Crise du PS : ne pas se tromper de diagnostic
D’aucuns vont vous expliquer que la crise que traverse le Parti Socialiste est le résultat de clivages politiques entre Martine Aubry et Ségolène Royal, d’autres qu’il s’agit de divergences sur le fonctionnement du Parti, d’autres encore que nous sommes en présence d’un affrontement entre les rénovateurs et les archéos. Tout cela n’a aucun sens. Si au moins il s’agissait de ce genre de raisons, on pourrait se dire qu’il y a un espoir d’en sortir par le haut et de retrouver une force qui puisse représenter à terme une alternative crédible. Mais non, rien de tout cela.
Franchement où sont les clivages politiques entre Martine Aubry et Ségolène Royal ? Sur les principaux sujets qui préoccupent les gens aujourd’hui, les conséquences de la crise financière, l’emploi, le pouvoir d’achat, les inégalités, le modèle de développement, l’Europe…, il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille à cigarette entre les positions de l’une et de l’autre. Pour ce qui est des idées nouvelles qui pourraient susciter le débat sur ces domaines, c’est, hélas, plutôt le vide sidéral de toutes parts.
Concernant le fonctionnement du Parti Socialiste, toutes les deux se sont complues à conserver un fonctionnement hérité du Congrès d’Epinay lorsqu’il s’agissait, par exemple, pour Mitterrand de contrebalancer les velléités des Rocardiens par la présence d’une minorité d’extrême gauche. C’est ce fonctionnement qui a conduit au désastre du congrès du Mans avec une synthèse. C’est ce fonctionnement qui a conduit au désastre du congrès de Reims sans synthèse. C’est ce fonctionnement qui conduit le Parti Socialiste Français à être la seule formation politique au monde à ne pas soumettre une ligne politique au Congrès et à la faire adopter. C’est ce fonctionnement qui conduit à cliver artificiellement les porteurs de motions à défaut de le faire sur le fond avec une majorité et une minorité. Que je sache, ni l’une, ni l’autre n’ont remis en cause ce fonctionnement. Elles ont même cru l’une comme l’autre, même si elles n’en sont pas les instigatrices, qu’en jouant les apprentis sorciers de la démocratie qui consiste à faire élire directement le Premier Secrétaire par les adhérents, ce serait eux qui les sortiraient du piège dans lequel le Parti s’est enfermé. Raté.
Pour ce qui est d’un éventuel affrontement entre rénovateurs et archéos, c’est carrément à se tordre de rire. A ce stade, bien malin qui pourra dire laquelle des deux pourrait le mieux endosser les habits des uns ou des autres. Le passage de l’une et de l’autre aux différents postes ministériels qu’elles ont tenus ne laisse pas le souvenir d’une capacité rénovatrice impérissable. Quant à la rénovation des pratiques politiques, ce n’est pas parce qu’on habille de participatives ou de rassembleuses des pratiques autoritaires qu’elles deviennent démocratiques et porteuses de sens par enchantement.
Non, ce n’est pas de cela dont il s’agit. Oui, il existe des clivages politiques au Parti Socialiste. Le problème, c’est qu’ils ne sont pas incarnés par ces deux personnes et que l’organisation actuelle du débat interne ne permet pas qu’ils soient réellement abordés et a fortiori qu’ils soient tranchés. Le fonctionnement actuel du Parti socialiste a été conçu pour un autre temps, dans d’autres circonstances et utilisé par d’autres hommes et d’autres femmes (très peu, il est vrai). Il a conduit dans ce contexte à trouver un équilibre qui permettait de faire cohabiter tant bien que mal des sensibilités politiques quelquefois bien différentes. Ce temps est révolu depuis près de vingt ans. L’étoile est morte depuis longtemps mais elle brille encore. Il faut dire que l’illusion a été entretenue par quelques rafistolages de circonstances comme l’élection du Premier Secrétaire par les adhérents et, encore plus fort, par celle du candidat du Parti de la même façon. On a mesuré l’ampleur du désastre dans les deux cas.
Pour réformer utilement le Parti Socialiste, il convient en premier lieu de ne pas se tromper de diagnostic. Il faut tout d’abord lui permettre de débattre des vrais sujets auxquels il est censé apporter des solutions. Personne ne semble s’offusquer que le Parti Socialiste puisse réunir deux ou trois mille militants, pendant trois jours, à l’occasion de son Congrès et en sortir sans qu’aucune décision ne soit prise. La seule façon pour que le Congrès prenne des décisions c’est que l’organe dirigeant sortant du Parti lui soumette une ligne ou un programme politique qu’il puisse amender et adopter ou rejeter à la majorité. Après tant de gâchis, il faudra bien enfin se résoudre à admettre que le temps de la synthèse est révolu.
On peut, d’autre part, avoir beaucoup de respect pour les adhérents, et en tout cas plus que la majorité des dirigeants du PS n’en ont eu pendant cette période, sans leur faire jouer des rôles qui ne leur reviennent pas. C’est notamment le cas de l’élection du Premier Secrétaire. Autant, il est légitime que les adhérents élisent l’organe politique du Parti dont le Premier Secrétaire est évidemment membre, autant, il n’est pas de leur responsabilité d’élire celui ou celle qui exercera la fonction de Premier Secrétaire. C’est en effet aux membres de l’organe politique du Parti qu’incombe cette responsabilité par le mandat qu’ils ont reçu des adhérents et par la qualité de responsables nationaux que leur confère ce mandat. Un mandat qui les situe au confluent de l’ensemble des éléments d’analyse leur permettant de juger qui est le plus apte à remplir cette fonction. Posture que n’ont pas les adhérents quelles que soient leurs qualités par ailleurs.
A défaut d’avoir, pour l’instant, un système de primaires qui dépasse le cadre du Parti Socialiste stricto sensu, il en est de même pour la désignation du candidat du Parti à l’élection présidentielle. On a mesuré le degré de destruction et d’énergie négative qu’a engendré l’exercice pseudo démocratique de l’automne 2006 dont s’est d’ailleurs savoureusement félicitée…
Une nouvelle époque commence pour le Parti Socialiste. La plus grande qualité qui lui sera nécessaire sera celle qui a manqué au cours des dix dernières années : le courage.
Robert Bonnand
Adhérent (malgré tout) au Parti Socialiste
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