Abstention, vote FN : et si c’était la faute du système électoral ?
Pour exprimer leur mécontentement vis-à-vis de la classe politique, les électeurs français n’ont aujourd’hui que deux possibilités. S’abstenir ou voter pour les extrêmes. Ce n’est sans doute pas un hasard si ces deux comportements électoraux progressent de concert depuis plusieurs années.
Abstention, vote FN : un même problème
A l’exception des présidentielles, les autres élections souffrent d’une désaffection de plus en plus préoccupante. Le phénomène est particulièrement marqué depuis 2007 et a connu un tournant lors des européennes de 2009 lorsque le taux de participation est passé pour la première fois sous la barre des 50 %.
Quant au Front , il n’est pas utile de revenir une énième fois sur sa montée en puissance depuis 25 ans et le surcroît d’attractivité dont bénéficie ce parti depuis que Marine Le Pen en a pris la tête.
Bien-sûr, l’abstention peut s’expliquer par une indifférence vis-à-vis de la politique et le vote FN par la volonté d’affirmer son attachement à des valeurs et à une certaine vision de la société. Mais toutes les études montrent que l’abstention, comme une partie du vote FN, est motivée par un rejet de l’offre politique.
Tout le problème aujourd’hui c’est que cette distance vis-à-vis de la classe politique ne trouve pas d’autre moyen de s’exprimer. Les récentes déclarations de Dominique de Villepin en faveur de l’instauration du vote obligatoire semblent de ce point de vue en total décalage par rapport au sujet. Ce n’est évidemment pas en contraignant les Français à voter que l’on reflètera plus justement cette opinion qui refuse de souscrire à l’offre électorale qui lui est proposée.
Vote blanc, vol nul : une confusion méprisante
Il n’existe en fait qu’une seule solution : la reconnaissance officielle du vote blanc. La loi assimile aujourd’hui le vote blanc au vote nul. Or ces deux votes n’ont rien à voir.
Alors que le vote nul procède de l’erreur ou de la malveillance, voire de la volonté délibérée de rendre toute interprétation impossible, le vote blanc exprime à la fois un attachement à la démocratie et un rejet de l’offre électorale.
Assimiler l’un et l’autre relève non seulement d’un contresens mais également d’une certaine forme de mépris à l’égard d’un avis qui se veut certes contestataire mais néanmoins réfléchi et nuancé.
Jusqu’à présent, les adversaires de la reconnaissance du vote blanc se sont appuyés sur la nécessité de réviser la Constitution et son article 7 qui énonce que le Président de la République doit être élu à la majorité des suffrages exprimés.
Cette réserve ressort d’un problème plus large : l’éventualité qui ne peut être exclue de voir des candidats élus par une majorité qui ne serait pas absolue.
En réalité ces réserves n’ont de fondement que si l’on souhaite intégrer les votes blancs aux suffrages exprimés. La Suède elle, a choisi une voie plus simple consistant à identifier et comptabiliser de façon distincte les votes blancs. Que ce pays qui a adopté cette disposition depuis la Seconde Guerre Mondiale parvienne à bénéficier d’un taux de participation important et à contenir la montée de l’extrême droite n’y est sans doute pas étranger.
Certes, un vote blanc ainsi conçu ne contribue pas, même indirectement, à désigner des représentants. Mais il devient urgent de sortir d’une conception utilitaire de l’élection. Un scrutin ne devrait pas servir simplement à élire. Il doit constituer également un moment privilégié pour permettre à l’opinion de s’exprimer, y compris quand elle n’a pas d’opinion arrêtée ou qu’elle marque son rejet de l’offre électorale.
A défaut de reconnaître à l’élection cette fonction d’expression de l’opinion, on ne peut pas s’étonner que les sondages prennent le relais en même temps que l’abstention et le vote FN. Si l’on ne veut pas voir un jour nos institutions démocratiques élues par une minorité d’électeurs, en particulier le Parlement, ni que la violence se substitue au bulletin de vote, il faut franchir ce pas symbolique qu’est la reconnaissance du vote blanc.
Franck Gintrand
avec le concours de Charles Gauthier
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