Bal tragique aux Européennes : 2 morts
Martine Aubry et surtout François
Bayrou sont les deux grands perdants des élections européennes. Les rares
électeurs votants n’ont pas été séduits par la molle ambiance socialiste et ont
renvoyé vertement François Bayrou à son Modem de plus en plus bas débit, au
profit de Daniel Cohn Bendit, grand vainqueur avec Sarkozy.
Il aura fallu attendre 22 heures pour que François Bayrou s’exprime enfin. Les émissions spéciales des chaînes de télévision, sauf France 2, étaient bouclées depuis bien longtemps quand le petit homme orange s’avança enfin vers les micros. Pour saluer dans un premier temps le succès de l’UMP et des écologistes, et préciser ensuite rapidement qu’il tirerait toutes les conséquences du score de son Parti. Toutes les conséquences, le ton était un brin jospinien, on eut craint 30 secondes que le béarnais ne nous informe qu’il se retirait de la vie politique. Mais non, il faudra attendre. Il a quand même admis s’être trompé, en faisant de sa campagne une diatribe anti Sarkozy, en focalisant toutes ses interventions sur une prétendue dimension nationale du scrutin qui finalement n’est pas apparue. Puis, rapidement, Bayrou s’estompa, visiblement marqué, visiblement abattu. Son amie De Sarnez l’avait annoncé un peu avant, elle avait dit combien son leader était marqué par la défaite, elle qui a pris une grosse veste, (9%) également, dans le scrutin. Le Modem, le soi-disant troisième parti, qui plafonne à 8, même pas 9%, au lieu des 12 ou 13 ou que sais-je espérés par les oranges. Le Modem s’est fait atomiser par Europe Ecologie, et la dernière sortie grandiloquente de Bayrou sur France 2 lors du seul grand débat sur les Européennes lui a coûté très cher : le masque est tombé ce soir-là, et les électeurs, lucides, ont sanctionné implacablement. Bayrou est-il mort ? Oui, ou au mieux en coma dépassé.
Guère plus en forme, Martine Aubry n’a pas sauvé les meubles. Talonnée, presque humiliée par Europe Ecologie, la cheftaine du camp de scouts anarchique de la rue de Solferino a réalisé un de spires scores de l’histoire du PS. La surjouée autant que très téléphonée soi-disant réconciliation avec Royal n’aura pas suffi à rassembler l’électorat de gauche, plus éparpillé que jamais, qui ne fait pas confiance à Martine, et ne lui a pas pardonné d’avoir écarté dans des conditions douteuses, sa grande rivale Ségolène. Peillon lui-même paie les pots cassés, impossibles à recoller, Valls en appelle à la refonte du parti, Moscovici salue la victoire de Sarkozy, Lang se gausse : c’est reparti comme à Reims pour les socialistes, qui peuvent tout juste se consoler de faire partie d’une gauche qui, toute rassemblée, fait plus que la droite. Encore faut-il qu’elle se rassemble enfin, ce qui n’est pas gagné. Besancenot, qui s’en tire pas mal, a déjà indiqué qu’il ne voulait pas entendre parler d’un retour de la revanche de l’union de la gauche, et Mélenchon n’a de cesse de brocarder l’attitude lamentable du PS actuel. Aubry est de nouveau isolée, et il ne passera pas grands jours, sans doute, avant que Royal ne pointe le bout de son nez dans cette messe là. Royal qui pourrait s’amuser, toute la nuit, à recompter les bulletins pour voir si Martine fait 2 ou 3, dépassée peut-être in extremis par Cohn-Bendit…
Dany, un des deux grands vainqueurs du scrutin. Lui qui revient de moult batailles, jamais dépassé, jamais démodé, avec son alliance incertaine entre d’anciens paysans repris de justice comme José Bové, et d’ancienne magistrate culottée et courageuse comme Eva Joly, attelage bizarre qui a fait son chemin, pourtant, qui a su imposer ses thèmes favoris de manière audible et claire, à défaut d’être médiatiquement représentée. Certains voient dans le bon score d’Europe Ecologie une des conséquences du marketing quasi viral opéré par les réalisateurs, les producteurs et les financiers de l’horrible film « Home » de Arthus Bertrand. Une explication un peu courte, même s’il ne faut rien négliger, parfois, en terme de capacité des grands communicants à manipuler l’opinion. Mais le parti de Cohn Bendit tient son succès sans doute dans son dynamisme relativement « frais », dans l’impeccable force de conviction dont a fait preuve le leader de ce mouvement, détendu, alerte et rigolard sur la fin de la campagne, comme convaincu déjà de son futur succès. Mais gageons que Cohn Bendit, s’il espérait passer devant Bayrou, doit se retrouver assez surpris de talonner d’aussi près (voir de dépasser qui sait ?) le PS. A la tribune de ses amis, il pavoisait, parlait d’histoire d’amour, et semblait un peu quand même dépassé par les évènements heureux, revendiquant 60 députés écologistes dans le futur parlement européen.
Le seul qui ne s’est pas exprimé dans cette soirée électorale ce dimanche fut sans doute le plus heureux, comblé, satisfait : Nicolas Sarkozy bien sûr. Une sorte de triomphe pour celui qui avait fait de ce scrutin un rendez vous clé pour son parti, pour sa présidence, pour sa politique. Sarkozy a très tôt, et tout à fait volontairement « nationalisé » le scrutin européen. Il est monté au créneau, lui devant, les autres derrière en rangs serrés, avec pour seule mission de gagner. Gagner si possible en se débarrassant de Bayrou, l’ennemi juré. Sarkozy, ces dernières semaines s’était montré persuadé que, dans une « élection à un tour », il pouvait tout exploser. Il n’osait croire que le PS fasse moins de 20 et rêvait d’atteindre les 30. Il aura presque totalement réussi son pari. En tout cas, c’est bien une de ses meilleures soirées électorales qu’il a connue là, que des motifs de satisfaction. Il peut voir sans peine dans ces résultats là la validation de sa présidence européenne et aussi une certaine adhésion, quoi qu’en disent les enquêtes d’opinion, à sa politique intérieure. Il retrouve à nouveau derrière lui un parti conquis, convaincu et dévoué, dont les caciques n’avaient de cesse, les résultats connus, de dresser ses louanges. 2012 s’annonce pour lui plus que jamais comme un grand boulevard.
Ceux qui sont allés voter ont été clairs, en France comme ailleurs : ils ont choisi de donner un grand coup de barre à droite (toute) pour traverser la crise économique faute de solutions crédibles à gauche.
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