Aux USA et en Allemagne les retraites par capitalisation dans le rouge
La meilleure que j’ai entendue à propos de la retraite sur un plateau télé, qui appartient forcément à un de nos oligarques multimilliardaires, c’est « Enfin, la vraie fin de l’État-providence par la responsabilisation individuelle des salariés ». Le Point, qui appartient à François Pinault, troisième fortune française, nous disait le 29/03/2023, « Retraite : pourquoi la capitalisation est plus solidaire que la répartition ». Adrien Blum, directeur général et associé de Gay-Lussac Gestion, société de gestion de portefeuille, vous conseille dans « Les Echos » du 08/08/2023, qui appartient à la première fortune de France, Bernard Arnault, de « prendre le contrôle de sa retraite : il est urgent de se constituer un capital en complément du régime général ! » … toutes ces personnes vous veulent du bien, c’est évident !
Aux États-Unis, par exemple, une étude nous apprend (1) qu’il faut se créer un capital de 1,5 million de dollars pour se préparer une retraite disons moyennement confortable. C’est une augmentation de 50 % depuis 2020 et de 16 % de plus que l’année dernière, lorsqu’une personne typique avait besoin de 1,3 million de dollars. Ce sont les générations qui sont nées après 2000 qui auront le plus besoin de capital pour prétendre à une retraite décente. Pourquoi la retraite est-elle devenue si chère ? L’augmentation du coût de la vie, l’allongement de l’espérance de vie et d’éventuelles réductions futures des prestations de sécurité sociale en sont quelques-unes des raisons. Mais il y a aussi le renchérissement des actifs financiers qu’il faut acquérir pour se constituer sa retraite, renchérissement qui a pour contrepartie la baisse des rendements que l’on peut obtenir. Pour être intéressante, la retraite par capitalisation doit … capitaliser ! or aux niveaux actuels ce qui est promis ce n’est pas la capitalisation mais la destruction. Se constituer une retraite par capitalisation devient exorbitant ! Le niveau des cours de bourse, le bas niveau des taux d’intérêt réels se conjuguent pour faire du pari sur les retraites par capitalisation un pari perdant. Sans compter les commissions scandaleuses qu’il faut payer entre temps. Avant, avec une performance moyenne de long terme de 8 à 9% sur les actions, on pouvait espérer être à l’aise, mais maintenant c‘est fini ; les actifs financiers que vous achetez pour votre retraite sont trop chers, surévalués et en plus leur prix chutera peut-être à un mauvais moment pour vous ! Pour mettre cela en perspective, l’Américain moyen ne dispose que de 65 000 $ d’épargne, soit 22 fois moins que ce dont il a besoin pour sa retraite.
En Allemagne, la retraite par capitalisation a produit plus de pauvreté que de capital (2). Pour limiter le poids des dépenses de retraite par répartition, l’Allemagne finance, depuis vingt ans, des dispositifs de capitalisation qui s’avèrent inégalitaires et inefficaces pour maintenir le niveau des pensions. Les plus de 65 ans ne parviennent plus à survivre au coût de la vie, selon une étude d’Eurostat. Le rapport annuel de 2021 d’Eurostat (3), mettant à jour le « taux de risque de pauvreté des retraités en Europe » était déjà affligeant. 19,4 % des retraités allemands vivraient sous le seuil de pauvreté. Parmi les plus touchés, 11 % des allemands de la tranche d’âge comprise entre 65 et 74 ans se voient dans l’obligation de continuer une activité professionnelle pour tenter de sortir de la précarité dans laquelle ils se trouvent. Malgré l’effort d’épargne engagé durant des années par les salariés allemands, le rendement de leur épargne-retraite ne dépasserait pas les 2 %. Cet état des lieux s’explique, en partie, par l’augmentation des frais appliqués par les assureurs, à hauteur de 20 à 30 % par contrat. Ces pratiques controversées font réagir de nombreux épargnants, n’hésitant plus à solliciter l’aide de la justice pour obtenir gain de cause.
En France, la propagande pour faire accepter la retraite par capitalisation n’est pas d’aujourd’hui. La grande offensive vient des années 1999, c’est un membre du conseil d’analyse économique de Lionel Jospin, M. Olivier Davanne, ancien de la banque d’affaires Goldman Sachs, qui développe l’argumentaire suivant, digne d’un courtier de compagnie d’assurances : « L’épargne-retraite correspondant généralement à un placement de longue durée, le différentiel de rendement entre les systèmes joue avec un extraordinaire effet de levier sur l’épargne nécessaire pour préparer sa retraite : un franc immobilisé pendant trente ans devient soit 1,8 franc, soit 4,3 francs, selon qu’il est placé à 2 % (rendement du régime par répartition) ou à 5 % (ordre de grandeur raisonnable pour le rendement sur une longue période d’un portefeuille diversifié). Ainsi, à l’évidence, pour atteindre un même niveau de prestations, un système fondé sur l’épargne est beaucoup moins coûteux (4). », encore un qui nous veut du bien !
Croire en des pronostics fait sur ce que sera la retraite par répartition dans 40 ans par des personnes qui sont incapables de prévoir ce que sera la croissance dans un an (5), c’est absurde. Faire croire que la retraite par capitalisation est la meilleure des solutions alors que personne n’est capable de prévoir quels seront les taux de rendements des actions dans 40 ans est également absurde. Dans les deux cas il faut que la richesse du pays augmente, que l’économie se porte bien et crée des emplois, donc si c’est le cas autant garder la retraite par répartition. Si l’économie va mal et que l’on rentre en période de récession, adieu la capitalisation, et alors il vaudra mieux avoir une retraite par répartition. Donc dans tous les cas la répartition est préférable à la capitalisation, sauf pour les grandes banques et les fonds de pension qui veulent gérer votre argent, le faire travailler sur le court terme et vous laissent les risques sur le long terme… bien sûr, ces personnes ne veulent que votre bien, tout votre bien !
Ref :
(1)Brunobertez. com, le 08/04/2024 : « Les retraites par capitalisation deviennent inabordables, vers la crise des retraites capi. ». (2) alternative économique, le 11/03/2024 : « En Allemagne, la retraite par capitalisation a produit plus de pauvreté que de capital ». (3) Selexium, le 17/04/2023 : « Pourquoi la retraite en Allemagne plonge-t-elle 19 % des retraités dans la pauvreté ? ». (4) Le monde diplo, Février 1999, pages 1, 4 et 5 : « jouer sa retraite à la bourse ». (5) Ouest France, le 18/02/2024 : « La croissance revue à la baisse, Bruno Le Maire annonce un plan d’économies de 10 milliards d’euros »
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