Congé parental d’éducation : mensonges et fausses promesses présidentiels
Depuis le 13 février, date à laquelle Nicolas Sarkozy a annoncé une série de mesures pour la famille, le buzz enfle sur la Toile tandis que l’écho de ces déclarations reste encore faible dans les médias traditionnels. Les projets avancés concernent notamment une loi sur le "statut du beau-parent", une loi sur l’adoption, "une réflexion sans tabou" pour raccourcir le congé parental et 200.000 places supplémentaires d’accueil pour jeunes enfants. Sur ces deux derniers sujets en particulier, les arguments présentés relèvent tout autant du mensonge que de la fausse promesse. Télécharger le discours présidentiel.
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Qu’est-ce que le congé parental d’éducation ?
Il y a parfois confusion entre le congé de maternité (obligatoire et dédié aux mères) et le congé parental d’éducation (volontaire et ouvert aux deux parents).
- - À la suite d’une naissance ou de l’adoption d’un enfant de moins de 16 ans, tout(e) salarié(e) peut bénéficier d’un congé parental d’éducation lui permettant d’interrompre ou de réduire son activité professionnelle pour élever cet enfant. Pour avoir droit à ce congé, l’intéressé(e) doit avoir un an d’ancienneté au minimum dans l’entreprise à la date de la naissance ou de l’arrivée au foyer de l’enfant adopté. Homme ou femme, parent naturel ou adoptif, tout salarié peut bénéficier d’un congé parental d’éducation.
- - Le congé parental d’éducation n’est pas rémunéré mais le salarié peut utiliser les droits acquis sur son compte épargne temps pour le « financer ».
- - Deux modalités de congé parental existent : le congé total, durant lequel le contrat de travail est suspendu ou le travail à temps partiel avec une durée minimale hebdomadaire de 16 heures.
- - Au cours du congé, le (la) salarié(e) peut suivre une formation professionnelle. Dans ce cas, il (elle) n’est pas rémunéré(e) mais bénéficie d’une protection en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles.
- - Pendant toute la durée de son congé parental d’éducation, le salarié conserve ses droits au remboursement de ses soins en cas de maladie et de maternité.
- - A l’issue du congé parental d’éducation, le (la) salarié(e) doit retrouver son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente. Site du ministère du Travail.
Contrairement à ce que prétend le Monde, le congé parental d’éducation n’ouvre droit à aucune rémunération. C’est la CAF qui propose sous conditions une allocation parentale d’éducation.
Les contre-vérités présidentielles.
"Gâchis pour les femmes concernées" - FAUX - Les hommes comme les femmes peuvent bénéficier d’un congé parental d’éducation. Le fait de ne citer que les femmes procède soit d’une grande méconnaissance du sujet soit d’une vision rétrograde de notre société.
"Un congé parental de longue durée, c’est une rupture dans un parcours professionnel, qui peut se traduire par une diminution des chances de progresser dans la carrière, d’obtenir un meilleur salaire ou de retrouver un emploi" - FAUX - Pas plus que toute autre situation personnelle, le congé parental ne met en péril l’évolution professionnelle de la personne concernée. Bien au contraire, cet arrêt garantit de retrouver son emploi et, à minima, les mêmes conditions de salaire. Mieux encore, pendant cet arrêt, le salarié peut toujours bénéficier d’une formation ou d’un bilan de compétences.
"Sont maintenues en dehors du marché du travail près de 800.000 femmes chaque année" - FAUX - Les personnes en congé parental d’éducation gardent leur statut de salariés et ne sont en aucun cas "en dehors" du marché du travail.
Les fausses promesses présidentielles.
"Que Pôle Emploi accompagne vraiment les jeunes mères dans leur démarche de retour à l’emploi, plutôt que de les laisser se débrouiller." - FAUSSE PROMESSE - Il n’y a aucune raison de lier Congé parental d’éducation et retour à l’emploi puisque de fait, le salarié en congé retrouve son poste à l’issue de cette période de congés.
- "Ma crainte, c’est que cette femme, après avoir fait cela, n’ait plus la chance de retrouver un emploi." Le Président peut donc être rassuré, il n’y a aucun danger que cela arrive.
"C’est d’ailleurs l’esprit de la réforme de l’allocation de parent isolé avec la création du RSA" - FAUSSE PROMESSE - Là encore il y a amalgame entre plusieurs situations (parent isolé, femme sans emploi, congé parental d’éducation) et aucun lien entre constats et solutions.
"Je veux que l’on privilégie l’aménagement des horaires ou le temps partiel, plutôt que l’interruption totale d’activité." "Donc, il faut développer le temps partiel, l’aménagement des horaires plutôt que l‘interruption totale d’activité" - FAUSSE PROMESSE - Le congé parental d’éducation laisse déjà le choix de la durée au salarié qui souhaite en bénéficier. Tout ceci est donc déjà acté dans la loi actuelle.
"C’est important pour l’autonomie de la femme, aussi, afin qu’elle garde un pied dans la société, une possibilité de protection sociale, un revenu, une activité." - FAUSSE PROMESSE - Le salarié continue d’avoir une protection sociale pendant son congé parental d’éducation.
"Je pense que ces femmes peuvent avoir un droit à la formation spécifique" - FAUSSE PROMESSE - Si la formation continue pour sécuriser le parcours professionnel des salariés est une bonne chose, la mise en oeuvre de ces programmes pouvait être déjà faite depuis longtemps puisque le cadre actuel du congés parental d’éducation le permet.
"Je souhaite que l’on puisse proposer 200.000 places d’accueil supplémentaires d’ici 2012" - FAUSSE PROMESSE - "Selon les chiffres d’Attac France, recalculés pour correspondre à ces 200 000 places annoncées, cette mesure coûterait 4 milliards d’euros pour la construction, puis entre 2 et 3 milliards d’euros par an pour le fonctionnement. Où trouver autant d’argent ?" Les raisons de la colère.
- Notons que Nadine Morano affirmait au Sénat en avril 2008 "Depuis 2002, des efforts substantiels ont été accomplis pour intensifier l’offre de garde : 72 000 places d’accueil collectif de la petite enfance – crèche, halte-garderie, notamment – auront été financées par quatre plans d’aide à l’investissement en faveur de la petite enfance."
- De son aveu même, ces 72000 places relevaient donc d’un effort substantiel sur 6 ans. Comment alors tripler ce chiffre sur 2 ans et demi ? A moins que le problème ne soit résolu par une simple augmentation des capacités d’accueil chez les nourrices agréées (dont visiblement notre Président méconnaît la formation). Auquel cas, que n’a-t-il agi plus tôt !
A la lecture des faits, les vraies questions que soulève l’intervention présidentielle sont donc à mon sens les suivantes :
1) Quid de la réelle égalité de traitement entre hommes et femmes quand le Président de la République lui-même omet de souligner que le congé parental d’éducation s’adresse tant aux pères qu’aux mères et stigmatise ces dernières tout au long de son discours ?
2) Pourquoi le gouvernement, bénéficiant déjà de la possibilité de renforcer la formation des salariés pendant le congé parental d’éducation, n’a-t-il pas mis en oeuvre une réelle politique de sécurisation du parcours professionnel ?
3) Comment l’Etat-sans-le-sou compte-t-il concrétiser la création de 200 000 places de crèches supplémentaires sans le soutien des collectivités locales déjà menacées d’une réduction de leurs revenus via la TP ?
4) Quel est le cadeau sous-jacent que le Président tente de faire au MEDEF sous prétexte de cette réorientation de la politique familiale ?
Le discours du Président Sarkozy soulève donc de vrais sujets de fond qui vont bien au-delà des fausses réponses qu’il voudrait nous faire accepter.On touche en effet davantage là au thème de l’employabilité qu’au thème de la famille.
En posant le sujet de manière biaisée, il ne faudrait pas que le Président pense éviter ainsi le vrai débat idéologique avec les Français et les partenaires sociaux.
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