Chercheur cherche présidentiable désespérément...
Du vendredi 29 septembre au dimanche 1er octobre derniers se tenait dans le Gers l’université d’automne de l’association « Sauvons la recherche ». Rendu célèbre par son action dénonçant les coupes budgétaires du budget de la recherche en 2003-2004, Sauvons la Recherche avait, à quelques mois de l’élection présidentielle, invité les principaux candidats à débattre de l’avenir de la recherche avec les principaux acteurs.
Hélas, Nicolas Sarkozy (tout comme Michèle Alliot-Marie) avait décliné l’invitation. Il a néanmoins donné des informations sur son projet en matière de recherche lors de la récente convention de l’UMP, mais on peut regretter l’absence de débat direct avec les chercheurs. Quant à Ségolène Royal et Dominique Strauss-Kahn, ils s’étaient désistés au dernier moment, peut-être embarrassés par la présence de Laurent Fabius qui avait prévu d’annoncer sa candidature à la primaire du PS à cette occasion...
Les favoris des sondages ayant déserté le plateau, le débat a néanmoins eu lieu avec une belle brochette de présidentiables, et a révélé un certain nombre de divergences intéressantes (toutes les interventions et discussions sont disponibles ici).
Bien sûr, tout le monde est d’accord pour accroître le budget de la recherche. Au-delà du discours convenu de circonstance, ce n’est pas un mince succès du mouvement des chercheurs que d’avoir su convaincre l’opinion et les politiques de l’importance de la recherche, des conditions précaires qu’elle connaît actuellement, et donc de la nécessité d’augmenter ses moyens. Un certain consensus existe entre les différents grands partis pour un accroissement annuel de 5 à 7 % en termes réels (i.e. en sus de l’inflation), augmentation que François Bayrou aimerait voir garantie par l’ensemble des grandes formations pour dix ans, afin d’éviter toute remise en cause en cas d’alternance (chez Marie-George Buffet et Olivier Besancenot, on parle d’un doublement du budget de la recherche publique, mais comme il y a peu de chances pour qu’ils arrivent au pouvoir, leurs propositions sont plus ambitieuses...).
On retrouve en revanche plus de différences sur les priorités de cet engagement. Laurent Fabius (comme d’ailleurs Nicolas Sarkozy) propose un grand programme sur les sciences de la vie, domaine de forte croissance où la France a pris du retard. Pour Dominique Voynet, les chercheurs devraient plus tenir compte des besoins de la société (notamment en matière de technologies propres). Elle propose d’ailleurs, comme Olivier Bensancenot, une intervention plus directe de représentants de la société civile dans les choix et l’expertise scientifique, estimant que les contributions des citoyens sont souvent discréditées par les instances de recherche (proposition qui a donné lieu à un débat contradictoire avec les chercheurs présents). Marie-George Buffet tout comme Olivier Besancenot tiennent d’autre part un discours très « anti-libéral », se traduisant par une forte condamnation des politiques de recherche technologique actuelles, trop liées, d’après eux, aux intérêts des entreprises privées. Madame Buffet suggère notamment la création d’organismes publics de recherche technologique indépendants, autonomes dans leurs choix de thématique.
En ce qui concerne l’emploi des chercheurs, Laurent Fabius reprend l’idée d’un plan pluriannuel (décennal) de l’emploi scientifique, afin de garantir des perspectives à long terme aux étudiants, ainsi qu’une proposition d’Anne-Marie Comparini (UDF) de lier une part du crédit d’impôt recherche destiné aux entreprises à l’embauche de docteurs. François Bayrou a, lui, souligné une différence fondamentale entre la France et beaucoup de nos voisins : alors que chez eux, le parcours d’excellence normal des « élites » passe par le doctorat, celui-ci passe en France par les grandes écoles. Cette différence culturelle explique les moindres débouchés des docteurs dans notre pays, de même que la relative « inculture » de bien des responsables politiques ou économiques vis-à-vis de la recherche. Il propose donc de réintroduire dans les filières des grandes écoles une obligation de travail de recherche, ce qui aurait aussi pour conséquence un rapprochement avec les universités, et une revalorisation de la formation par la recherche. Pour d’autres orateurs, l’emploi des docteurs serait aussi favorisé par la reconnaissance du diplôme de docteur dans les conventions collectives.
En ce qui concerne l’université, il y a aussi un consensus assez général sur la nécessité de revoir leur gouvernance et de leur accorder une plus grande autonomie de gestion du quotidien, sans que cela se traduise par une dévalorisation des diplômes (qui doivent conserver leur dimension nationale). Dominique Voynet et Laurent Fabius proposent d’autre part une loi d’orientation sur l’enseignement supérieur. François Bayrou insiste enfin sur la nécessité de transmettre, dès le plus jeune âge (école primaire), le goût pour la recherche (comme au travers de l’initiative « La main à la pâte » qu’il avait favorisée quand il était ministre).
Au travers des divers discours et surtout des débats qui suivirent, on a ainsi pu assister, lors de cette université d’automne, à la présentation de conceptions différentes du rôle de la recherche dans notre société et des priorités à lui accorder. S’il faut regretter l’absence des principaux favoris des sondages, les interventions de Laurent Fabius et surtout celles de François Bayrou ont suscité un intérêt considérable de la part des chercheurs présents. Il faut espérer que ce thème de la recherche, élément fondamental de notre avenir, ne sera pas relégué aux oubliettes lors des prochains mois.
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