Chez les seconds couteaux, les poignards sont de sortie
J’hésite à parler de campagne électorale parce que le favori n’est pas encore candidat, et parce que le triste spectacle offert par ceux qui veulent devenir calife à la place du calife, me désole.
La politique ressemble de plus en plus à la bouffe formatée des fastfoods, prête à consommer sans se poser de question, juste se remplir le ventre et se vider le cerveau en même temps. Un bon mot, une saillie, la couleur d’une veste ou d’un cravate, « évènements » repris en boucle par les chaînes d’infos font office d’exutoires et de programmes.
Perte de repères
Les partis politiques n’ont pas survécu à la perte de références liée à la libéralisation et à la mondialisation. Fini les cadres idéologiques, le socialisme, le communisme, le centrisme, la droite, la gauche ou les extrêmes (encore que l’autoritarisme ait de beaux jours devant lui…), tout le monde se plie désormais à la gouvernance mondiale et se réfugie dans des micros partis qui, à l’instar des entreprises ou des start-up ont vocation à s’agglomérer et à se faire absorber par ceux qui pissent le plus loin.
Les partis et ceux qui les composent sont incapables de produire de la réflexion et des idées (on le voit bien avec le PS, désormais en soins palliatifs et LR qui cherche à se démarquer de Macron tout en le singeant). La règle en vigueur consiste à passer les plats aux lobbies économiques et financiers et à colmater les brèches ou les débuts de mouvements sociaux avec des chèques ou des primes. Tout cela a fort bien été illustré par les mandats Sarkozy, Hollande et Macron.
C’est donc la mobilité (l’agilité, disent certains) qui prévaut, pour les salariés bien sûr, mais également pour les élites politiques, avec leurs vestes retournables en un instant et leur capacité à cirer des pompes qu’ils écrasaient quelques semaines auparavant.
Les amis de trente ans…
Nous ne sommes pas en campagne présidentielle, peut-être dans une émission de télé réalité au dénouement prévisible dans lequel les sondeurs et les instances dirigeantes d’une multinationale ont déjà désigné le vainqueur. Les déjà battus font donc campagne pour les législatives, seul moyen de continuer à exister pour les cinq ans à venir, avoir des députés et grappiller le plus de financements possibles voire un strapontin gouvernemental au prix éventuel d’un ralliement contre nature. Pas ou peu d’idéologie dans tout cela, juste de l’opportunisme et surtout un gros crachat à la figure de l’électeur qui a cru aux promesses d’un monde meilleur, qui finit par ne plus croire à rien, au mieux ne vote plus et au pire se radicalise.
Souvenez-vous en 1995, la campagne présidentielle avec Balladur archi favori qui s’effondre dans la dernière ligne droite au profit de Chirac, abondement trahi par les siens partis courir après la promesse sondagière de victoire et prendre la lumière auprès de l’ancien Ministre des finances. On a l’impression que l’histoire se répète en 2022. Dans les médias, on parle cependant moins de trahison que de « ralliements », histoire de ne pas hystériser davantage la relation entre le peuple et ses élites, déjà bien entamée.
Le mercato
A y regarder de plus près, la politique ressemble de plus en plus aux achats et ventes de footballeurs, financés par des fonds étrangers, loués pour leurs talents et la possibilité de faire gagner leur équipe et qui ne sont rien d’autre que des mercenaires attirés par l’appât du gain pour faire carrière sur le dos des supporters qui payent très cher un goût immodéré pour ce spectacle affligeant où le pognon fait office de talent.
En politique, on cherche aussi à attirer les vedettes en argumentant sur leurs qualités supposées pour montrer que le « collectif » est cohérent, sauf que ça ne marche pas beaucoup à voir les transferts actuels qui ne passionnent que le microcosme médiatique.
Woerth nous dit que Macron est le mieux placé pour diriger le Pays, après avoir dit le contraire. La Maire de Calais, Natacha Bouchard, nous dit que la politique migratoire de Macron est exemplaire. Claude Bartolone et François Rebsamen, voire Manuel Valls, déclarent déjà leur flamme au futur Président, lassés du purgatoire dans lequel ils vivotent depuis cinq ans. Gilbert Collard a des envies de Reconquête, comme Philippe de Villers ou Guillaume Peltier, en attendant Marion Maréchal, pendant que d’autres édiles, attendent encore un peu, l’arme au pied, le moment de voler vers la victoire et de retrouver leur place dans le puzzle.
Dans le paysage politique déstructuré et en perte de sens, ces ralliements, ces reniements, ces déclarations d’amour insincères sont légion. Leurs justifications minables tentent de dédouaner la petitesse de ceux qui les pratiquent, sans y arriver.
En l’occurrence, après avoir vécu dans le monde politique et participé à sa déliquescence, ces mercenaires sont avant tout attiré par la prime de transfert qui prendra la forme soit d’une investiture aux législatives, d’un poste dans le conseil d’administration d’une grande entreprise, d’un strapontin ministériel, ou d’une nomination de prestige dans un fromage de la République.
Mal barrés !
Je me disais, en voyant ces prestations indigentes que le problème dans notre pays, ce n’est pas l’immigré qui fuit la misère ou qui travaille et participe à la vie économique, ce n’est pas non plus le fonctionnaire qui coûterait cher, le chômeur qui touche des indemnités, la famille qui perçoit des allocations, ce n’est pas la religion du voisin ou sa couleur de peau, mais bien un système politique qui nous offre ce triste spectacle de l’abandon du peuple et qui nous enferme dans ces débats minables sans jamais se poser la question du propre coût de ses turpitudes.
Le système politique national vit en vase clos. Il n’écoute plus ce qui se passe sur le terrain. Tout se décide dans les conseils d’administration du CAC 40. La décentralisation n’est qu’un leurre aux contours et aux financements mouvants décidé par l’Etat central, sans concertation, ni évaluation. De temps en temps, on fait un grand débat dont rien ne sort.
Le système politique est devenu un métier. On se répartit les rôles et les postes et on fait carrière au prix parfois de compromissions et de trahisons, voire de scandales et c’est cela qui coûte le plus cher financièrement et démocratiquement parlant. Tout faire pour obtenir une place pour ne pas sombrer dans l’oubli… Les courtisans et l’argent roi.
Devant ce triste spectacle, le spectre de l’abstention se profile, au risque d’encombrer les berges des cours d’eau les jours de scrutin, en attendant des réactions moins bucoliques…
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