus, ils sont tous devenus trop embourgeoisés pour être désormais crédibles. Enfin, depuis, chacun voulant quand même s’exprimer à sa manière, on assiste à une éclosion spontanée de nouveaux courants : il y en aura bientôt autant que d’adhérents !.
C’est, on peut l’observer, l’inverse des mœurs politiques à l’américaine (sans vouloir pour autant calquer la politique française à la politique américaine) : aux USA, un homme politique qui a perdu une élection majeure disparaît dans l’ombre et fait place à d’autres hommes ou femmes qui se hissent au premier plan. C’est un renouvellement constant. Ce n’est pas une pratique devenue encore courante en France : il n’y a pourtant pas qu’au P.S. il y ait des “pachidermes” usés par les épreuves et les échecs successifs.
LES DOUTES DU MOUVEMENT DÉMOCRATE
Enfin, autres discours aussi : ceux que l’on entend au Mouvement Démocrate, dans l’entourage même de François Bayrou.
Les lendemains de défaite ont été douloureux pour les militants du MoDem. Leur président a eu beau assumer la responsabilité de ce "gadin électoral" (comme il le dit lui-même), les interrogations, les doutes et les revendications n’ont pas tardé à émerger. Et Bayrou lui-même de battre sa coulpe.
Le problème du Mouvement Démocrate est sa personnalisation excessive autour de son leader : celui-ci conduit une stratégie tournée surtout vers l’échéance présidentielle de 2012. Même si cette échéance est la clef de tout avenir politique pour quelque mouvement ou parti politique que ce soit, au-delà des hommes ou des femmes qui conduisent ce parti, cela constitue finalement un véritable handicap. À terme, peut-être même un piège qui risque de se refermer sur lui. Et, de surcroit, le Mouvement Démocrate, trop jeune encore pour avoir de vraies structures et devenir une "machine de guerre" puissante face à ses partenaires "institutionnels", n’est pas encore suffisamment armé pour affronter les autres échéances électorales.
Le mauvais score du 7 juin a aussi servi de révélateur à un autre malaise, lui déjà ancien : les militants regrettent que l’espoir de faire de la politique “autrement” ait laissé place à “des affrontements internes opposant d’anciens UDF aux nouveaux militants du MoDem”. Et à trop se consacrer à ces luttes subalternes, ils ont perdu de vue les vraies priorités et leurs exigences de cohérence.
LE MOUVEMENT DÉMOCRATE : UN PROBLÈME CULTUREL
Car le MoDem est essentiellement un parti de militants, et non un parti d’élus et de cadres, comme l’était autrefois l’UDF. C’est un problème culturel. C’est d’ailleurs là l’erreur de ceux qui tentent de ressusciter l’ancienne UDF, comme le "Nouveau Centre" (totalement inféodé aujourd’hui à l’ancien rival historique que fut de tout temps le RPR, devenu depuis l’UMP), ou "l’Alliance Centriste" de Jean Arthuis qui recherche vainement, pour exister, quelques fossiles de l’ancienne UDF.
La faiblesse du Mouvement Démocrate est donc que, hors François Bayrou..., il n’y aurait plus de MoDem ! (Il le sait, je l’ai déjà dit ! Et je ne dois pas être seul à l’avoir dit !). Mais la force de ce Mouvement est et reste.... François Bayrou lui-même. Il faut ne voir aucune contradiction dans ces deux affirmations.
Bayrou est un homme d’exception, un "pur", un "droit" qui a des tas d’idées sur tout. Mais - comme le rappelait un militant - il n’a pas de slogan accrocheur, pas de mise en cohérence.
Pendant la campagne des européennes, par exemple, le MoDem avait un programme bien bâti : mais il a été diffusé trop tardivement, trop peu massivement, et rares sont ceux qui ont pu le lire. Le programme du MoDem, par exemple en matière d’écologie, n’avait rien à envier à celui d’un Cohn-Bendit (et celui-ci le savait fort bien, d’où sa combativité accrue face à Bayrou).
Mais Bayrou est aussi un homme seul, un “homme-orchestre” : tout repose sur ses seules épaules. Son livre “Abus de Pouvoir” a été un succès de librairie très mérité, parce que juste (et superbement bien écrit) : mais s’il constituait en filigrane surtout un projet de société face et en opposition à celui de Nicolas Sarkozy. Il n’était pas pour autant un projet européen.
Je persiste à croire que toute stratégie basée surtout sur des “antis” (anti-untel, anti-cela) porte en soi l’échec. À avoir trop fait une campagne des municipales “anti” untel (dont le bilan pouvait être améliorable sans être pour autant détestable), sans proposer en contre-partie un autre programme propre à susciter l’enthousiasme des électeurs, nous avons perdu bien des municipalités. À avoir encore trop fait une campagne “anti-Sarko” sans autre proposition lisible à mettre en face, c’est Sarko qui a gagné l’élection. Loi impitoyable que voilà....
Le Mouvement Démocrate doit donc redevenir central..., situé au vrai centre, lieu de rencontre naturel de tous les démocrates : car tout parti qui revendiquerait être “le” centre, tout en affirmant qu’il est aussi ou à droite ou ailleurs ("centre-droit" ou "centre-gauche", par exemple), n’est plus du tout au centre. Il ne peut plus par ce positionnement partisan ni fédérer ni rassembler. C’est un non-sens, une supercherie que d’affirmer le contraire.
François Bayrou se doit donc de remobiliser à nouveau, avant l’échéance présidentielle de 2012. Ce n’est pas en convoitant les programmes de partis voisins qu’il parviendra à la mobilisation de ses militants autour de leurs propres convictions et leurs propres valeurs. C’est aussi, là, une autre réalité politique.
“Eux, c’est eux ; nous, c’est nous”. Il n’y a pas d’ambivalence possible sur le sujet.
Quand je vous disais que d’autres discours sont en train de naître.... Nous n’en avons pas fini de ces changements de discours, loin de là.
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