Débat sur le Net : agitant le hochet du débat sous ma douche...
On me demandait hier quelle était mon sentiment sur la proposition de débat sur le Net : intéressé, pas intéressé, souhaitable, pas souhaitable... Par volonté de concision et parce que là n’était pas le sujet... du débat, je m’enquis de l’existence d’une option « rien à talquer ». Mais, sous ma douche, ce matin, je trouvai des raisons de développer le choix d’une telle option.
- Cette proposition m’est, de prime abord, apparue comme une simple tentative de Bayrou d’attirer à lui les projecteurs, de s’offrir une visibilité, après avoir proposé la suppression de l’ENA, ce qui ne me porte pas à considérer cette proposition avec beaucoup d’indulgence ;
- Il me semble que, dans les trois dernières semaines de la campagne, il pourrait être envisagé d’occuper autrement le terrain médiatique. Cette proposition, qui me semble peu réaliste et peu sérieuse, va occuper les blogueurs et les médias pendant quelque temps - et Bayrou de s’assurer que le soufflé ne retombe pas en reprochant, ce matin, son refus à Nicolas Sarkozy - alors même que l’on pourrait utiliser ce peu de « temps de média disponible » à évoquer d’autres enjeux. Moi-même, à l’instant, je me prends à m’en vouloir de consacrer du temps à cette question, alors que j’ai d’autres sujets en tête ;
- Cette proposition m’est également apparue comme un hochet pour blogueurs. Certains, les plus favorables à Bayrou s’en saisissent avec une certaine frénésie. Ca peut se comprendre, puisqu’ils lui sont favorables ;
- Cette proposition me semble peu sérieuse car elle suppose que « les blogueurs » s’organisent - et il faudrait déjà qu’ils se rapprochent - pour mettre au point les modalités d’un tel débat dans les trois semaines qui viennent. "Que tous les sites Internet se mettent ensemble pour organiser ce débat", nous dit-il... C’est une blague ? En outre, lorsque des chaînes de télévision, avec leur puissance, mettent des semaines à mettre au point les modalités précises d’un débat avec les états-majors des partis, les blogueurs, eux, y parviendraient en si peu de temps ? Quand on voit les difficultés qu’a suscitées l’organisation des débats au sein du PS - jusqu’au choix de l’emplacement des pupitres - pense-t-on vraiment que l’organisation d’un débat sur le Net pourra se faire si facilement ?
- François Bayrou me paraît particulièrement peu cohérent dans son approche : ainsi donc il faudrait organiser un débat entre Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, Jean-Marie Le Pen et lui ? Alors quoi, tout le discours sur le temps de parole, la visibilité médiatique, les grands candidats qui écrasent les petits, ça ne vaut que pour autant qu’il soit concerné ? Le CSA impose une règle d’égalité du temps de parole et ce, au nom du pluralisme, pluralisme que François Bayrou affirme avec force vouloir défendre à chaque intervention, en introduction comme en conclusion de son livre, mais il propose ni plus ni moins de contourner cette règle ! On fait plus citoyen, comme proposition, monsieur Bayrou... Le pluralisme n’est donc bon que quand il lui profite ? Plus encore, comment justifie-t-il cette idée ? Par la volonté de créer un espace démocratique, puisque les médias seraient bouchés. Parce que le pluralisme, ce n’est pas la démocratie ?
- Je vois qu’Agoravox tenterait d’organiser un débat qui rassemblerait, pour le coup, les douze candidats... Cela, au moins, va dans le sens du pluralisme et je reconnais bien là la marque du volontarisme de son fondateur, Carlo Revelli, sans pour autant lever vraiment les obstacles techniques... et démocratiques. Puis-je me permettre de confesser un certain scepticisme ? Je ne veux pas douter des grandes qualités et compétences de ceux qui animeraient la chose mais, si l’on ne veut pas tomber dans le populisme et la démagogie consistant à penser que les journalistes sont tous des imbéciles néfastes, peut-on se permettre de penser que maîtriser douze candidats à la présidentielle, c’est se poser un p... de challenge pour une première expérience ? Admettons que Nicolas Sarkozy y participe et affirme une chose, comment procède-t-on ? On sélectionne ceux qui auront le droit de lui répliquer ? Ce ne serait ni juste ni très envisageable, les candidats en question sachant s’imposer ? Alors, on permet à chacun de répliquer ? Vous avez huit heures à consacrer à un tel débat, vous ? Et s’il doit s’agir, pour éviter ce problème, de douze prises de parole parallèles, cela vous semble-t-il véritablement souhaitable et intéressant ? Personnellement, j’écoute les médias, pour avoir des prises de position parallèles...
- Enfin, on évoque le refus de Nicolas Sarkozy de participer au débat, ou de participer à un débat télévisé avant le premier tour. Alors, soyons complets. A cet égard, l’article consacré par Le Monde à ces questions me paraît plutôt bien balancé, puisqu’il comporte des « griefs » à l’encontre de Nicolas Sarkozy, mais aussi un élément qui mérite d’être relevé : « Jean-Michel Blier accorde un point à Nicolas Sarkozy : "Franck Louvrier m’a proposé un débat avec Ségolène Royal, avant la période d’égalité. Nous avons transmis à l’équipe de la candidate, mais nous n’avons jamais eu de retour." » Le fait est qu’aujourd’hui, organiser un débat à deux, trois, ou quatre n’a pas de sens. Et si vous voulez organiser des débats entre tous, ce ne sont pas, comme l’évoque Jean-Michel Blier, trois débats à quatre qu’il faut organiser : Pourquoi donc les quatre « grands » candidats débattraient-ils ensemble ? Pourquoi Philippe de Villiers devrait-il débattre avec Schivardi, Besancenot et Nihous ? Ou Voynet avec Le Pen, Buffet, et Besancenot ? Chacun de ces candidats exigera avec quelque raison de débattre avec les « grands »... Bref, le respect du pluralisme n’est pas là où l’on croit, dans cette affaire.
Voilà. J’ai donc agité le hochet pour blogueurs. Et j’ai consacré à ce sujet plus de temps que je n’ai consacré à évoquer une rencontre pourtant fort intéressante entre des blogueurs et Philippe Douste-Blazy la semaine dernière, pour évoquer la politique étrangère de la France, sujet bien trop absent de la campagne, alors qu’il se passe ces jours-ci des évènements majeurs, de la « crise des marins britanniques » aux espoirs - à relativiser certes, par habitude - de conférence de paix au Moyen-Orient.
Ce soir, pour la deuxième fois depuis le début de l’année, je me rendrai à une rencontre organisée par l’UMP avec des blogueurs. Ce sera avec Michèle Alliot-Marie. On y évoquera les questions de Défense... Alors, croyez-moi, quitte à fournir des sujets de discussion aux blogueurs, je préfère qu’on les occupe avec la politique internationale et la Défense, plutôt que les occuper avec des hochets futiles.
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