Debout-la-France, histoire d’un naufrage annoncé
Le présent article est en même temps un témoignage et une analyse, que je porte après avoir accompagné Debout-la-France pendant quelques années, et lors de la période qui sépara son apogée de sa chute.
Je raconte l'Histoire récente du mouvement dont je fus le candidat aux élections législatives. Je pose une analyse et un diagnostique sur l'effondrement du parti qui fut un temps, une dimension de ma vie.
Rien ne sert de répéter à l'envie que l'on regrette ou que l'on ne regrette pas, l'Histoire et l'Histoire, elle peut être analysée de plusieurs façons, elle ne peut être changée.
En route donc, pour l'Histoire d'une déroute, l'histoire d'une chute, celle du parti qui fut le mien.
Tout commence vraiment un soir entre les deux tours des élections présidentielles.
Les militants de Debout-la-France attendent, sagement, car ils sont souvent des gens sages, posés et bien élevés, la prise de position de leur champion. Il y a peu de suspense à vrai dire. Chacun attend une position de neutralité ou d'abstention.
Pour la forme, le Secrétaire Départemental a demandé l'avis des militants. Il n'y a pas de surprise. Aucune voix en faveur d'un ralliement à Macron, personne ou presque pour le Pen !
Puis, c'est le coup de tonnerre. Nicolas Dupont-Aignan appelle à voter Marine le Pen. C'est la stupéfaction chez les militants. Avant d'être favorables ou opposés à cette décision, les militants sont d'abord sidérés. Personne, absolument personne ne s'attendait à une pareille prise de position.
Certains se réjouissent, d'autres désespèrent ; mais globalement il y a peu de contestation et d'état d'âme parmi les militants de base. On suit le mouvement.
Mon interprétation est que là, Nicolas Dupont-Aignan a joué un coup de génie.
Je laisse de côté les considérations morales sur une telle alliance pour analyser le côté politique.
Du jour au lendemain, Debout-la-France passe du statut de groupuscule quasi-clandestin – j'en étais, lorsque je distribuais les tracts de Nicolas Dupont-Aignan, à demander aux passants, s'ils connaissaient ce monsieur – à celui de parti pivot de la Politique Française ! Nicolas Dupont-Aignan avait transformé du plomb, ses moins de 5% des suffrages au premier tour, en or : un accord de gouvernement en faisant un premier ministre potentiel.
Ce coup de génie suivait de prés une autre excellente manœuvre : la sortie en grande pompe de Nicolas Dupont-Aignan des studios de TF1.
C'était l'apogée, l'heure de gloire. Le petit parti, respecté mais un peu ignoré des Français, était devenu grand !
Las. Le président de Debout-la-France ne savait pas que son mouvement était là, à son zénith. Allait suivre une longue descente aux enfers parsemée de malchances et d'erreurs fatales.
Première erreur, au lieu de rester dans une alliance prudente qui conserve ses distances avec le FN, NDA va s'engager à fond dans le combat du deuxième tour de la présidentielle.
Cet investissement total et sans réserve était bien dans le caractère sanguin de Nicolas. Il ne lui portera pas chance. La politique aime peu les sentiments.
Cet engagement complet, total, dont l'apothéose sera le meeting du Bourget va poser deux handicaps au patron de DLF.
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Par contraste sa rupture prochaine d'avec Marine le Pen sera d'autant plus visible que les amours étaient affichées. Une alliance plus réservée aurait permis une rupture plus discrète.
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Plus grave, en effaçant la frontière entre DLF et le FN, il va se produire une porosité entre les deux partis qui va voir fuir les cadres de DLF vers le FN.
DLF était un peu la "vitrine légale du FN", le parti où il était possible de défendre grosso modo les mêmes idées que chez le Pen sans être autant ostracisé que les Frontistes. A partir du moment où les deux partis étaient dans une alliance quasi-fusionnelle, il n'y avait plus d'intérêt pour les militants et surtout les cadres de DLF de rester dans un micro-parti au moment où ils pouvaient espérer, avec le FN, obtenir des postes ou des mandats, de députés notamment !
C'est pour retenir ses cadres qui fuient vers le FN que Nicolas Dupont-Aignan va rompre l'alliance. Cette rupture sera catastrophique. Les militants la percevront comme une marche arrière, une retraite incompréhensible après l'avancée précédente.
Le bon coup qu'il aurait fallu jouer était une alliance avec le FN sans l'engagement outrancier auprès de Marine qui fut celui de Nicolas. Sans cet investissement exagéré, DLF aurait bien moins souffert du deuxième événement catastrophique qui va se produire.
Mais les hommes sont les hommes ! Nicolas est un sanguin, il était programmé pour agir de la sorte. Nous le verrons, il n'a pas de coach pour le briefer. Il est son pire ennemi.
Deuxième embûche sur le Chemin de Croix de Nicolas, le fameux débat du 2eme tour.
Je ne reviens pas sur cet événement. Madame le Pen échoue complètement et, forcément, Nicolas Dupont-Aignan qui l'avait soutenu, voit d'un coup sa crédibilité s'effondrer d'autant plus que le soutien était total.
Nicolas répondra dignement aux journalistes qu'il ne regrette rien. Il n'y croit pas lui-même.
Troisième station du Chemin de Croix de Nicolas : les élections législatives.
L'alliance avec le FN à peine digérée par les militants, voilà que DLF inverse sa position ! Il n'est plus question d'alliance aux législatives. Chacun part de son côté.
Le Congrès National qui précéda les législatives auquel j'assistais comme candidat de Debout-la-France, fut pathétique. Je découvrais un Nicolas incapable de mener une réunion nationale du début jusqu'à la fin. Nicolas voulu faire un tour de table des départements en laissant s'exprimer chaque responsable de département. Rapidement les débats dérivèrent le tour de table ne fut pas fait sous prétexte de laisser s'exprimer chacun, chose difficile dans une salle qui devait contenir un demi millier de personnes au moins. Tout cela termina en eau de boudin.
L'après midi, Nicolas réexpliqua de manière toujours aussi peu compréhensible ni convaincante, pourquoi il ne voulait plus d'une alliance avec le FN. Ses cadres nationaux ne le suivaient pas. Au moment du vote, la réunion continua à dériver. On en vint aux mains. Des rixes éclatèrent entre cadres se reprochant lâcheté ou trahison. Triste spectacle en vérité que celui-là.
Au final l'assemblée vota massivement, mais pas unanimement, dans le sens de Nicolas. Les cadres nationaux votèrent quasiment tous contre lui.
Les acrobaties verbales du chef ne trompèrent personne. L'alliance avec le FN était rompue.
Les conséquences de cette rupture allaient être mortelles pour DLF. En renonçant à l'alliance avec le FN le parti se privait de députés et par là de caisse de raisonnance médiatique et d'un secours au cas où NDA disparaîtrait pour une raison ou une autre du paysage politico-médiatique. Le parti ne tenait qu'à un seul homme.
Comme NDA est un mauvais communiquant à la télévision qui se tortille sans arrêt sur son siège, peu sûr de lui, pas coaché, il est facile de comprendre que le score de 5% de NDA à la présidentielle allait devenir le plafond de plexiglas (pas les moyens de se payer du verre) de Debout-la-France.
La suite ne prouva pas le contraire puisqu'à part Nicolas réélu de justesse dans sa circo, aucun d'entre nous ne fit plus de 5% de voix.
Le parti était remarginalisé. Retour à la case départ, en pire.
Le gain de notoriété enregistré à l'occasion du ralliement au FN (Nicolas rejette les termes, mais à quoi cela sert-il de jouer sur les mots) était effacé. Les cadres, Dominique Jamet notamment partis à l'occasion de ce ralliement ne reviendraient pas. Ce qui est cassé est cassé. Les Français ne comprenaient plus la stratégie du parti.
Le bilan, d'après l'alliance avec Mme le Pen, était déjà globalement très négatif.
Quatrième station du Chemin de Croix : le site des Amoureux de la France.
Être communiquant ne s'improvise pas. Être informaticien non plus.
Nicolas, ou le staff autour de lui, crut avoir une idée de génie en créant le site internet des "Amoureux de la France".
Créer un site Internet où les gens pourraient exposer leurs points de vue et échanger, était effectivement une idée brillante et novatrice... pour le siècle dernier. Une telle trouvaille eût excellé dans les années 90. Aujourd'hui ce stade est dépassé. La communication se fait, comme Donald Trump l'a compris, à travers les réseaux : Twitter, Facebook etc..
Le titre "Les Amoureux de la France" sonnait comme un nom d'association campagnarde (sans méchanceté, je suis moi-même campagnard et le revendique) de défense du patrimoine, certainement pas comme celui d'une organisation de combattants prêts à tout pour abattre le Système. Décidément DLF ne parvenait pas à sortir de son côté Notables-de-Province.
Le contenu du site était tout autant désastreux puisqu'il ne s'agissait que de questions d'une platitude affolante et sans aucun intérêt pour lesquelles la réponse était évidente, presque dictée : "Voulez vous plus de policiers ?", "Voulez qu'il y ait moins de discrimination contre les femmes ?", "Voulez vous que la France ait une politique de santé digne de ce nom" etc... Il ne manquait plus que de demander : "Voulez que la pauvreté et la maladie disparaissent ?" et le ridicule eût été complet.
A propos de ridicule, la réaction de NDA voulant porter plainte contre un humoriste qui appelait à casser son site le fut aussi.
Aujourd'hui, toutes les grandes sociétés et grandes administrations, comme d'ailleurs aussi les plus petites et même les particuliers doivent être en état de se défendre contre les attaques de pirates informatiques. La sécurité absolue n'existe pas, mais les professionnels du domaines savent que quelques mesures de bon sens : avoir des systèmes d'exploitation à jour et des défenses informatiques à l'état de l'art, vous protègent raisonnablement y compris d'un hystérique qui appelle à pirater votre site. Porter plainte n'est pas la réponse appropriée à ce niveau là, celui de la menace. La plainte intervient lorsque votre Système a été effectivement cassé.
Tout cela est pur bon sens. Mieux vaut un bon verrou à votre maison qu'une plainte aléatoire contre un voisin avec lequel vous vous êtes fâché !
Pourquoi cet e-naufrage ?
Comme j'ai pu le constater au Conseil National, DLF a des adhérents de tous horizons, avec tous les talents et qui brûlent de servir le parti pour défendre la Cause ! Il eût été aisé à M. Dupont-Aignan de puiser à l'intérieur de ce vivier qui ferait rêver tant d'entreprises, des talents, des compétences, gratuites(!) sur la com' , l'informatique ou la sécurité. Las, il ne le fît pas.
Il ne le fît pas je pense, parce qu'il s'est laissé isoler dans une bulle, une bulle de courtisans : les e-responsables, entre autres, des 'Amoureux de la France. com' qui l'ont coupé du monde réel et provoqueront sa chute, mais n'anticipons pas.
Cinquième calvaire : la gifle de Wauquiez.
A M. Dupont-Aignan qui prétendit après le double désastre des présidentielles et des législatives, rassembler les droites, Laurent Wauquiez, nouveau patron de la Droite-Système, dite aussi "droite républicaine" ; répondit par tweet du 12 juillet (Tiens ! Encore qui avait oublié d'aller sur le site des Amoureux de la France !) :
"Votre choix du second tour est sans retour. La droite des valeurs n'est pas compatible avec le FN. "
Aïe ! Là, après la descente, c'était l'humiliation, l'estocade finale. Comme je ne pense pas que M. Wauquiez ait spécialement plus de valeurs ou de vertus que les autres figures politiques de ce bas monde, je vais tenter une traduction, en français courant de son tweet :
"On s'en fou de toi. Avec tes 3% tu représentes rien. Va jouer aux billes, laisse les grands travailler".
J'appris plus tard que la position de Wauquiez est parfaitement vérouillée par un dossier en sa possession destiné à faire exploser NDA en plein vol si, fait improbable, il dépassait les 5%. On est jamais trop prudent !
Une fois passé en revue ce long et pénible calvaire, nous pouvons nous demander :
Pourquoi Debout-la-France piétine.
Le premier problème : le chef.
« Cent moutons dirigés par un lion sont plus dangereux que cent lions dirigés par un mouton » disait Mac Arthur . »
Comment un homme politique peut-il survivre dans une société hyper-communicante comme la nôtre sans coaching ? Nicolas Dupont-Aignan n'a pas de coach. De là ses attitudes crispées, hésitantes, tendues devant les caméras. Les Français les perçoivent même inconsciemment. Ils ne peuvent pas adhérer à quelqu'un qui n'est pas sûr de lui.
Comme Nicolas Dupont-Aignan est le seul personnage médiatique de DLF, vous avez là l'explication de 50% du problème de Debout-la-France.
Comme pour l'informatique, comme pour le reste, des volontaires ont proposé leur aide, des coachings gratuits au boss. Ils n'ont pas eu de réponse et ce personnage, au demeurant sympathique, mais exposé de part sa position à un certain nombre de tirs croisés de ses adversaires, sort dans les media sans coaching digne de ce nom, sans entraînement, la fleur au fusil, prêt à se faire... flinguer !
Il n'a personne autour de lui, pour lui dire ce qui ne va pas sur le forme, comme sur le fond. Nicolas Dupont-Aignan répète sans arrêt le même discours. Il lasse tant ses partenaires qui connaissent son argumentaire par cœur, que ses adversaires qu'il ne sait pas étonner.
« N'acceptez jamais de vous battre aux conditions de l'adversaire » disait le Maréchal Tito. Si vous voulez faire le buzz dans les media, attirer l'attention sur vous, il faut surprendre. C'est ce qu'a très bien fait NDA quand il s'est allié avec Marine le Pen et... qu'il n'a plus jamais refait après !
Nicolas Dupont-Aignan passe son temps, depuis son alliance et sa désalliance avec la dite dame, à se justifier maladroitement, ça n'intéresse personne.
Nulle idée novatrice, inédite, bousculant les codes, ne sort de sa bouche. Il est incapable de faire ce qu'a très bien fait Macron, avant la présidentielle et ce que fait si bien Mélenchon encore maintenant : secouer les esprits, interpeller, faire douter.
Quand DLF se trompe de rôle.
En prenant un peu de recul, nous nous rendons compte que Debout-la-France se comporte comme s'il était un parti au pouvoir !
C’est hallucinant.
Le chef est quasi inaccessible des militants, pourtant pas si nombreux ! Dans le Loiret si nous étions dix à une réunion de tout le département, c'était déjà pas mal.
La com' est complètement lissée de manière à ne froisser personne. Ce point est illustré par le communiquant désigné de DLF : Damien Lempereur. Ce garçon très propre sur lui et qui ne choquera jamais une mouche est une sort de réplique, un clone, en plus transparent, si tant est que ce soit possible de Nicolas Dupont-Aignan. Communiquant désastreux dans le rôle qui lui est donné, celui de challenger (mais certainement excellent dans d'autres rôles), c'est un très bon somnifère.
Or, DLF, ça n'a échappé à personne, sauf peut être à son chef, n'est pas un parti au pouvoir. DLF est un challenger. C'est au challenger de sortir ses griffes, de choquer, d'aller hors des sentiers battus ! DLF ici se trompe de rôle dans le jeu qu'il joue. La sanction est là : le parti ne décolle pas. DLF ne décollera jamais !
Quel avenir pour DLF.
Aucun.
DLF n'a plus de positionnement à droite entre FN et LR.
L'extrême-droite ou l'ex-extrême-droite va forcément se restructurer et se ressaisir, avec ou sans Marine le Pen, parce qu'elle en a le potentiel. Le FN a rassemblé un électeur sur trois au deuxième tour après un débat calamiteux. C'est pas si mal.
Forcément, la nouvelle force qui va succéder au FN, ou le FN version 2.0 va mordre sur le faible électorat de DLF.
Wauquiez qui est tout sauf un imbécile a bien compris, comme jadis Sarkozy, que pour gagner il faudrait siphonner le maximum d'électeurs proches de l'extrême-droite et de DLF ! Au même moment où il claque la porte au nez de Nicolas Dupont-Aignan ; il reprend des parties de son discours pour capter ses électeurs ! Tout cela est de bonne guerre !
DLF s'éteindra naturellement avec la mort politique de son chef. Isolé par quelques courtisans, je n'ai point de doute que celui-ci sera bientôt assassiné [politiquement, cela suffira] par ces courtisans qui récupèreront une coquille vide, le parti n'existant que par son leader.
Étrange expérience à laquelle, j'ai participé et je l'assume que celle de ce parti, porté par un seul homme et qui se fracassa au contact de la vraie vie politique.
Je pense que les idées étaient justes, mais la stratégie était fausse. Le parti, comme son leader n'ont jamais réussi à abandonner leur attachement au Système qu'il prétendait combattre. Il est à l'image d'une certaine France qui voudrait... mais pas jusqu'au bout.
Pour ma part, j'ai rompu avec ce parti qui me reprochait d'être... climato-sceptique, ou quand les « révolutionnaires » qui vont abattre la dictature du Système craignent par dessus tout que l'on remette en cause ses dogmes les plus sots...
La France qui voudrait bien et qui finalement... s'abstient !
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