Barrer Le Pen sans plébisciter Macron
« Un peuple qui oublie son passé se condamne à la revivre » Winston Churchill.
La situation particulière que nous traversons peut donner un sentiment de déjà-vu à certains. Ne nous laissons pas leurrer par une communication politique anxiogène et très orientée.
« Un peuple qui oublie son passé se condamne à la revivre » Winston Churchill.
Il n'y a pas si longtemps, c'était en 2002, l'échec au premier tour d'un candidat du PS (qui venait de nous apprendre que son projet n'était pas socialiste, une franchise qui lui coûtera cher...) avait propulsé au second tour un dirigeant de droite, Jacques Chirac, avec 19,88 % des suffrages, et un candidat Front National, Jean-Marie Le Pen, avec 16,86%.
Prétextant que cette présence lepéniste au second tour risquait réellement donner à Jean-Marie Le Pen la Présidence de la République (comme si un tiers des électeurs allait virer de bord en quinze jours et se révéler Front National ) un vaste mouvement a été mis en branle pour faire « barrage au Front National ». Le barrage, c'était avant qu'il fallait le faire, et notamment pour les socialistes, en menant, entre autre, une politique freinant l'appétit des grands groupes au lieu de les favoriser.
Si je ne regrette absolument pas d'avoir marché pour ce « Front Républicain » j'ai regretté, finalement, de ne pas avoir voté blanc. En effet, Jacques Chirac, élu avec plus de 80% des votants, n'a pas respecté ensuite le vote des électeurs de gauche qui lui ont donné leur voix. Au lieu de gouverner, aussi, pour eux et pour leurs idées et leurs valeurs, il s'est servi de ce vote plébiscitaire pour justifier une politique droitière, se targuant de ces résultats comme s'ils représentaient son poids dans l'électorat.
Mais, surtout, les législatives qui suivaient de peu les présidentielles ont donné la majorité absolue de l'Assemblée Nationale au parti du Président.
On ne change pas une stratégie qui gagne. Donc, à l'occasion de la campagne électorale que nous traversons, et s'étant déjà servi de l'épouvantail FN pour enlever des voix à la gauche insoumise (en présentant les sondages de façon à faire croire que, au second tour, seul Macron pouvait battre le FN alors que Mélenchon l'emportait avec des chiffres pratiquement équivalents ici) les dirigeants politiques soutenant le développement d'une politique ultralibérale, et leurs nombreux soutiens médiatiques, veulent réitérer leur exploit. Lequel consiste à transformer une toute petite marge de réussite au premier tour en plébiscite au second tour entraînant avec lui une Chambre des Députés majoritaire. Et donc une prise de pouvoir massive permettant de conduire au pas de charge la politique néolibérale avantageant ces Messieurs-dames les capitalistes. Avouons que c'est fort !
Nous n'allons pas les laisser faire ! Ça, non !
Barrer la route à M Le Pen, oui, bien sûr !
Plébisciter le candidat des banques et de l'économie ultralibérale, jamais !
Laisser se produire un mouvement qui conduirait à une Assemblée Nationale pro-Macron, alors que celui-ci, pour le moment, ne représente rien face aux partis en place et que la Chambre peut représenter un contre-pouvoir à une politique visant à uberiser notre société et casser encore plus nos acquis sociaux, non !
Alors, quoi faire, pour ne pas tomber de Charybde en Scylla ? De peste en choléra ?
Il n'y a pas d'autre alternative que l'élection de Macron, on en est tous d'accord (sauf les lepénistes, bien sûr...). Mais il est important de ne pas donner à ce dernier plus de voix qu'il n'est nécessaire pour être élu. Selon moi, il s'agit donc, pour ceux qui partagent mon point de vue, de voter blanc ou de s'abstenir, sauf si les derniers sondage se rapprochaient de la ligne de danger. Par exemple un pourcentage décroissant du vote Macron au deuxième tour dans les dix jours qui viennent et se rapprochant de 55% nécessiterait une réflexion de vote pour les insoumis : on pourrait envisager qu'un insoumis sur deux sacrifie son bulletin en le donnant au petit chéri de la finance tandis qu'un autre fait un vote blanc. Ou autre stratégie à réfléchir.
Un mot sur le risque important pour les élections législatives. Si les électeurs qui ont réélu Jacques Chirac en 2002 ont plébiscité un mois plus tard les députés de son bord aux législatives, ce n'est pas seulement parce qu'on a seriné qu'il fallait une chambre qui permettrait au Président de gouverner, c'est surtout à cause d'une stratégie très utilisée en marketing, y compris politique : la stratégie de l'engagement.
Si l'on amène quelqu'un à faire quelque chose dans le sens de ce que l'on veut, on a beaucoup plus de chance d'obtenir que celui-ci fasse une deuxième action dans ce même sens, à notre demande, même s'il y était opposé au départ. C'est pour cela que les SDF, désormais, vous demandent l'heure avant de vous réclamer un euro, ou que vous avez du mal à ne pas acheter une paire de chaussures si, encouragé par la vendeuse, vous venez d'en essayer dix qui n'allaient pas ou qui étaient trop chères. C'est bien décrit dans « Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens » de R-V Joules et J-L Bourgeois.
C'est un fait : non averti, l'électeur qui commence à voter pour quelque-chose ou quelqu'un va continuer dans cette voie, sauf élément nouveau qui vient l'en empêcher. On peut penser que le ressort psychologique inconscient à l’œuvre, c'est le sentiment d'être incohérent et de se trahir si l'on a deux actions contradictoires à deux moments rapprochés (d'où, selon moi, « l’intérêt » de ces législatives si proches des présidentielles).
J'ai bien écrit « non averti ». Le propre de la manipulation, c'est qu'elle ne marche que si l'on n'est pas au courant.
Donc, je pense qu'il faut faire savoir que l'essentiel, ce n'est pas de savoir si l'on va voter pour Macron, voter blanc ou s'abstenir : c'est que, aux législatives, nous ne donnerons pas une seule voix à ses soutiens.
Encore une remarque : ceux qui laissent entendre que ne pas appeler à voter Macron signerait une trahison républicaine sont, soit des propagandistes ultralibéraux, soit des victimes de cette propagande. En tout cas, il s'agit de l'exemple typique d'une communication perverse « Si vous dites ça, cela veut dire ça... » (suit une action sans rapport). Face à la communication perverse il est important de ne pas se justifier (qui s'excuse s'accuse) ni de se mettre en colère. Mais de faire du retour à l'envoyeur : type « Si vous pensez cela, c'est que vous trouvez bien que Macron soit élu avec 80% des votants et qu'il soit majoritaire à l'Assemblée... ». Ou « Vous pouvez croire qu'il y a un risque que Le Pen soit élue. Suivons les sondages ensemble... ».
Et essayons de ne pas nous laisser entraîner sur ce terrain qui rend tous les vrais démocrates désolés et amers : concentrons-nous sur les législatives à venir !
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