DADVSI : la défaite socialiste dans le calme

Pour la première fois depuis la conduite des débats, la séance a pu se tenir sans la moindre demande de suspension. L’ambiance du travail législatif au sein de l’UMP a toutefois été trahie par cet aveu d’impuissance de Christine Boutin, pour qui "ce débat est très douloureux" : "Je vais me taire beaucoup, mais j’aurais beaucoup de choses à dire", a-t-elle regretté en faisant allusion à la discipline de fer exigée de ses membres par le groupe UMP. Et cette discipline, absente en décembre, a fonctionné jeudi.
Malgré ses incohérences, dénoncées par l’opposition, l’article 2 de la
loi qui prévoit les exceptions aux droits voisins a été adopté sans
grand conflit. Tous les amendements qui visaient à affirmer
l’assimilation du téléchargement
à la copie privée ont été rejetés. Le rapporteur Christian Vanneste a
martelé que le téléchargement illicite n’était pas de la copie privée,
et que les DRM étaient une avancée formidable pour redonner aux auteurs plein contrôle sur leurs oeuvres. Contrairement à l’état de la
jurisprudence et si le texte était adopté en l’état, la copie privée
n’existera donc plus qu’à partir de supports physiques, et dans les
limites du test des trois étapes, réaffirmé et inscrit dans la loi.
Le
débat s’est assez vite déplacé sur la rémunération pour copie privée
(la fameuse taxe sur les supports vierges) et le sort qui lui est
réservé dans un monde entièrement DRMisé. Puisque les téléchargements
autres que ceux effectués sur des plates-formes marchandes ne sont plus
licites, et puisque la rémunération sur copie privée n’est pas pour
autant remise en cause, "les consommateurs vont-ils accepter longtemps de perdre sur tous les tableaux ? ",
se demande Didier Mathus, du groupe socialiste. L’opposition a défendu
la valeur culturelle de cette rémunération qui finance pour un quart le
spectacle vivant. Les amendements qui visent à prendre en compte
l’impact des DRM sur la copie privée dans le calcul de la redevance ont
été adoptés, mais au détriment sans doute de ce financement culturel.
C’est pourquoi les socialistes ont défendu longuement l’idée d’imposer une taxe aux FAI.
Une idée refusée dans son principe par le gouvernement et le rapporteur,
qui y voient une licence globale déguisée et la reconnaissance
implicite d’un droit à la copie privée par le téléchargement. Faute
d’un nombre suffisant de députés restant dans l’hémicycle, le vote sur
cette proposition a été remis à mardi prochain, tout comme le reste de
l’examen de la loi, qui continuera la semaine prochaine.
La main de fer de de Villepin sur la tête de Donnedieu de Vabres
Au-delà de l’importance du texte lui-même, le Parti socialiste a perdu
jeudi une bataille politique en ne parvenant pas à imposer le blocage
qu’il avait annoncé au président de séance de l’Assemblée nationale.
L’opposition s’était engagée dans une bataille procédurale qu’elle
promettait de mener jusqu’à ce que l’urgence soit levée sur le texte.
Les traits tirés, le visage grave, Renaud Donnedieu de Vabres avait
semblé presque battu, isolé jusque dans son propre camp. Mais la DADVSI a,
semble-t-il, été l’otage improvisé du débat sur le contrat de première
embauche.
"Villepin ne veut pas paraître céder à la jeunesse sur ce texte, sinon c’est la brèche ouverte pour le CPE", a ainsi confié à l’AFP un député UMP sous couvert d’anonymat. "M. de Villepin a décidé de ne pas capituler, nous non plus",
avertissait alors en séance M. Emmanuelli, qui n’a pourtant pas su
trouver les ressources pour mener cette bataille jusqu’à son terme.
C’était un premier échec, le moins grave.
Plus grave, les socialistes, divisés sur la question de la licence
globale, n’ont pas su se manifester en nombre et se rassembler pour
défendre les valeurs essentielles de la copie privée. L’UMP l’a bien
compris, et sauf mobilisation plus forte de l’opposition en deuxième
semaine, elle semble avoir acquis les pleins pouvoirs pour imposer au
texte ce que les industries culturelles lui dictent.
"Le droit au progrès technologique, la société le gagnera", a tenu à rassurer un Didier Mathus désabusé par le rapport des forces. "Peut-être pas ce soir, mais elle le gagnera".
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