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Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d’escadrille...

« Les Français sont fatigués de la révolution permanente ; ils sont fatigués de la ZAD qui s’est reconstituée hier à l’Assemblée dès l’ouverture de la session ; ils sont fatigués des démagogues qui promettent la lune et sèment la ruine partout où ils sont au pouvoir. Votre programme, avec humilité et responsabilité, en est l’exact contraire. C’est une raison supplémentaire pour que nous le soutenions. » (Claude Malhuret, le 2 octobre 2024 au Sénat).

ZAD, comprendre zone à délirer ! Voici une petite démonstration de près de dix minutes sur le mythe des élections volées. Comme depuis quelques années c'est la tradition, chaque intervention en séance publique du sénateur Claude Malhuret est un condensé d'humour et de lucidité sur la vie politique. À un moment pressenti par le nouveau Premier Ministre pour faire partie de son gouvernement (il était déjà membre du gouvernement entre 1986 et 1988), le président du groupe Les Indépendants, République et Territoires au Sénat (regroupant les sénateurs Horizons) n'a pas déçu ses collègues lorsqu'il a fallu participer au débat qui a suivi la déclaration de politique générale de Michel Barnier au Sénat le mercredi 2 octobre 2024. Il réagissait surtout aux propos tenus quelques minutes auparavant par son collègue Patrice Kanner, président du groupe socialiste, qui s'enferrait dans la légende urbaine d'une victoire de la nouvelle farce populaire (NFP) aux dernières élections législatives.

Alors, le sénateur a commencé comme Martin Luther King (mais en négatif : ce n'est pas un rêve qu'il a fait) : « Mes chers collègues, en écoutant il y a quelques instants l’analyse de la situation politique par le président du groupe socialiste, j’ai brusquement fait une sorte de cauchemar éveillé. ». Et il a découvert un nouveau gouvernement : « Je me tenais ici, à cette tribune, et en face de moi, à la place où vous vous trouvez, monsieur le Premier Ministre, ce n’était pas vous : c’était Lucie Castets. À ses côtés se tenaient Sandrine Rousseau, ministre des finances et de la décroissance ; Sophia Chikirou, garde des sceaux ; Aymeric Caron, ministre de l’écologie et des insectes ; Sébastien Delogu, ministre de la mémoire et des anciens combattants ; Louis Boyard, ministre du développement durable du cannabis et Jean-Luc Mélenchon, ministre des affaires étrangères et de l’amitié avec la Russie, le Hezbollah et l’Alliance bolivarienne ! ».

Retour à la réalité et à l'imposture du NFP : « Lorsque j’ai rouvert les yeux, je me suis aperçu que j’étais en train de tomber de mon siège. Les propos du président du groupe socialiste montrent que l’on ne peut aborder ce débat sans faire d’abord table rase de l’invraisemblable campagne qui est menée depuis des semaines par le nouveau front populaire pour convaincre les Français que l’élection leur a été volée, que votre gouvernement est illégitime et que vous êtes l’otage du Rassemblement national. Cette campagne va se poursuivre, plus virulente que jamais, comme le prouve le discours de fureur et de haine que Mme Panot a prononcé hier à l’Assemblée Nationale. Le soir des élections, le 7 juillet dernier, à vingt heures zéro une, à la télévision, tous les chefs de partis ont été priés de passer leur tour pour permettre à celui de LFI de prononcer cette phrase : "Nous sommes arrivés les premiers, nous devons former le gouvernement". L’échec huit jours plus tard du candidat du NFP à l’élection pour la Présidence de l’Assemblée Nationale a démontré de manière évidente que cette intox constitutionnelle était une imposture. Mais la vague médiatique et les ragots sociaux se sont transformés en tsunami et le mensonge s’est changé en vérité. Il faut donc le répéter : l’élection n’a été volée à personne ! Et si elle a été volée, c’est aux électeurs de gauche par les dirigeants de l’extrême gauche, qui ont joué une invraisemblable partie de poker menteur avec leurs partenaires. ».
 

D'où la recherche laborieuse d'un Premier Ministre qui oscillait entre le vaudeville et la tragédie (je ne sais pas trop s'il a été le plus féroce contre Lucie Castets ou contre Ségolène Royal !) : « Pendant les quinze jours qui ont suivi le 7 juillet, le mot d’ordre fut : "Macron doit nommer immédiatement un Premier Ministre du NFP". Question des journalistes : "Qui est votre candidat ?". Réponse : "On ne sait pas, on n’arrive pas à se mettre d’accord". Après deux semaines de bras de fer et de crises de nerfs, une inconnue tombe enfin du ciel : pendant vingt-quatre heures, Huguette Bello devient le nouveau dalaï-lama, jusqu’à ce qu’on découvre qu’elle n’est pas woke, mais alors pas woke du tout : elle est anti-mariage pour tous et tout le tralala. Panique au NFP ; exit Huguette ! Quelqu’un propose alors Laurence Tubiana, organisatrice de la COP21. Horreur, on s’aperçoit que Macron l’a nommée à l’UNESCO. Une macroniste Première Ministre du NFP ? La "fisha" absolue… Exit Laurence ! Au bord du gouffre, alors qu’il n’allait plus rester que Ségolène Royal, on finit par débusquer dans les combles de la mairie de Paris une sémillante fonctionnaire jamais élue nulle part et coanimatrice de l’incroyable dette de 10 milliards d’euros de la capitale. Par miracle, cet Annapurna de la pensée politique, auprès de qui les Bertrand, Cazeneuve ou Barnier ne sont que des billes, accepte de faire bénéficier les Français de son inexpérience. Le NFP tient sa Première Ministre. Du moins, c’est ce que croient les socialistes, les écolos et les communistes. Ce qu’ils n’ont pas compris, et l’on s’étonne d’une telle naïveté, c’est que jamais Mélenchon n’a envisagé un Premier Ministre de gauche. Jamais ! Au moment même où le nom de Lucie Castets est prononcé, une fatwa vient la faucher en quelques mots : "Le programme, rien que le programme, mais tout le programme !". En bon français, cela veut dire que Mme Castets disposerait de 193 voix à l’Assemblée, et pas une de plus ! Exit donc Lucie… En un mot, si vous avez compris le NFP, c’est qu’on vous a mal expliqué ! ». Cette dernière phrase restera sans doute "culte" ! On est en plein dans un film comique avec le regretté Michel Blanc.

Claude Malhuret a ainsi expliqué l'échec de Bernard Cazeneuve : « La gauche responsable, celle qui est largement représentée dans cet hémicycle, du moins c’est ce que je pensais jusqu’à il y a quelques minutes, fait une tentative désespérée en proposant le nom de Bernard Cazeneuve. Cette fois, Mélenchon n’a même pas besoin de lever le petit doigt, Faure le socialiste se charge lui-même du sale boulot en déclarant que nommer un Premier Ministre socialiste serait une "anomalie". Cazeneuve est des nôtres, il sera censuré comme les autres ! Exit Bernard ! Un jour, dans les manuels de sciences politiques, on expliquera dans un long chapitre comment, en 2024, la gauche s’est vendue pour un plat de lentilles à une secte gauchiste en pleine dérive islamiste et antisémite, dirigée par un ancien du lambertisme, que les communistes eux-mêmes qualifiaient il y a quelques années encore d’hitléro-trotskisme ! ».

Il n'y a pas eu que la gauche islamo-gauchiste à avoir crié au vol des élections, l'extrême droite a hurlé pareil : « Quant à l’extrême droite, qui prétend elle aussi qu’on a volé l’élection à ses 11 millions d’électeurs, elle oublie de dire que 20 millions d’autres ont décidé d’associer leurs voix au second tour pour lui faire barrage devant la radicalité de ses positions, un programme économique qui nous mènerait droit vers l’abîme et une flopée de candidats imprésentables, entre les casquettes nazies et les propos antisémites sur les réseaux asociaux. Elle n’est pas plus légitime à gouverner et elle le sait très bien. Elle attend son heure, et si cette heure vient un jour, elle aura été soigneusement préparée par la folie de l’extrême gauche et la capitulation du premier secrétaire du parti socialiste, l’homme-caoutchouc. ».

Quant à la motion de censure, voici pourquoi ses chances de succès sont faibles : « Vient enfin le dernier mensonge, monsieur le Premier Ministre : vous seriez l’otage du Rassemblement national. L’extrême droite compte 142 députés. Ils ne peuvent faire tomber votre gouvernement qu’en bande organisée avec le NFP. J’attends avec impatience qu’ils expliquent cela à leurs électeurs, et surtout qu’ils expliquent comment ils comptent composer, pour vous succéder, un gouvernement lepéno-mélenchoniste. Mélenchon ne veut pas de Premier Ministre de gauche et Le Pen sait que son parti est incapable pour l’heure de gouverner. Ce n’est pas une assurance-vie, mais votre gouvernement est loin d’être condamné d’avance. ».

D'où le soutien fort du groupe présidé par Claude Malhuret au gouvernement de Michel Barnier : « Vous êtes légitime. Vous n’avez pas de majorité absolue, mais vous rassemblez tous ceux, de la droite républicaine au centre et à la gauche modérée, qui ont fait le choix de la responsabilité. Ils sont le camp de la raison que notre groupe Les Indépendants appelle de ses vœux depuis des mois. Et vous êtes, après deux ans d’Assemblée Nationale transformée en zone à délirer, le Premier Ministre de l’apaisement. Quelles sont les priorités ? Mais il n’y a que des priorités : le budget, le déficit, la dette, la Nouvelle-Calédonie, le logement, l’agriculture, l’immigration, la transition écologique, sans oublier l’Ukraine, le Moyen-Orient et toutes les crises dans le monde que la France ne peut ignorer. Ces priorités étaient au cœur de votre discours et de ceux de tous mes collègues ; je n’y reviendrai pas à mon tour. Qu’il me soit seulement permis de dire que nous soutenons votre engagement dans cette démarche difficile et courageuse. Vous disposerez d’une large majorité au Sénat, qui tentera de compenser l’absence de majorité absolue à l’Assemblée Nationale et de combattre les tentatives des populistes pour saper notre démocratie. ».
 

Les savoureuses envolées lyriques du sénateur Malhuret apportent toujours un peu de fraîcheur, de légèreté, mais aussi de lucidité à une classe politique tendue et rageuse. Il a le mérite de faire mal car il cible juste. Depuis 2022, il s'inquiète régulièrement de la perspective de l'élection présidentielle de 2027 et de la nécessité de rassembler toutes les forces non-populistes, ce qu'il a appelé ce 2 octobre 2024 les forces raisonnables, le "camp de la raison", du centre droit au centre gauche, "qui ont fait le choix de la responsabilité". Les deux anciens grands partis gouvernementaux, LR et le PS, n'ont pas voulu jouer le jeu en 2022, chacun pris par une surenchère populiste. LR s'est finalement résolu à faire le choix de la raison et de la responsabilité, au contraire du PS qui s'enferme toujours dans un mélencho-islamisme qui l'asphyxiera à court terme. Surtout, Claude Malhuret, continuez à nous délecter ainsi !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 octobre 2024)
http://www.rakotoarison.eu


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6 réactions à cet article    


  • pasglop 7 octobre 19:27

    Dans l’espace, personne ne vous entendra crier.


    • Octave Lebel Octave Lebel 7 octobre 19:37

      Bravo, c’est comme le Titanic, c’est la faute à l’iceberg.

      Qui a accompagné ceux qui nous ont menés au bilan actuel, perdus au point de tenter un énième tour de passe-passe ? Qui bien sûr en a engendré derechef un autre. L’oligarchie, en mode sauve qui peut, avait cru pouvoir activer séance tenante sa roue de secours que l’on a même plus besoin de nommer et qui a encore fait pschitt. Parce que nos concitoyens et une partie de leurs représentants ont fini par avoir un sursaut de lucidité, forts de ne pas avoir oublié le seul programme embrassant tous les paramètres de la gestion d’un pays au service de l’intérêt général. Calembredaine  que les autres depuis longtemps ne se donnent même plus la peine de travailler, l’habilité et l’imagination électorale et les sondages leur suffisant. Ce tour de passe-passe en contenant un autre encore dans son ventre qui commence à être bien connu des électeurs. Enchantés de voir comment ils se sont retrouvés floués en pensant voter pour des gens qui se la jouent sociale et souverainiste et qui sont cul et chemise avec leurs supposés adversaires LREM et LR quand il s’agit de bloquer la gauche pour pouvoir préserver avant tout les intérêts des oligarques et de leurs obligés. Les électeurs de gauche eux, faute de voir se rassembler bien en amont sur le programme évoqué ses représentants, ce qui nous aurait évité toute cette mascarade manigancée par Macron, se sont retrouvés obligés de jouer l’un contre l’autre ceux qui sont en marche vers une coalition droite/extrême-droite. La gauche se trouvant  finalement gagnante malgré le manque de voix et mandats sacrifiés dans ce genre de monstruosité dont accouchent nos instituions et ceux qui s’en servent si bien en se gardant bien de s’en expliquer devant leurs électeurs et l’ensemble de leurs concitoyens. Oui la gauche a en réserve de l’énergie, de la persévérance et des voix portées par la lucidité de ses concitoyens. Comme toujours l’histoire laissera sur le côté les dirigeants cherchant à la dévoyer .Parce que l’arbitre final, qui sait où sont ses intérêts, c’est nous les concitoyens de ce pays. Nous qui allons mettre ensemble sur pied enfin une démocratie citoyenne afin de sortir de ce marais. Vite. Sans plus attendre.


      • leypanou 7 octobre 22:17

        Retenez bien : Claude Malhuret, un partisan de la piqûre obligatoire, comme beaucoup à Horizons. Y Jadot aussi en fait partie.


        • Seth 8 octobre 12:26

          Nous eûmes déjà, le 6 août dernier, à nous infuser une scrivaillonerie sur ce même malhuret que plus personne ne connait et c’était ici même de la plume alerte et imaginative de la rakoko team : en voici le lien.

          Que de choses importantes à dire sur un inexistant ! smiley


          • Par les temps qui courent ,dans la plus grande liberté de parole, femmes et hommes déploient leur pensée, leur représentation du monde, leur création très loin de la médiocrité du pouvoir en place .../

            https://www.dedefensa.org/article/notre-chute-selon-edgar-allan-poe

            Notre chute, selon Edgar Allan Poe

            • Un bel exercice de Constantin von Hoffmeister : écrire une nouvelle selon le style et les visions d’Edgar Allan Poe. • La maison est celle de notre civilisation (la Maison-Occident) et les Usher décrivent l’horreur de cette chute.

            _________________________

            Quelle heureuse et terrible idée a eu Constantin von Hoffmeister de faire une adaptation de la fameuse nouvelle de Edgar Allan Poe, dans une langue qui rejoint effectivement celle de Poe et aussi de H.P. Lovecraft, selon des circonstances qui sont proches de celles qu’on retrouve chez ces deux grands écrivains du fantastique lorsqu’il atteint à la métaphysique. Cela se fait à l’heure où triomphe une mini-série sur Netflix, adaptation “modernisée” de ‘La chute de la Maison-Usher’, cette nouvelle de Poe qui fut portée à notre connaissance en français par Charles Baudelaire, traducteur et frère en littérature désespérée de Poe. La nouvelle date de 1839, la traduction des années 1850, puis diverses adaptations au cinéma, pour terminer, pour l’instant, par cette mini-série de Netflix en 2023, considérée comme l’une des meilleures mini-séries jamais réalisée.

            Le thème, récurrent et éternel, est un grand “standard” de la grande littérature du fantastique : une maison représentée comme un personnage vivant, atteint d’un processus mystérieux de dégradation, une sorte de maladie, qui la décompose peu à peu tandis que les propriétaires, d’une riche famille totalement en cours de dégénérescence, subit le même sort que la maison sans pouvoir se détacher d’elle et de son destin de malédiction. La mini-série, – qui prend beaucoup de liberté avec l’adaptation à partir du récit initial, – met en scène une dynastie de capitalistes de ‘Big Pharma’ tandis que von Hoffmeister va un pas plus loin, au-delà de quoi il ne saurait plus rien avoir que notre fin. La maison devient la Maison-Occident, et la mystérieuse et mortelle lèpre dont elle est la victime est une allégorie du mal dont notre civilisation est présentement frappée..../


            • Eric F Eric F 9 octobre 19:25

              Certaines piques sont assurément des perles, mais la conclusion ressort les poncifs du ’camp de la raison’ et ’barrage aux populismes’, or c’est bien ce prétendu camp de la raison qui a mené le pays à la faillite, et les ministres d’hier donnent déjà des directives ...pour empêcher d’en sortir.

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