Contre un risque de monarchie élective
On reparle à nouveau de monarchie élective pour qualifier surtout le style de gouvernement du chef de l’Etat.
Cette fois-ci, cela donne lieu à cet appel du 14 février pour une vigilance républicaine, qui a été signé par plusieurs personnalités de sensibilités politiques différentes (dont Mme Royal, M. de Villepin et M. Bayrou) et qui réaffirme entre autres « le refus de toute dérive vers une forme de pouvoir purement personnel confinant à la monarchie ». Il y avait eu également cette première conférence de presse à l’Elysée le 8 janvier 2008, au cours de laquelle, Laurent Joffrin s’était risqué à poser une question au président de la République, qui se terminait par « ... Vous êtes le chef de l’Etat du monde démocratique qui possède le plus de pouvoirs. Est-ce que vous n’avez pas instauré une forme de pouvoir personnel pour ne pas dire une monarchie élective ? »
La réponse fut ironique et humiliante... pour le journaliste qui n’eut pas le droit bien sûr de reprendre le micro... pour se défendre et qui a donc décidé de sortir un livre fin février, afin de s’expliquer plus longuement...
Retenons tout de même pour ne pas trop s’attarder sur ce sujet (la conférence de presse...) que le président tenta de faire une réponse sur un ton acerbe et condescendant à l’égard du journaliste. Le début de la réponse fut « Monarchie ça veut dire héréditaire ! »...
Grosse erreur, mais personne ne put la relever !
Si on se réfère à la définition qu’on trouve sur Wikipédia : « une monarchie élective est un type de monarchie où le monarque accède au trône par une élection et non de façon héréditaire ». Parmi les monarchies électives dans le monde d’aujourd’hui on trouve : le Saint Siège, les Emirats arabes unis, le Cambodge, la Birmanie, etc.
Il est donc clair que la monarchie n’est ni nécessairement une royauté ni nécessairement héréditaire, et qu’il a toujours existé des monarchies électives (c’était par exemple le cas chez les Gaulois). Montesquieu définissait la monarchie comme étant « le gouvernement absolu d’un seul, mais limité par les lois ».
Cette définition est cependant insuffisante si on ne pense pas aussi à la démocratie. On pourrait croire, à tort, que monarchie et démocratie sont antinomique, or il peut exister une monarchie constitutionnelle et parlementaire qui soit démocratique. Donc la démocratie ne nous met pas à l’abri de la monarchie !
Voilà pourquoi une dérive vers une forme de pouvoir purement personnel confinant à « la monarchie élective » peut avoir une signification concrète appliquée à un président de la République démocratiquement, même si cela choque son entourage, quelques-uns de ses ministres et quelques soutiens de sa majorité.
Il serait un peu long d’évoquer tous les faits de ces derniers mois qui illustreraient sans problème l’impression qu’il y a un risque d’évolution vers une « monarchie élective » en France. J’évoquerai donc ci-après quelques cas qui m’ont paru assez significatifs.
On pourrait même dire que le président a adopté les codes et les coutumes du fonctionnement monarchique. Rappelez-vous la cérémonie à Rome et sa déclaration quelques jours après (le 13 décembre) : « ... Je conçois mon rôle de président de la République comme devant être aux côtés de l’Eglise de France, dans les mauvais moments comme dans les bons ». Tout cela ne pouvait que rappeler les temps anciens du couronnement des rois ! Je ne reprendrai pas ici tout ce qu’il a dit autour des religions et qui s’inscrit bien dans la pratique monarchique.
Toujours au niveau des signes, je mettrai le train de vie que le président mène... Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il a épousé « une princesse étrangère »... comme c’était souvent le cas des rois de France. Encore un signe... l’autre jour, lorsque Attali a remis son rapport au président, il a commencé son discours par « Votre Majesté... » (c’était une citation de Turgot qui s’adressait à Louis XV...) mais quelle blague ! Etait-ce volontaire ?
Notre président, on ne va pas jusqu’à le soupçonner de vouloir instaurer une monarchie comme celles que la France a connues pendant plusieurs siècles, mais disons qu’il chercherait plutôt à instaurer une République dont les règles seraient définies par et pour lui. C’est là notre plus grande crainte ! Il a déjà commencé à exercer son pouvoir personnel sur les institutions. Il voulait les réformer et avait confié une commission à M. Balladur à cette fin, mais on ne sait pas ce qu’il en restera... En attendant, il les vide de leur contenu. Le Premier ministre et le Parlement sont anesthésiés ou au mieux pris de court ! Certains disent même qu’ils sont souvent ridiculisés !
Le président prend des décisions, sans écouter, sans consulter, sans rechercher des consensus (la fin de la publicité, la mémoire des enfants juifs à l’école, etc.).
On assiste maintenant à une politique capricieuse du bon plaisir (cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ?) Cette façon d’exercer un pouvoir personnel pourrait devenir rapidement un problème grave ! Le président ne se contente pas de quelques dossiers parmi les plus importants pour le pays, mais il reçoit les buralistes, les victimes, les syndicats de la télé, etc.). Le Premier ministre lui-même voit noyer ses paroles dans le flot de celles des conseillers élyséens !
A l’étranger aussi, on trouve que le présidant français va trop loin dans l’exercice du pouvoir personnel. Les journaux allemands ont abondamment publié la photo du président français (un montage...) avec le chapeau de Napoléon sur la tête ! Et combien de chroniqueurs se sont amusés à le comparer à Napoléon Ier ou mieux à Napoléon III qui commença comme premier président de la République et termina comme Empereur ! On n’en est pas encore là, mais comme on dit familièrement « il a quelque chose d’eux... »
Alors si nous ne sommes pas encore définitivement dans « une monarchie élective et démocratique », l’appel du 14 février 2008 pour une vigilance républicaine » est le bienvenu.
Dans un communiqué récent, Dominique de Villepin a déclaré : « Cet appel est pour moi une démarche de conviction et non une démarche d’opposition. J’ai toujours défendu la nécessité d’une vigilance républicaine qui est pour moi essentielle, tout particulièrement dans un temps d’incertitude et de confusion ».
Soyons donc vigilants !
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