Contre la réforme Delevoye, ça chauffe en AG !
9H – Local des employés de la RATP
L’ambiance est survoltée dans le local des employés de la RATP. Près de soixante-dix personnes se serrent autour d’une grande table, sur laquelle trônent un quarte-quart, une tarte aux pommes et une cafetière.
« Ça me rappelle 95, tu te souviens, Pierrot* ?
– Ah ouais, c’est clair.
– J’étais même pas née, moi ! »
Quelques profs, un étudiant et un lycéen sont présents dans l’assemblée. On se rend compte que la lutte risque d’être longue, et qu’il ne faudra pas tomber dans le corporatisme. L’heure est à la convergence.
« Là, on va rentrer dans une guerre psychologique. Ce soir, à la télé, on va se faire défoncer, vous inquiétez pas. Laissez tomber les 60 % d’opinions positives, on va retomber à 25 %. Mais on s’en fout ! »
Ici, on est déterminé à aller jusqu’au bout.
« Il faut qu’on soit clairs. Là, ils vont commencer à essayer de nous diviser. Ils vont faire courir le bruit que telle ou telle organisation syndicale est prête à céder, que les négociations avancent, etc. Non, nous, ce qu’on veut, c’est le retrait complet. Il y a pas de négociations possibles avec le gouvernement. Et si il y en a qui commencent à douter, il faut se parler, se téléphoner, se soutenir moralement. C’est aussi pour ça que c’est important de venir en AG. Pour ne pas céder à leur propagande. »
Tout le monde applaudit l’intervention. La grève est reconduite jusqu’à mercredi, à l’unanimité.
9H45 – Bourse du travail
A la bourse du travail, les visages sont moins enjoués. Seulement une petite dizaine de personnes sont venues à l’AG des agents communaux. Un échec, pour Georges :
« La on est représentatifs de rien, on peut pas se permettre de voter quoi que ce soit… Il y a un truc qu’on a foiré, sur la communication.
– On a fait comme on a pu. Les autres syndicats disent qu’ils soutiennent, qu’ils veulent une inter-syndicale, mais après, c’est toujours pareil, on nous laisse faire tout le boulot. Et nous, on s’épuise, rétorque une représentante syndicale, un peu amère. »
La division syndicale, cet énorme piège qui se referme souvent quand la lutte devient difficile, pointerait déjà le bout de son nez ? Non, l’optimisme reprend très vite le dessus.
« Il faut pas être catastrophistes non plus. Les communaux sont pas mobilisés, c’est un fait. Mais on fait avec ce qu’on a. Jeudi dernier, à l’imprimerie, on avait 95 % de grévistes. Et le vendredi seulement 5 %. C’est à nous de continuer à mobiliser, d’aller voir les collègues, les salariés, et de pas se retrouver qu’entre militants. En 95, ça a mis un peu de temps à démarrer, il faut pas lâcher. »
L’écriture d’un tract inter-syndical, la diffusion sur tous les lieux de travail, voilà qui est acté. Et la demande d’un petit coup de pouce de la part des collègues d’autres professions. « On a besoin de bras ! »
10H30 – Mairie
A la Mairie, il y a une bonne centaine de personnes, un peu moins de monde que vendredi dernier, pour l’AG éducation. Mais il ne faut pas se méprendre : La mobilisation ne faiblit pas. Certaines écoles ont décidé de ne pas reconduire la grève ce lundi, pour éviter de se faire comptabiliser le week-end comme jours de grève. Dès mardi, la mobilisation devrait reprendre de plus belle.
Dans l’assemblée, on est en majorité pour le durcissement de la lutte :
« Il faut faire comprendre aux collègues que d’entrecouper la grève de jours travaillés, ça va pas. C’est la grève illimitée et reconductible qu’il faut déclarer ! On doit bien se rendre compte que le noyau dur de la grève, c’est la SNCF, la RATP, et l’éducation nationale. On a une responsabilité pour aller mobiliser les autres. On peut pas se permettre de faire une grève intermittente. »
11H – Mairie
L’Assemblée Générale inter-pro commence. Instits, profs, conducteurs de métro, agents communaux, étudiants, lycéens, gilets jaunes, se réunissent pour élaborer la lutte ensemble.
« On a besoin de petites mains pour nous aider », vient annoncer une agent communale. Pas de problème, des petites mains, il y en aura.
« Il faut aussi aller voir les collègues du privé, leur dire qu’eux aussi on droit de faire grève, dans le cadre d’un appel national à la grève. Il faut qu’on monte des caisses de grève, pour permettre aux employés qui ont un petit salaire de se mobiliser ! »
Dans la ville, déjà une dizaine de commerçants ont mis en place des caisses de grèves au sein de leurs boutiques. Et on espère en compter de plus en plus.
« Et surtout, il faut expliquer pourquoi on se mobilise. Le gouvernement essaye de faire croire qu’il s’agit d’abolir les régimes spéciaux, alors qu’en fait, il attaque tout le monde, tous les travailleurs avec cette réforme ! »
Des commissions se mettent en place, pour structurer la lutte en inter-professionnel. Pour décider de modes d’action, de communication, pour faire vivre et élargir la lutte.
L’idée d’une manifestation locale, dans la ville, émerge. Pas besoin d’aller tout le temps à Paris, il faut déjà montrer aux gens de la ville que le mouvement existe, ce qu’il revendique, expliquer pourquoi il faut le rejoindre.
« On n’oublie pas ! On ne veut pas d’arrangements ! C’est le retrait de la réforme qu’on exige, rappelle Thomas, professeur de collège.
– Oui, et puis après, le retrait de la réforme Blanquer ! Et puis le retour sur le massacre du code du travail. Et puis… Bref, pourquoi s’arrêter là, maintenant que le mouvement est lancé ? Ce qu’on veut, c’est la fin du monde injuste que représente Macron, non ? » s’emballe Anne, la soixantaine, gilet jaune sur le dos.
Et pourquoi pas ?
A Martine, on laisse le mot de la fin : « Nous on a fait 95, les grosses grèves, on connaît ! On lâche rien ! »
* tous les prénoms ont été modifiés
Photo : AG du vendredi 6 décembre, à la Mairie de Montreuil
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