« Citoyenneté à la française », de Sophie Duchesne
Pour ceux qui se demandent s'il y a dans les électeurs et militants FN, ainsi que dans d'autres "réacs", autre chose que de la bêtise et de la haine, voilà une phrase de la politologue Sophie Duchesne :
"l'opposition entre libéraux et communautaristes fait long feu car elle achoppe sur l'incapacité à concilier logiquement deux principes, l'universalisme et le particularisme (ou l'individualisme et le holisme)"
Cette phrase est tirée d'un article qu'on peut lire sur internet, passionnant, La citoyenneté en France entre particularisme et universalisme, où elle résume un livre de 1997, Citoyenneté à la française.
Dans son livre, Duchesne décrit deux mentalités. Selon elle les citoyens français ont généralement plutôt l'une ou plutôt l'autre de ces deux mentalités. L'une de ces mentalités ressemble, je trouve, à celle des électeurs et militants FN, ainsi qu'à celle d'autres citoyens, dont je fais partie, souvent perçus comme "réacs", et se proclamant parfois comme tels. L'autre mentalité ressemble plus, je trouve encore, à celle de ceux qui accusent fréquemment les premiers, de "racisme", "xénophobie", "nationalisme", "passéisme", "égoïsme". Cette seconde mentalité qui aux yeux des premiers, est celle des "élites", "cosmopolites" et "libérales", et celle de la "gauche caviar", des "bobos", des "bien-pensants". Selon Duchesne, les premiers sont à la fois particularistes et très attachés au corps social auquel ils appartiennent, c'est à dire holistes, tandis que les seconds sont à la fois universalistes et individualistes.
Ce qui est intéressant, c'est le problème philosophique sur lequel butent les citoyens français, cette difficulté qu'ils ont à surmonter ce problème, que nous révèlent les associations dans leurs mentalités, du particularisme et du holisme, ou de l'universalisme et de l'individualisme. Mais sur quel problème butent donc les citoyens français, pour que dans leurs mentalités, amour du corps social n'aille pas sans particularisme, et universalisme n'aille pas sans individualisme ?
Ceux qui sont attachés au corps social auquel ils appartiennent, le sont car ils considèrent leur corps social comme la source réelle de leur bonheur. Ils sont en cela en phase avec Jaurès lorsqu'il dit : "à celui qui n’a plus rien, la Patrie est son seul bien". La force collective du corps social est plus grande que celle du plus fort des individus, et elle peut ainsi défendre le plus faible face au plus fort, dans la rue comme dans la sphère économique. Le corps social ce sont aussi des gens qui m'entourent et en lesquels j'ai confiance, grâce à qui je n'ai pas peur et je ne suis pas seul et je vis des choses humaines. Le corps social c'est enfin l'épanouissement culturel, et l'amusement, car la culture est un phénomène collectif.
Mais voilà, il y a des gens qui voient mal comment il est possible, aujourd'hui concrètement, de faire corps avec la terre entière, et comment il est possible concrètement, de faire corps avec des gens sans avoir une relation privilégiée avec eux. Et c'est à ce moment que d'autres gens arrivent et leur disent que ce sont des xénophobes et des égoïstes, car ils veulent avoir une relation privilégiée avec les membres d'un corps social qui n'est pas l'humanité toute entière, alors que l'on devrait aimer tous les hommes également, d'un amour universel. Et c'est ainsi que se crée un conflit entre holistes particularistes, et universalistes individualistes.
Les premiers reprochent aux seconds de vouloir leur interdire d'appartenir à un corps social, de vouloir donc les mettre dans une situation d'isolement et de vulnérabilité, qui arrange bien les "oligarques" "libéraux" du "monde globalisé". Les seconds reprochent aux premiers de vouloir avoir des relations privilégiées avec certains hommes, et donc d'être des "racistes" et des "égoïstes", des gens "repliés sur eux mêmes". Il faut selon eux être aussi ignoble que Jean-Marie Le Pen, pour penser quelquechose comme : "Je préfère mes filles à leurs cousines et leurs cousines à mes voisines". Alors que la notion de peuple est très précieuse aux yeux des premiers, car elle est un principe d'amour de son voisin, qui permet aux gens de faire corps, elle est détestable aux yeux des seconds, car elle est un principe de haine de l'étranger, qui sépare l'humanité en peuples, alors que l'humanité devrait être une.
(C'était la 1ère lecture de la série : A la recherche de l'antique esprit de clan...)
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