Deux claques au lieu d’une
Le titre fait allusion à une fort célèbre claque d’un candidat à la présidentielle. À travers le cas, assez peu évoqué par les médias, d’une grande ville de l’Ouest, il démontre comment à la fois l’UMP et le PS ne sortent pas grandis de ces élections municipales.

Maurice Szafran dans Marianne titre « Une claque » dans un assez vif commentaire sur l’échec électoral du président et de son parti, l’UMP. Et pourtant tout semble avoir été fait pour relativiser cet échec, y compris sans doute comme le souligne Arrêt sur images en tardant à rendre publique et évidente la plus faible participation électorale depuis 1959 (!), en prétextant un cafouillage informatique... ainsi que les résultats de l’Outre-Mer... Pour la première fois de l’histoire des municipales, la ministre de l’Intérieur s’est uniquement fendue d’un communiqué des plus sobres - au lieu de la traditionnelle intervention télévisée sur toutes les chaînes.
Une première claque
La première claque est sans doute l’échec patent de la destruction du MoDem, savamment organisée dès le mois de mai 2007 par la présidence en personne, notamment à travers la création d’un parti fantoche, le Nouveau Centre, dont les résultats ont confirmé la vacuité et l’inexistence - aux rares expressions près des rares notables implantés qui ne se différencient déjà plus de l’UMP, comme tous ceux qui l’ont ralliée par le passé.
Comme le dit si bien M. Szafran, « Nicolas Sarkozy a organisé avec méticulosité, avec méthode, la destruction du MoDem de François Bayrou [...] au point d’acheter Jean-Marie Cavada, l’incarnation de la traîtrise en politique, afin qu’il se présente et échoue, à Paris dans le 12e arrondissement ». « Mort à Bayrou, mort au centrisme indépendant qui ne se couche plus devant la droite au pouvoir, qui complique les clivages traditionnels, en soutenant l’UMP Juppé à Bordeaux » et le socialiste Guérini à Marseille.
Le MoDem aura certes relativement peu d’élus : mais l’opération n’en a pas moins échoué comme le premier tour en fournit la démonstration, y compris à Rennes où l’UMP, dans une terre historiquement démocrate-chrétienne, s’est délibérément positionnée au « centre », voire au centre gauche, en se démarquant chaque fois que possible de l’encombrant parti officiel (malgré la venue récurrente des ministres fort visibles) et en affichant partout, jusqu’au bulletin de vote, la « Gauche moderne », le « Nouveau Centre » et même le regretté « Parti radical », à égalité avec l’UMP... Sans oublier bien sûr, à l’occasion, en récupérant au-delà de toute décence, l’« UDF-MoDem », certes un peu isolé dans une liste de 61 noms, dont on oubliait volontiers un tout petit « ex- » préalable, mais qui n’en était pas moins mis systématiquement en avant.
Or, à Rennes, la droite obtient son plus mauvais score historique et ne dispose, avant le second tour, d’aucun réservoir de voix. Car même le FN n’avait pu se présenter.
Une des principales conséquences a été la fuite éperdue dans toute une série de villes importantes, notamment de l’Ouest, des électeurs bayrouistes vers la gauche, favorisant la victoire de maires de gauche qui n’en espéraient pas tant il y a quelques mois encore. À Rouen, ville qui bascule dès le premier tour, l’ironie veut que c’est un maire qui avait quitté l’UDF en mai 2007 pour devenir subitement « indépendant » - qui est écarté sans appel et avec fracas. Comme le souligne Marianne, « le TSS (« tout sauf Sarkozy ») tourne à plein régime quand il est actionné par des... centristes ». « Ce sont eux, et eux avant tout, les déçus les plus implacables de ce président longtemps persuadé » de pouvoir les récupérer, « de les reconquérir en se contentant de quelques œillades et discours à tonalité humaniste ».
Une deuxième claque
La seconde claque n’est pas mise en avant par Marianne - qui souligne néanmoins que « la victoire qui s’annonce n’appartient guère [aux socialistes] » et précise que « même si Toulouse, Strasbourg ou même Marseille ‘‘tombent’‘ à gauche dimanche prochain, emportant au passage un pan entier de la Sarkozye, le PS ne sera pas dispensé d’intelligence ».
Il est donc hautement vraisemblable que Rennes reste à gauche pour six ans de plus. Mais peut-on vraiment parler de victoire, quand malgré un bilan unanimement apprécié - par les Rennais qui l’ont plébiscité à 87 % -, le dauphin adoubé obtient seulement un peu de plus de 30 000 voix - sur 118 000 électeurs inscrits ? Où étaient les Rennaises et les Rennais follement enthousiastes de son futur mandat ce dimanche ? Certes, il lui manquait, à sa décharge, l’appui (d’une partie) des Verts, mais la liste qu’il présentait ne négligeait aucun sous-parti de la gauche traditionnelle et moins : outre le PS dominant, y figurent les transfuges de « Rennes Métropole écologie », les irréductibles du PCF, les quasi-inexistants du PRG, les à peine bretonnants de l’UDB et même des prétendus « Rouge & Vert » ! Dans une ville qui a voté Ségolène Royal à près de 63 %, on ne peut pas dire que l’amour pour le maire de Saint-Jacques-de-la-Lande, Daniel Delaveau, qui se présente à Rennes ait été transcendant.
Il est tout aussi remarquable qu’Ouest-France apprenne aux Rennais, seulement au lendemain du premier tour, que M. Delaveau a bien voté... dans la ville voisine qu’il continue d’habiter, puisque l’ancien maire, et toujours conseiller municipal de Saint-Jacques, « n’a pas encore déménagé à Rennes » « ce qui devrait être fait dans l’année » comme l’assurait néanmoins Nathalie Appéré, sa directrice de campagne. Un parachutage très local en quelque sorte. Qu’elle soit remerciée pour cette assurance qu’on aurait aimée plus prompte. Il est vrai qu’il s’est déjà proclamé candidat unique à la présidence de Rennes Métropole, poste qu’il va sans doute continuer à cumuler avec quelques autres fonctions, y compris celles de P.-D.G.
La porte violemment refermée au nez de Nicole Kiil-Nielsen (Verts) qui était pourtant sa troisième adjointe pendant six ans constitue la démonstration flagrante d’une volonté hégémonique et de son absence de volonté d’ouverture - et sans nul doute d’écoute. Près de 6 000 voix de Rennais seront ainsi reléguées aux oubliettes, malgré la majorité confortable qu’il affichera à la fois à Rennes et à Rennes Métropole.
Implantation
Avoir, en cette circonstance, sans aucune aide nationale, sans ténor ni trompettes, réussi à s’imposer comme une autre voie possible, comme le « troisième homme » (pardon, la « troisième dame ») est incontestablement un succès. Un succès modeste, haut de près de 6 700 Rennaises et Rennais qui ont cru au projet démocrate en glissant dans l’urne un bulletin orange. Un avertissement - à droite et à gauche - qu’il ne leur reste qu’à amplifier au second tour. L’intelligence du cœur et la vraie différence seront alors au rendez-vous demain.
Vincent Guglielmelli
37 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON